Certains auraient sans doute préféré qu'il revienne la tête basse et le regard fuyant comme un enfant surpris en faute qui, venant d'être puni, en assumait l'opprobre. D'autres même s'attendaient à ne plus le revoir du tout comme un lâche fuyant les responsabilités et cherchant de son mieux à se faire oublier. D'autres encore auraient voulu le voir affirmer sa position, revendiquer ce respect auquel il avait droit comme un innocent défendant son intégrité bafouée. Et pratiquement tous auraient voulu éviter d'être le témoin de ce retour, être étranger à ce malaise ambiant qui au fond les remplissait d'une honte pitoyable qu'ils refusaient d'admettre tout à fait. Dans le lourd silence qui venait de s'installer troublé par moment de chuchotements gênés qui mourraient dans la gorge de leurs propriétaires, les regards se braquaient sur la haute silhouette d'un jeune homme. Baskets impeccablement blanches en partie recouvertes par un jean noir qui allongeait davantage ses jambes, ceintures métallique bordée de chaînettes sur laquelle retombait une chemise blanche au motif gris discret et de bon goût, veste noire à la coupe moderne quoique suivant des lignes classiques surmontant une écharpe gris perle à la matière fluide que recouvraient sur sa nuque des cheveux devenus plus longs, et manches remontées à hauteur des coudes en un froissement négligé. Son apparence à la fois distinguée et décontractée mêlait étroitement l'arrogance à l'élégance tout en s'affranchissant de la rigueur passée qu'avait exigé son rang. C'est d'ailleurs avec une indifférence royale qu'il dépassa ses pairs avec une dignité apparente mais non revendicative pour consulter le tableau d'affichage.
Voilà peut être le seul élément réellement surprenant qui méritait que l'on s'étonne à son propos. Lui qui avait figuré parmi les éminences grises de Sannom, qui avait dirigé et remanié avec succès depuis cinq ans la guilde des chasseurs de primes, qui avait été en mesure de défaire la tyrannie des vampires et qui accessoirement été soupçonné parfois à juste titre d'avoir transgresser la loi pour y parvenir, le voilà qui consultait innocemment les primes disponibles comme n'importe lequel des chasseurs qui l'entouraient. Pourtant, ce statut était à ses yeux infiniment précieux de part l'indépendance dont il bénéficiait. Après ces années dévolues à se heurter aux difficultés et aux défis sous les projecteurs de la vie publique, il vivait sa rétrogradation et sa déchéance sociale comme l'avènement d'une ère de tranquillité. Illusions avec lesquelles il se voilait délibérément la face ? Réaction défaitiste qui ne lui ressemblait pas ? Ou tout simplement l'acceptation de ses erreurs passées et décision raisonnable ? Après encore quelques secondes passées à se remettre du choc, les conversations reprirent et chacun pris le plus grand soin à ignorer celui pour lequel ils s'étaient interrompus quelques instants auparavant. Un sourire méprisant se glissa sur le visage de Liven en remarquant leur hypocrisie mais il savait très bien qu'au fond il ne pouvait pas réellement leur en vouloir. D'une façon générale, les membres de sa guilde étaient encore les seuls à le soutenir.
Il laissa vagabonder son regard à la recherche d'une prime intéressante. Le jeune homme ressentait une certaine exaltation à renouer avec ses débuts, lorsque avide de faire ses preuves il n'avait pas tardé à rejoindre l'élite des chasseurs. Soudain, ses yeux aux iris bleue désespérément délavées reconnurent un nom pour le moins familier sur la réservation de plusieurs primes : Isuzu Kamagéta. En voilà une justement dont la renommée commençait à s'étendre considérablement depuis son rôle dans l'invasion vampirique et le soutient toujours discret mais efficace dont l'ex-chef la couvrait vis à vis des dirigeants de la guilde. Du potentiel et de l'ambition au vue de la prise de risque considérable de certaines missions qu'elle avait choisi ! Il sourit avec franchise en acquiesçant imperceptiblement, il ne pouvait qu'approuver cette attitude venant de celle qui avait toutes les chances de lui succéder.
- Allez ! Ce n'est pas un service énorme que je te demande là !
- Désolé, mais j'ai moi aussi quelque chose de prévu ce soir alors je te laisse à ton amazone.
- S'il te plaît ! Tu n'auras qu'à la superviser.
- Et toi pourquoi tu n'en charges pas ?
Les deux hommes qui conversaient ainsi s'arrêtèrent devant le panneaux d'affichage tout à leur conversation, ne remarquant pas même Liven qui inclinait volontairement la tête pour dissimuler son visage sous ses longues mèches.
- C'est l'anniversaire de ma femme.
Son compagnon éclata de rire devant la mine désolé de son ami mais ne semblait pas plus disposé à lui venir en aide.
- J'ai bien demandé à Isuzu de repousser sa mission mais une fois qu'elle a décidé quelque chose...
- Je m'en charge.
Surpris, les deux hommes sursautèrent et semblèrent découvrir la présence de Liven devant lequel il restèrent interdit et tout aussi gênés que leurs collègues quelques minutes auparavant. Le jeune homme tendit la main en l'attente des documents sur lesquels devaient figurer les indications de la missions. Hésitant et maladroit, le plus jeune les lui remis et Liven fila sans plus attendre ravi d'avoir trouvé à s'occuper sans avoir à fournir le moindre effort. Les missions supervisées consistaient à évaluer les capacités d'un chasseur, la finalité étant d'être classé parmi l'élite de la guilde et au vue de ses notes, Isuzu n'en était plus très loin. Tout en marchant dans la rue, Liven consultait la liasse de feuille lorsqu'il parvint avec un quart d'heure s'avance au lieu de rendez-vous.
Inexorablement, le soleil avait entamé sa chute quotidienne vers l'horizon. Phénix céleste qui renaissait perpétuellement de ses cendres crépusculaires, il incendiait le ciel, se plaisant à teinter d'or et de pourpre les nuages ternes qui avaient obscurci sa lumière. Elle, qui s'était montrée si froide et timide sous ce temps pluvieux se révélait chaleureuse et vive dans les derniers instants de son astre rougeoyant. Pourtant, sous les verres teintés d'un ocre sombre et sur lesquels retombaient des mèches aux éclats dorés, les yeux d'un jeune homme ne s'attardèrent guère sur le chef d'œuvre d'une nature qui se faisait artiste. Assis sur un petit banc public au bois blanchi par les intempéries, son corps ramassé se penchait sensiblement en direction de la rue qu'il semblait surveiller. Ses jambes trop longues, écartées, s'avançaient loin de l'assise pour maintenir ses genoux à la hauteur souhaitée tandis que ses avant-bras dénudés y trouvaient appuie pour soutenir le poids de son buste et des épaules rondes qu'il avançait pratiquement au-dessus de ces derniers. Son cou se tendait lui aussi dans la direction qui lui faisait face, soutenant un crâne où s'affichait un visage rempli de sérieux et de charme, à peine troublé par le vent léger qui chassait et ramenait les longues mèches de ses cheveux blonds au grès de ses caprices. Patiemment, il l'attendait.
Voilà peut être le seul élément réellement surprenant qui méritait que l'on s'étonne à son propos. Lui qui avait figuré parmi les éminences grises de Sannom, qui avait dirigé et remanié avec succès depuis cinq ans la guilde des chasseurs de primes, qui avait été en mesure de défaire la tyrannie des vampires et qui accessoirement été soupçonné parfois à juste titre d'avoir transgresser la loi pour y parvenir, le voilà qui consultait innocemment les primes disponibles comme n'importe lequel des chasseurs qui l'entouraient. Pourtant, ce statut était à ses yeux infiniment précieux de part l'indépendance dont il bénéficiait. Après ces années dévolues à se heurter aux difficultés et aux défis sous les projecteurs de la vie publique, il vivait sa rétrogradation et sa déchéance sociale comme l'avènement d'une ère de tranquillité. Illusions avec lesquelles il se voilait délibérément la face ? Réaction défaitiste qui ne lui ressemblait pas ? Ou tout simplement l'acceptation de ses erreurs passées et décision raisonnable ? Après encore quelques secondes passées à se remettre du choc, les conversations reprirent et chacun pris le plus grand soin à ignorer celui pour lequel ils s'étaient interrompus quelques instants auparavant. Un sourire méprisant se glissa sur le visage de Liven en remarquant leur hypocrisie mais il savait très bien qu'au fond il ne pouvait pas réellement leur en vouloir. D'une façon générale, les membres de sa guilde étaient encore les seuls à le soutenir.
Il laissa vagabonder son regard à la recherche d'une prime intéressante. Le jeune homme ressentait une certaine exaltation à renouer avec ses débuts, lorsque avide de faire ses preuves il n'avait pas tardé à rejoindre l'élite des chasseurs. Soudain, ses yeux aux iris bleue désespérément délavées reconnurent un nom pour le moins familier sur la réservation de plusieurs primes : Isuzu Kamagéta. En voilà une justement dont la renommée commençait à s'étendre considérablement depuis son rôle dans l'invasion vampirique et le soutient toujours discret mais efficace dont l'ex-chef la couvrait vis à vis des dirigeants de la guilde. Du potentiel et de l'ambition au vue de la prise de risque considérable de certaines missions qu'elle avait choisi ! Il sourit avec franchise en acquiesçant imperceptiblement, il ne pouvait qu'approuver cette attitude venant de celle qui avait toutes les chances de lui succéder.
- Allez ! Ce n'est pas un service énorme que je te demande là !
- Désolé, mais j'ai moi aussi quelque chose de prévu ce soir alors je te laisse à ton amazone.
- S'il te plaît ! Tu n'auras qu'à la superviser.
- Et toi pourquoi tu n'en charges pas ?
Les deux hommes qui conversaient ainsi s'arrêtèrent devant le panneaux d'affichage tout à leur conversation, ne remarquant pas même Liven qui inclinait volontairement la tête pour dissimuler son visage sous ses longues mèches.
- C'est l'anniversaire de ma femme.
Son compagnon éclata de rire devant la mine désolé de son ami mais ne semblait pas plus disposé à lui venir en aide.
- J'ai bien demandé à Isuzu de repousser sa mission mais une fois qu'elle a décidé quelque chose...
- Je m'en charge.
Surpris, les deux hommes sursautèrent et semblèrent découvrir la présence de Liven devant lequel il restèrent interdit et tout aussi gênés que leurs collègues quelques minutes auparavant. Le jeune homme tendit la main en l'attente des documents sur lesquels devaient figurer les indications de la missions. Hésitant et maladroit, le plus jeune les lui remis et Liven fila sans plus attendre ravi d'avoir trouvé à s'occuper sans avoir à fournir le moindre effort. Les missions supervisées consistaient à évaluer les capacités d'un chasseur, la finalité étant d'être classé parmi l'élite de la guilde et au vue de ses notes, Isuzu n'en était plus très loin. Tout en marchant dans la rue, Liven consultait la liasse de feuille lorsqu'il parvint avec un quart d'heure s'avance au lieu de rendez-vous.
Inexorablement, le soleil avait entamé sa chute quotidienne vers l'horizon. Phénix céleste qui renaissait perpétuellement de ses cendres crépusculaires, il incendiait le ciel, se plaisant à teinter d'or et de pourpre les nuages ternes qui avaient obscurci sa lumière. Elle, qui s'était montrée si froide et timide sous ce temps pluvieux se révélait chaleureuse et vive dans les derniers instants de son astre rougeoyant. Pourtant, sous les verres teintés d'un ocre sombre et sur lesquels retombaient des mèches aux éclats dorés, les yeux d'un jeune homme ne s'attardèrent guère sur le chef d'œuvre d'une nature qui se faisait artiste. Assis sur un petit banc public au bois blanchi par les intempéries, son corps ramassé se penchait sensiblement en direction de la rue qu'il semblait surveiller. Ses jambes trop longues, écartées, s'avançaient loin de l'assise pour maintenir ses genoux à la hauteur souhaitée tandis que ses avant-bras dénudés y trouvaient appuie pour soutenir le poids de son buste et des épaules rondes qu'il avançait pratiquement au-dessus de ces derniers. Son cou se tendait lui aussi dans la direction qui lui faisait face, soutenant un crâne où s'affichait un visage rempli de sérieux et de charme, à peine troublé par le vent léger qui chassait et ramenait les longues mèches de ses cheveux blonds au grès de ses caprices. Patiemment, il l'attendait.
Dernière édition par Liven Reaves le Lun 12 Juil 2010 - 22:38, édité 1 fois