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    Le retour des habitudes pas si polissées que ça...[Terminé]

    Liven Reaves
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    Message  Liven Reaves Mar 1 Sep 2009 - 6:43

    Certains auraient sans doute préféré qu'il revienne la tête basse et le regard fuyant comme un enfant surpris en faute qui, venant d'être puni, en assumait l'opprobre. D'autres même s'attendaient à ne plus le revoir du tout comme un lâche fuyant les responsabilités et cherchant de son mieux à se faire oublier. D'autres encore auraient voulu le voir affirmer sa position, revendiquer ce respect auquel il avait droit comme un innocent défendant son intégrité bafouée. Et pratiquement tous auraient voulu éviter d'être le témoin de ce retour, être étranger à ce malaise ambiant qui au fond les remplissait d'une honte pitoyable qu'ils refusaient d'admettre tout à fait. Dans le lourd silence qui venait de s'installer troublé par moment de chuchotements gênés qui mourraient dans la gorge de leurs propriétaires, les regards se braquaient sur la haute silhouette d'un jeune homme. Baskets impeccablement blanches en partie recouvertes par un jean noir qui allongeait davantage ses jambes, ceintures métallique bordée de chaînettes sur laquelle retombait une chemise blanche au motif gris discret et de bon goût, veste noire à la coupe moderne quoique suivant des lignes classiques surmontant une écharpe gris perle à la matière fluide que recouvraient sur sa nuque des cheveux devenus plus longs, et manches remontées à hauteur des coudes en un froissement négligé. Son apparence à la fois distinguée et décontractée mêlait étroitement l'arrogance à l'élégance tout en s'affranchissant de la rigueur passée qu'avait exigé son rang. C'est d'ailleurs avec une indifférence royale qu'il dépassa ses pairs avec une dignité apparente mais non revendicative pour consulter le tableau d'affichage.

    Voilà peut être le seul élément réellement surprenant qui méritait que l'on s'étonne à son propos. Lui qui avait figuré parmi les éminences grises de Sannom, qui avait dirigé et remanié avec succès depuis cinq ans la guilde des chasseurs de primes, qui avait été en mesure de défaire la tyrannie des vampires et qui accessoirement été soupçonné parfois à juste titre d'avoir transgresser la loi pour y parvenir, le voilà qui consultait innocemment les primes disponibles comme n'importe lequel des chasseurs qui l'entouraient. Pourtant, ce statut était à ses yeux infiniment précieux de part l'indépendance dont il bénéficiait. Après ces années dévolues à se heurter aux difficultés et aux défis sous les projecteurs de la vie publique, il vivait sa rétrogradation et sa déchéance sociale comme l'avènement d'une ère de tranquillité. Illusions avec lesquelles il se voilait délibérément la face ? Réaction défaitiste qui ne lui ressemblait pas ? Ou tout simplement l'acceptation de ses erreurs passées et décision raisonnable ? Après encore quelques secondes passées à se remettre du choc, les conversations reprirent et chacun pris le plus grand soin à ignorer celui pour lequel ils s'étaient interrompus quelques instants auparavant. Un sourire méprisant se glissa sur le visage de Liven en remarquant leur hypocrisie mais il savait très bien qu'au fond il ne pouvait pas réellement leur en vouloir. D'une façon générale, les membres de sa guilde étaient encore les seuls à le soutenir.

    Il laissa vagabonder son regard à la recherche d'une prime intéressante. Le jeune homme ressentait une certaine exaltation à renouer avec ses débuts, lorsque avide de faire ses preuves il n'avait pas tardé à rejoindre l'élite des chasseurs. Soudain, ses yeux aux iris bleue désespérément délavées reconnurent un nom pour le moins familier sur la réservation de plusieurs primes : Isuzu Kamagéta. En voilà une justement dont la renommée commençait à s'étendre considérablement depuis son rôle dans l'invasion vampirique et le soutient toujours discret mais efficace dont l'ex-chef la couvrait vis à vis des dirigeants de la guilde. Du potentiel et de l'ambition au vue de la prise de risque considérable de certaines missions qu'elle avait choisi ! Il sourit avec franchise en acquiesçant imperceptiblement, il ne pouvait qu'approuver cette attitude venant de celle qui avait toutes les chances de lui succéder.


    - Allez ! Ce n'est pas un service énorme que je te demande là !

    - Désolé, mais j'ai moi aussi quelque chose de prévu ce soir alors je te laisse à ton amazone.

    - S'il te plaît ! Tu n'auras qu'à la superviser.

    - Et toi pourquoi tu n'en charges pas ?

    Les deux hommes qui conversaient ainsi s'arrêtèrent devant le panneaux d'affichage tout à leur conversation, ne remarquant pas même Liven qui inclinait volontairement la tête pour dissimuler son visage sous ses longues mèches.


    - C'est l'anniversaire de ma femme.

    Son compagnon éclata de rire devant la mine désolé de son ami mais ne semblait pas plus disposé à lui venir en aide.


    - J'ai bien demandé à Isuzu de repousser sa mission mais une fois qu'elle a décidé quelque chose...

    - Je m'en charge.

    Surpris, les deux hommes sursautèrent et semblèrent découvrir la présence de Liven devant lequel il restèrent interdit et tout aussi gênés que leurs collègues quelques minutes auparavant. Le jeune homme tendit la main en l'attente des documents sur lesquels devaient figurer les indications de la missions. Hésitant et maladroit, le plus jeune les lui remis et Liven fila sans plus attendre ravi d'avoir trouvé à s'occuper sans avoir à fournir le moindre effort. Les missions supervisées consistaient à évaluer les capacités d'un chasseur, la finalité étant d'être classé parmi l'élite de la guilde et au vue de ses notes, Isuzu n'en était plus très loin. Tout en marchant dans la rue, Liven consultait la liasse de feuille lorsqu'il parvint avec un quart d'heure s'avance au lieu de rendez-vous.

    Inexorablement, le soleil avait entamé sa chute quotidienne vers l'horizon. Phénix céleste qui renaissait perpétuellement de ses cendres crépusculaires, il incendiait le ciel, se plaisant à teinter d'or et de pourpre les nuages ternes qui avaient obscurci sa lumière. Elle, qui s'était montrée si froide et timide sous ce temps pluvieux se révélait chaleureuse et vive dans les derniers instants de son astre rougeoyant. Pourtant, sous les verres teintés d'un ocre sombre et sur lesquels retombaient des mèches aux éclats dorés, les yeux d'un jeune homme ne s'attardèrent guère sur le chef d'œuvre d'une nature qui se faisait artiste. Assis sur un petit banc public au bois blanchi par les intempéries, son corps ramassé se penchait sensiblement en direction de la rue qu'il semblait surveiller. Ses jambes trop longues, écartées, s'avançaient loin de l'assise pour maintenir ses genoux à la hauteur souhaitée tandis que ses avant-bras dénudés y trouvaient appuie pour soutenir le poids de son buste et des épaules rondes qu'il avançait pratiquement au-dessus de ces derniers. Son cou se tendait lui aussi dans la direction qui lui faisait face, soutenant un crâne où s'affichait un visage rempli de sérieux et de charme, à peine troublé par le vent léger qui chassait et ramenait les longues mèches de ses cheveux blonds au grès de ses caprices. Patiemment, il l'attendait.


    Dernière édition par Liven Reaves le Lun 12 Juil 2010 - 22:38, édité 1 fois
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    Message  Isuzu Kamageta Ven 4 Sep 2009 - 23:08

    Depuis qu'Isuzu avait son honneur à rétablir, sa vie avait radicalement changé... A quelque détails près. Elle prenait toujours des missions risquées, certes. Mais ce n'était plus dans le même but, le même espoir dérisoire qu'auparavant, à savoir mettre ridiculement sa vie en danger et manquer d'en mourir. Désormais, si elle agissait ainsi, c'était pour plusieurs autres raisons : d'abord, si elle tuait sa cible par erreur, on ne pouvait absolument rien lui reprocher, et ce même si elle était normalement censée la capturer. D'accord, cela n'était pas un grand changement par rapport à ce qu'elle faisait auparavant. A cela s'ajoutait le désir de combattre des personnes vraiment fortes, à la fois pour se prouver qu'elle était elle-même forte mais aussi pour gagner en puissance. Enfin, si elle voulait faire partie de l'élite des chasseurs, c'était dans le simple but de, peut-être, se faire attaquer pour se battre contre des ennemis plus fort encore. Pourquoi l'idée de devenir Chef des Chasseurs de Prime la séduisait malgré tout ? Pour avoir plus de risques qu'on s'en prenne à elle, oui, mais aussi et surtout pour être libre et n'avoir à obéir à personne. Le commandement ? Elle n'en avait strictement rien à faire, à vrai dire, même si elle le ferait puisqu'il s'agirait d'une obligation pour la Liberté. Son image publique ? Que Mikaël Rogers ose publier un seul article trop dégradant sur elle et, après avoir empêché le jeune homme d'avoir une descendance avec sa prochaine femme, elle ferait de sa vie un enfer. En fait, elle s'en fichait un peu. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était qu'il ne publie rien sur l'homme qui avait emporté une partie de son coeur dans la tombe.

    Isuzu ne comptait absolument pas changer, au grand dam de Kiro : Chef ou pas chef, elle resterait la même, et il était hors de question que son paraître diffère trop de son être. Bien sûr, il y avait des choses, très nombreuses, qu'elle ne révèlerait jamais au grand jour ou même, elle l'espérait et le pensait ainsi, à quiconque, et resterait quoi qu'il arrive une femme cultivant le secret. Quoi qu'il en soit, Isuzu refusait de faire des grands sourires bien niais et on ne peut plus hypocrites à la foule, préférant de loin leur dire tout haut ce qu'elle pensait. Oui, désormais, elle avait un but : il était juste désolant qu'il soit aussi lié à Kôdaï, car c'était pour lui, pour qu'elle ait le sentiment de mériter de le rejoindre une fois qu'elle aurait réussi cette mission dont elle s'était acquittée, qu'elle tenait tant à rétablir son honneur. Quoi qu'il en soit, avoir de parfaits inconnus qui veillaient à sa mission pour lui attibuer une note par la suite l'agaçait prodigieusement. La jeune femme avait un tempérament trop solitaire pour supporter bien longtemps ce qu'elle considérait comme une mascarade stupide : après tout, si le travail était fait et bien fait, pourquoi s'embêter à l'accompagner pour voir comment elle s'y prenait ? A ses yeux, seul le résultat comptait. Elle espérait donc bien en finir au plus vite avec toutes ces évaluations qu'elle jugeait on ne peut plus idiotes, mais sans lesquelles elle n'atteindrait jamais l'élite de la Guilde.

    Certains diraient qu'elle était sans coeur, à ne pas laisser ce pauvre homme assister à l'anniversaire de sa femme, et elle ne nierait pas. Pourtant, elle avait bien un coeur, écorché vif et saigné plus que nécessaire, certes, mais elle en avait un. Pourquoi elle avait refusé de repousser sa mission ? Premièrement, parce que, la première fois qu'il avait vu Isuzu, ce pauvre homme avait eu le malheur de s'attarder un peu trop sur son corps et son visage, une réaction généralement normale pour les hommes qui voyaient la demoiselle pour la première fois, mais qu'elle ne supportait pas. Deuxièmement, parce que, bon sang, cet anniversaire n'était pas une nouveauté, il aurait donc dû refuser tout de suite et, à cet instant, elle se serait débrouillée autrement. Enfin, dans un but beaucoup plus professionnel, parce que sa cible risquait de se faire la malle. En effet, si l'homme qu'elle pourchassait était aussi fort que le suggérait la prime sur sa tête, il n'aurait sûrement pas la bêtise de rester trop longtemps au même endroit... Sauf s'il était complètement abruti et trop imbu de lui-même, qu'il s'imaginait qu'il parviendrait à défaire tout ses adversaires. Mais cette possibilité était bien trop mineure, aussi préférait-elle prendre le moins de risques possible. Ainsi, la jeune femme n'avait rien voulu entendre, quitte à se faire haïr. Après tout, elle ne cherchait absolument pas à se faire des amis : l'idée de mourir était encore bien trop ancrée dans son esprit et dans sa chair, comme en témoignait la cicatrice de son poignet, et, une fois qu'elle aurait rétabli son honneur, elle ne voulait pas rendre les choses plus difficiles encore en disant adieu à qui que ce soit.

    Mais nous n'en étions pas là. Donc, elle avait refusé de décaler sa mission, sans se soucier du fait qu'elle allait certainement être peu appréciée à la suite de cette décision. L'homme lui avait demandé de prendre un peu de temps pour réfléchir, mais son refus avait été catégorique, et elle était loin d'être prête à revenir dessus. Bien entendu, elle n'avait exposé que son dernier argument, le plus professionnel, mais cela lui avait suffit à convaincre qu'elle était très sérieuse et qu'elle ne céderait jamais. Isuzu était butée, oui. C'était donc cet homme qu'elle s'attendait à retrouver. Elle avait été frappée par le manque d'effectif féminin apte à l'évaluer, et, pour être sûre que ses capacités soient appréciées à leur juste valeur, avait été contrainte de laisser cet homme s'occuper de tout. C'est ainsi qu'elle piocha un débardeur de laine noir, entourant sa taille fine du tissus sombre et couvrit la cicatrice de son poignet d'un bracelet de laine de cette même couleur nuit, pensant à juste titre qu'une telle cicatrice en disait trop long sur son passé. Après avoir enfilé un jeans foncé et s'être chaussée de ses habituelles bottes à talons aiguilles, celle qui lui rajoutaient deux centimètres et qui ne devait pas être très agréables à rencontrer lorsqu'elle donnait un coup de pied, la charmante fleur était sortie. Elle était largement dans les temps, aussi se permit-elle de traîner un peu sur le chemin. Elle jugeait qu'il était hors de question pour elle d'arriver en avance au point de rendez-vous.

    L'ombre d'Isuzu se profilait donc pile à l'heure, silhouette longiligne dans l'horizon pourpré. Ses yeux sombres parcoururent la place alors qu'elle avançait vers le point de rendez-vous. L'homme qui était censé l'évaluer n'était pas là, mais elle pensait reconnaître une silhouette familière. Bizarrement, alors qu'elle pestait mentalement contre l'abruti qui lui semblait incapable de ponctualité, elle eut un sombre pressentiment quand à la présence du blondinet ici. Bien sûr, elle avait reconnu Liven. A cause de sa posture, il sembla à la jeune fille que l'homme attendait quelque chose ou quelqu'un, et cette idée renforça encore son pressentiment. Non pas qu'elle détestait le professeur, au contraire. Il faisait partie des très rares personnes à qui elle avait accordé son estime, et, même si elle ne comptait pas l'avouer à qui que ce soit, qu'elle appréciait un tant soit peu, mais elle n'avait absolument aucune envie que quelqu'un qui la "connaisse" l'évalue . En tout cas, il tombait bien, car elle avait une question à lui poser. Alors qu'elle posait ses yeux sur lui, l'habituel mépris avec lequel elle regardait toute choses disparu, remplacé par une froide indifférence, elle n'esquissa pas l'ombre d'un sourire. Pardon, plus, de sa part ? Non, fallait pas rêver non plus. Il y avait déjà un énorme progrès dans l'attitude de la chasseuse, qui n'était pour une fois pas dénigrante. Elle s'arrêta à quelques mètres à peine de lui, avant de prendre la parole, pour lui poser une question très simple, la première qu'elle voulait lui poser dans l'immédiat.


    " Qu'est ce que tu fais là ? "


    Pardon, un bonjour ? Lui demander si il allait bien ? La bonne blaque ! Ce genre de mondainités, pourtant les bases de toutes les conversations polies, n'était, à son idée, pas faite pour elle. Cela aussi faisait son charme, n'est-ce pas ? Quoi qu'il en soit, elle craignait un peu la réponse de l'ancien Chef, son pressentiment se renforçant peu à peu, allant presque jusqu'à la certitude. Le pauvre Liven n'avait pas eu droit au moindre sourire, pas à la moindre trace de reconnaissance sinon l'absence de mépris dans les yeux noirs de la chasseresse.
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    Message  Liven Reaves Dim 6 Sep 2009 - 13:03

    Qu'on se rassure, le jeune homme n'avait pas la présomption de connaître suffisamment bien Isuzu pour prévoir son comportement et ses réactions. Comment en aurait-il pu en être autrement avec une jeune femme qui mettait tout son acharnement à s'entourer de mystères avec l'asociabilité la plus équivoque ? Soyons honnêtes, sa pathologie avait même dépassé le simple stade de l'individualisme viscéral, Isuzu incarnait carrément l'idéal du marginalisme social, l'ermite moderne le plus réfractaire à toutes relations humaines et trouvant la félicité dans une solitude effrayante de profondeur. A ses yeux, cela relevait de l'inconcevable. Bien sûr, il était naturellement prêt à admettre une conception du monde partagée entre deux entités distinctes à savoir lui et les autres, dont résultaient d'ailleurs son égocentrisme, son arrogance et son introversion. Pourtant, là où Isuzu semblait être parfaitement satisfaite de sa solitude, Liven souffrait du paradoxe entre son besoin d'être compris des autres et son mépris qui résultait de leur incapacité à y parvenir. Par extension, si la jeune femme ne souhaitait visiblement nouer aucun lien avec un quelconque individu sur cette terre ou sur une autre, elle mettait tous ses efforts à ce que cette révulsion du contact humain soit réciproque. Il faut avouer qu'elle y parvenait avec une efficacité redoutable, au point que la plupart des personnes ayant tenté de l'approcher une fois ne réitérait que très rarement l'expérience. C'est là que Liven figurait être l'exception à la règle.

    Oh ! Il eut été bien difficile de lui reconnaître un mérite admirable quant à cet étonnant effort de sociabilité qui, venant de lui, paraissait tout aussi suspect que s'il fut venu de la chasseuse de primes. Et bien que ce fusse difficile à croire, il n'y avait, du moins à la base, aucune espèce de calcules qui eut pu motiver cette délicate mission. Alors pourquoi s'entêter à lui tendre une main amicale et accessoirement secourable en sachant pertinemment que cela lui était indifférent et qu'il y avait peu de chance qu'elle lui retourne la pareille ? Les chances que le jeune homme lui-même connaisse la réponse à cette question pourtant centrale de leur relation étaient bien maigres. Le fait est que Liven avait toujours eut l'impression que la jeune femme dissimulait derrière ses airs revêches et son sale caractère une douleur qui la rongeait et qu'elle entretenait jalousement comme si la mort de ce feu qui la consumait était synonyme de la sienne propre. Même si au cours de ces nombreuses années qu'ils avaient passé à se croiser sans jamais se lier d'une quelconque façon certains indices avaient pu étayer cette hypothèse, Liven reconnaissait avec une objectivité inhabituelle le concernant qu'il transposait sur Isuzu ce que lui-même serait devenu si l'on ne l'avait pas aidé à dépasser cette spirale sans fin d'autodestruction. Face à la culpabilité, aux remords, à la haine, à la souffrance, à l'envie, et à la déchirante réalité qui brisait leur innocence d'enfant jour après jour, que restait-il d'autre qu'une douloureuse vie de solitude où il ne reste plus rien à construire puisque tout a déjà été perdu ? Comment ne pas sombrer dans les torpeurs d'une indolence sociale qui nous exclu progressivement et nous enferme dans une prison de regrets ?

    La réponse était pourtant si simple. Si simple et si basique en réalité qu'on avait tendance à l'écarter farouchement et avec colère du champs des possibles tant la douleur nous apparaît être notre seule rédemption. La seule et unique raison pour laquelle Liven était aujourd'hui si différent de la jeune femme était qu'il avait trouvé dans l'amitié, dans le partage, dans les sourires de ceux qui l'avaient entouré les moyens et le courage de se pardonner et de se reconstruire. S'il se refusait de tourner définitivement le dos à Isuzu, s'il était prêt à la soutenir malgré le fait qu'il sache si peu de choses à son sujet, s'il allait même jusqu'à lui porter un sentiment proche de la tendresse et du protectionnisme accompagné d'une confiance sereine c'était parce qu'il était conscient d'être le seul à faire cet effort. Qui d'autre en effet pouvait comprendre ce qu'elle ressentait ? Qui d'autre aurait la curiosité d'aller au delà des apparences ? Qui d'autre, le cas échéant, saurait la sortir de cette automutilation relationnelle qu'elle s'imputait ? Non pas qu'un altruisme aussi ridicule que débordant animait ses intentions. Mais puisqu'il aurait pu devenir exactement comme Isuzu, il ressentait le besoin d'être présent pour elle comme d'autres avaient été là pour lui, sans se montrer omniprésent, sans contraindre ses sentiments, sans chercher à tout prix à lui ouvrir les yeux. Simplement à attendre qu'elle décide d'elle même de dépasser cette solitude méprisable comme lui-même l'avait fait.

    Souvent, peut être dans un éclair de lucidité introspective, il lui arrivait de qualifier cet étrange état d'esprit vis à vis de la jeune femme d'absurde. Après tout, quelle preuve avait-il qu'il ne se fourvoyait pas d'un bout à l'autre de son analyse ? S'il admettait lui-même que sa vision de la jeune femme résultait pour beaucoup d'une projection qu'il se faisait de lui-même, comment pouvait-il être sûr de ne pas fantasmer à ce sujet ? Et d'ailleurs, quand bien même aurait-il visé juste, qu'est ce qui lui laissait entendre que Isuzu pouvait avoir besoin de son aide quand on voyait à quel point elle semblait chérir son indépendance et à quel point elle pouvait paraître équilibrée malgré ses réactions on ne peut plus froides et distantes ? Sans doute sa prétention légendaire était pour beaucoup dans son interprétation des choses. Quelque part, il était fort possible que le rôle qu'il s'assignait auprès d'elle flattait son propre égo en plus de satisfaire l'impression de ne pas être le seul à avoir connu cet état de détresse dont il gardait toujours un souvenir douloureux et qui réapparaissait par moment. De plus, son égoïsme aussi pouvait trouvé à être satisfait car si la justification de son comportement vis à vis d'Isuzu résultait de l'envie de l'aider, on pouvait considérer que Liven s'aidait lui-même dans ce processus et à plus forte raison s'il s'imaginait avoir été en passe de lui ressembler. Parfois, la conscience de ces motivations contraires et l'inextricable mélange de ses sentiments vis à vis d'Isuzu le laissait si frustré de contradiction et si interdit qu'il ne savait plus lui-même comment y répondre. Assurément, Isuzu était singulière et à bien des égards Liven ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine fascination la concernant.

    C'est pourquoi lorsque sa silhouette longiligne quoiqu'un peu trop maigre à son goût se profila sur l'horizon, laissant le soin au contre-jour de la couronner d'une auréole aux reflets roux sur sa chevelure courte et habituellement si intensément noire, il l'observa avec cette acuité déstabilisatrice qu'ont ceux qui, perplexes, croisent l'objet de leurs pensées. Comme si au terme de sa réflexion la lumière allait enfin se faire s'il croisait son regard, comme s'il serait en mesure de sonder son âme s'il détaillait son apparence, comme si cette soudaine proximité et l'intimité d'un contact visuel lui permettrait de faire le point, sincèrement, sur ses propres sentiments. Évidemment il n'en fut rien. La seule chose qui lui apparaissait clairement était la beauté si singulière qu'elle possédait, mélange incertain d'une sauvagerie digne d'une amazone qui la faisait paraître inaccessible et de la fragilité qui contrastait, avec sa constitution maigrelette renforcée par son choix vestimentaire qui suivait ses formes pourtant plaisantes. La révélation soudaine ne l'ayant même pas effleuré, Liven rabaissa son regard sur le sol, jouant inconsciemment à frotter ses mains l'une dans l'autre avec cette sorte de déception orgueilleuse qu'ont les personnes cherchant la solution à un problème qui leur échappe depuis de longues semaines. A peine prêta-t-il suffisamment d'attention à la réalité pour ne pas retomber dans les limbes de ses réflexions intérieures et s'apercevoir qu'Isuzu l'avait tout naturellement rejoint en apercevant ses bottines dans son champs de vision. Se focalisant en premier lieu sur ce point, ses yeux dont l'étrange éclat bleu électrique était dissimulé par ses lunettes aux verres teintés de brun, remontèrent lentement jusqu'au visage de la jeune femme pour rencontrer un regard glacial d'indifférence mais où ne pointait pas le mépris dont elle gratifiait habituellement ses semblables. Devait-il se sentir privilégié par cette attitude ?

    -
    Qu'est ce que tu fais là ?

    Liven rabaissa son regard sur le sol avec un sourire léger qu'il effaça bien vite avant de se lever pour faire face à la jeune femme. Plus petite que lui, sa taille ne l'empêchait pas de se montrer incroyablement inquisitrice et Liven sentit bien qu'il allait avoir toutes les peines du monde à ne pas se montrer insolent. A cette pensée un autre sourire, arrogant celui-ci, vint se glisser sur ses lèvres alors qu'il mettait ses mains dans ses poches avec nonchalance, simple question d'habitude. Il avait suffisamment côtoyer Isuzu pour ne pas se formaliser de son approche directe dénuée des futilités insipides d'usage et pour être honnête, trouvait un certain réconfort à ces conversations on ne peut plus succinctes mais menées à bâtons rompus. Sa fierté démesurée n'aurait pas supportée qu'il fusse obligé de lui témoigner un respect niais et mielleux lorsqu'elle aurait repris son poste et la présente situation lui faisait goûter encore le rare privilège de pouvoir abuser de sa position vis à vis d'elle.


    - Je t'attendais.

    Voilà qui avait le mérite d'être aussi clair et succinct que la question à laquelle il répondait. Mais en toute honnêteté, Liven ne pourrait sans doute jamais se satisfaire d'une conversation où ne pointait pas l'ironie acerbe qui le caractérisait et le faisait parfois paraître cynique.

    - Ou plus exactement, je me baladais dans le QG comme une âme en peine lorsque je me suis dit qu'il serait beaucoup plus amusant de venir ici voir comment tu te débrouillais. Ne t'inquiète pas, j'interviendrais si tu te retrouves en mauvaise posture.

    Comble de la provocation, au delà du ton qu'il utilisait, il posa une main sur son épaule en élargissant un sourire proprement insupportable. Non, ne croyez pas que Liven fut stupide. Il était parfaitement conscient du fait que son comportement agacerait la jeune femme mais en toute logique, comment pouvait-on espérer qu'elle devienne plus sociable si l'on agissait dans la mesure restreinte des réactions qu'elle tolérait ? Comment partager quoique ce soit avec elle sans rien savoir ou presque de sa personnalité ? Au delà du fait que la provoquer était à peu près aussi amusant que de provoquer Arya, l'intérêt visait avant tout à observer ses réactions, à créer une relation aussi infime soit-elle et quand bien même elle serait dominer par l'agacement ou la colère. Son sourire agaçant disparut, remplacé par un visage serein où dominait un regard appuyé mais doux. De plus, Liven aimait à croire que malgré ce petit débordement, le reste de sa personnalité réconcilierait Isuzu avec sa modeste personne. C'est ce que nous allons voir...
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    Message  Isuzu Kamageta Sam 12 Sep 2009 - 23:31

    Il n'était pas rare que les gens, en voyant Isuzu, de loin, oscillent entre la qualifier de biche grâcieuse ou de louve envoutante mais néanmoins famélique. Toutefois, plus proche, une fois que les gens en question avaient croisé son regard, le doute ne se faisait plus : elle était louve, magnifique, certes, mais c'était elle qui dévorait les autres, et non pas l'inverse. Liven avait-il eu cette impression, la première fois qu'il l'avait vue ? Certainement pas. A cette époque, car leur première rencontre datait déjà de plusieurs années, la chasseresse était un peu différente. Un peu effrayée par le monde qui l'entourait, oui. Plus enfoncée dans sa peine, ou, du moins, incapable de jouer l'indifference comme elle le faisait depuis son retour sur les terres gamaëliennes, aussi. Mais beaucoup moins désespérée, car elle savait que Kôdaï vivait encore, qu'il n'était pas mort par sa faute... Elle avait encore quelqu'un à aimer, profondément, quelqu'un pour la faire vivre, et ce, même s'ils étaient séparés. Oui, Kôdaï était pour elle une véritable obsession. Il l'avait tirée des ténèbres, à l'époque. Maintenant qu'il n'était plus, elle avançait à tâton, les yeux bandés... Et seule. Avait-elle conscience que des êtres comme Liven existaient, que, si elle le souhaitait, elle avait une main secourable à disposition ? Qu'il était disposé à l'aider ? Peut-être. Si tel était le cas, elle refusait cette aide avec une ardeur digne de son obstination habituelle à toutes choses, ou ne pensait pas en avoir besoin. Même aveuglée, son pas restait sûr. La jeune femme pensait que, comme tout les Hommes, elle n'avait qu'un destin, l'inéluctable Mort. Elle ne voyait pas pourquoi elle l'attendrait bien sagement et était déterminée à se jeter dans ses bras, qu'elle pensait réconfortant. En quelque sorte, ce serait les bras de l'être aimé, celui pour lequel elle faisait chaque pas, celui pour lequel elle respirait, celui qui lui avait offert ce médaillon qui ne quittait jamais son cou, celui pour lequel elle comptait bien se réfugier dans les bras de la tendre Mort...

    Mais d'abord, il lui faudrait régler certaines affaires. Sauver la vie de celui sans qui elle n'aurait pas échappé à la Mort, déjà, mais aussi une autre chose qui la perturbait. Elle devait demander quelque chose à quelqu'un. Le bon côté de sa rencontre avec Liven, c'était que c'était lui, ce quelqu'un. Ainsi, elle pourrait profiter de cette rencontre pour lui poser cette question qui la taraudait depuis l'assassinat d'Alia. Maintenant, cela ne la ravissait pas non plus. L'autre type avait dû se défiler. Ainsi, Liven l'attendait. Elle n'aimait pas ça. Même après qu'il se soit levé, se découvrant plus grand qu'elle qui l'était déjà pas mal, pour une demoiselle, elle continuait à le fixer avec cette même indifférence glaciale, celle qui témoignait de son indépendance et de son manque d'attaches. Si elle se montrait satisfaite de n'avoir de liens concrets avec personne, quand la Solitude lui retombait dessus, avec une force et une ardeur à en couper le souffle, elle souffrait terriblement. Mais jamais elle ne le montrerait à quiconque. Ce qu'elle voulait demander à Liven ? Pourquoi il lui avait fait confiance. Il ne savait strictement rien d'elle, et elle aurait très bien pu se jouer de lui, s'en servir comme un pantin, qu'il n'aurait rien vu venir. Si elle avait confiance en quelqu'un ? A part Kiro et elle-même... Personne. Du moins, on pouvait dire que, peut-être, par le simple fait qu'il lui ait accordé sa confiance, Liven, en plus d'avoir perdu le mépris qu'elle éprouvait envers lui comme envers tout autres, avait, je dis bien peut-être, mérité du même coup un tout petit peu de sa confiance. Tout cela était bien entendu très relatif, et elle ne comptait pas lui demander quoi que ce soit. Elle trouvait les gens qui accordaient leur confiance à n'importe qui totalement stupides, et ne pouvait que les mépriser d'autant plus.

    Cela rendait d'autant plus étrange et incompréhensible, même pour elle, son état d'esprit envers Liven. Isuzu étant une personne bien complexe, nous allons tenter de faire simple, même si ce qu'elle éprouvait était loin de l'être, et qu'il resterait certainement à jamais des parts d'ombres quand à ses sentiments et surtout, à leur explication. D'ordinaire, elle méprisait d'autant plus les gens qui décidait que le premier passant devant leur petite personne était digne de confiance, à plus forte raison quand ledit passant se montrait aussi mystèrieux et imprévisible qu'elle-même pouvait l'être. Cela était bien sûr une grossière caricature, car il fallait être vraiment inconscient et totalement niais, pire qu'enfantin, pour accorder sa confiance au premier passant, mais passons. Isuzu aurait pu donc mépriser plus encore Liven qu'elle l'avait fait naturellement. Il n'en était rien. Il y avait plusieurs raisons à cela. Premièrement, elle était intimement persuadée que Liven avait eu ses raisons pour agir ainsi, et elle sentait du plus profond de son être qu'il ne l'avait pas fait superficiellement, qu'il avait parfaitement conscience de ses actes. Deuxièmement, et bien qu'ils se connaissent très peu, qu'elle ne lui avait rien dit ou presque d'elle-même, elle n'était pas exactement la première inconnue disponible pour lui, pour qu'il s'amuse en pure perte à chercher à aider quelqu'un. Oui, avant l'invasion vampirique, et bien qu'il ne se soient pas vus très fréquemment, ils s'étaient déjà rencontrés. Plus d'une fois. Mais c'était bien la dernière raison qui était la plus inexplicable, même pour elle. Isuzu avait, en effet, accordé une certaine estime au jeune homme pour une raison bien obscure, qu'elle ne s'expliquait pas elle même. Les mots ne servant à décrire cette raison que de façon maladroite, je vous serez gré de ne pas tout prendre au terme près.

    En quelques sorte, et au risque de parraître fort maladroite en utilisant cette formulation, son estime s'agissait d'une " récompense" par rapport à l'obstination de Liven. Isuzu savait qu'il avait conscience que chacunne de ses tentatives avaient de fortes chances de se solder par des échecs. Elle ne savait pas si cela le blessait ou si, au contraire, il s'en moquait, mais, contrairement à la moyenne des gens, il recommençait, toujours et inlassablement, à sa manière. Elle n'arrivait pas à comprendre ce fait. Elle savait que, si elle tentait un jour - ce qui n'arriverait bien entendu et malheureusement, pas de sitôt- de se rapprocher de quelqu'un, voire de l'aider, et que cette personne la repoussait aussi sûrement et parfois même méchamment que la chasseresse avait coutume de le faire, elle ne tenterait jamais plus de réitérer l'expérience, trop blessée dans son orgueuil pour cela. Et l'orgueuil, elle le savait, ne manquait pas à Liven. Alors pourquoi ? Pourquoi il continuait à chercher à... Devenir son ami ? Parfois, l'idée qu'il voulait se servir d'elle s'insinuait dans son esprit. Cette idée, qui lui paraissait pourtant aux premiers abords la plus probable, était complétement incensée. Dans quel but voudrait-il se servir d'elle ? Et surtout, qu'est ce qui nécessiterait tant d'efforts vains, tant de regards gelés ? Non, le parcours pour qu'elle n'éprouve ne serait-ce qu'un sentiment proche de l'amitié - car, même si elle l'aimait bien, au fond, ce n'était pas de l'amitié, mais un sentiment plus obscur, et qui la poussait plus encore à prendre ses distances puisqu'elle ne voulait pas qu'il se mue en amitié - était semé de bien trop d'embuches, et même, à ses yeux, totalement fermé. Elle ne voyait absolument pas quel noir dessein il pouvait bien viser pour sacrifier tant d'effort. Car oui, si jamais il osait se servir d'elle, jamais plus il ne pourrait penser qu'elle l'estimerait à sa juste valeur sans se fourvoyer. Enfin. Si elle avait cessé de chercher pourquoi il s'évertuait, dans la plus parfaite inutilité puisqu'elle refusait de la prendre, à lui tendre une main alliée, amie, elle avait, au fond et en quelque sorte, décidé de "récompenser " un peu ses efforts, bien qu'elle les juge complétement inutile. Une fois encore, il ne s'agit pas là des termes exacts mais d'une version bien simplifiée de ce qu'il en était réellement, et jamais elle ne parviendrait à s'expliquer pourquoi elle ne le méprisait pas comme les autres, tout comme il est impossible pour quiconque de l'expliquer à sa place.

    En tout cas, cet absence de mépris n'excuserait pas ce que Liven venait de faire. C'était bien connu, tout contact humain révulsait Isuzu si ce n'était pas elle qui en avait l'initiative- initiative généralement combative, mais passons. Dans le cas présent, Liven, pour appuyer ses propos, avait osé poser sa main sur l'épaule de la jeune fille. Tous les muscles de celle-ci se contractèrent, au même titre que sa machoire, et, son regard fixé dans celui de Liven, dissimulé derrière de sombres lunettes, elle fronçait les sourcils pour montrer son mécontentement, ses yeux sombres laissant s'échapper un souffle toujours aussi glacial. Et puis, sans vraiment lui laisser le temps de réaliser son erreur, sans hésiter une seule seconde et avec une rapidité surprenante, elle tordit violemment le poignet du jeune homme. Elle pouvait le briser, à cet instant, mais n'y tenait évidemment pas, et c'est pourquoi, après avoir été certaine de lui avoir fait bien mal pour lui passer l'envie de recommencer, elle le relâcha et s'éloigna d'un ou deux pas. Certes, maltraiter son examinateur n'était peut-être pas une très bonne idée. Mais ce ne serait certainement pas cela qui arrêterait la demoiselle. Elle ne voulait pas que quiconque la touche sans autorisation, et ce, même dans des gestes aussi spontanés qu'une main sur son épaule. Si elle aurait autorisé Liven à faire preuve d'une telle familiarité ? Bien sûr... Que non. Dans son cocon feutré de Solitude, elle se refusait d'avoir des amis. Les gens se scindaient en trois catégories, pour elle : les Hommes à abattre, les gens qu'elle respectait et les autres. Cette deuxième catégorie ne comptait que deux personnes, à savoir l'homme auquel elle devait la vie et Liven lui-même. Pour autant, les Hommes à abattre n'étaient pas ses ennemis : la plupart du temps, il s'agissait tout simplement de l'objet de ses missions.

    Quand aux autres ? Et bien, ils avaient droit à son mépris le plus profond, rien de plus. Ne pas s'élever à avoir des amis ou ennemis déclarés lui était devennu tout naturel et, quand on la détestait - sans blague et aussi incroyable que cela puisse parraître, ce cas n'était pas rare, et je suis incapable d'expliquer pourquoi... uh uh uh -, elle s'en moquait et méprisait plus encore la personne qui la haïssait. Les seules exceptions relationelles qu'elle s'accordait concernaient, bien entendu, Kôdaï, pour lequel son coeur se consumait encore, et Kiro, son unique ami et partie d'elle-même, dont elle ne pouvait se passer. Si Liven avait une chance de faire partie de ces exceptions, un jour ? Honnêtement, à moins qu'elle se prenne un sacré coup sur la tête et qu'elle en oublie toute son existence - elle vivrait sans doute plus heureuse après un choc pareil -, il lui faudrait pour cela dévoiler des trésors de patience, et encore... Il n'était même pas sûr qu'il y parvienne. Cela n'était même pas encore du domaine du possible. Quoi qu'il en soit, fermons cette petite parenthèse et revennons à ce qui arriva après qu'elle lui ait tordu le poignet sans douceur aucune et sans autre forme de proçès. Elle ne dit rien, cependant, son regard était le plus clair des messages, surtout après que sa main se soit attardée près de son colt : recommence ça et je peux t'assurer que je te buterais sans regrets. Enfin, toujours est-il que le fait que ce soit Liven qui l'examine la contrariait fortement. Elle n'aimait pas que quelqu'un qui la connaisse puisse la voir aussi concentrée que lorsqu'elle tentait de capturer ou de tuer quelqu'un... Mais elle devrait faire avec. Elle ignorait comment Liven s'était retrouvé asigné à cette mission, et ce que le type qu'elle avait au départ forcé à l'évaluer avait bien pu lui dire. Avec autant de paramètre inconnus, elle ne pouvait pas prétendre être venue pour annuler cette mission : s'il lui avait dit à quel point elle s'était acharnée à prétendre qu'attendre un jour de plus risquait de lui faire perdre sa cible, elle était finie. Surtout que Liven, en tant qu'ancien Chef, et ce même s'il n'était plus très estimé des gamaëliens, avait certainement plus de poids qu'un chasseur lambda.

    De toutes façons, Isuzu s'était décidée à accomplir cette mission. Elle trouverait bien un moment pour poser la question qui la perturbait tant. En attendant, après avoir fixé le blond aux yeux bleus un long instant, comme si elle pouvait avoir la réponse à son interrogation par cette simple action, elle prit la parole, ne faisant pas le moindre commentaire sur les paroles précédentes du jeune homme, et conservant une voix aussi glacée que l'était l'intensité de son regard sombre.


    " Ouais, l'autre mec s'est défilé, quoi. Bon, tu viens ? On va pas bavarder toute la soirée, j'ai autre chose à faire... "

    Elle ne savait pas si l'idée de tenter de discuter avec elle toute la soirée aurait pu plaire à Liven ou pas. Au fond, Isuzu ignorait beaucoup de choses sur lui. Il n'était pas plus servi,et, l'un comme l'autre et surtout l'un envers l'autre, ils se montraient très mystérieux. Pour illustrer ses propos, et parce qu'elle ne comptait pas à ce que le jeune professeur la dirige vers sa cible - après tout, c'était elle qui chassait, ce soir -, elle entama sa marche, pensant bien que Liven lui emboîterait le pas... Ce serait logique, n'est-ce pas, puisqu'il était censé l'évaluer ? Enfin. Elle n'avait pas répondu à la provocation du blondinet, mais elle n'en pensait pas moins : la certitude qu'elle n'aurait pas besoin de l'aide de Livy-chou se propageait dans tout son corps, et chacun de ses gestes, souple et grâcieux, tenaient inconsciemment à le prouver. Ce soir, elle ferait ses preuves en tant que Chasseuse. Pas qu'elle ne tienne particulièrement à briller devant Liven, mais plutôt qu'elle avait conscience d'être à deux doigts de faire partie de l'élite de la Guilde, et que cela ne tenait peut-être qu'à cette évaluation... Elle verrait bien. Au pire, si elle échouait à cause de Liven, elle le retrouverait pour lui faire la peau. Charmante idée, vous ne trouvez pas ?
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    Message  Liven Reaves Lun 14 Sep 2009 - 11:10

    Il est des moments où vous désirez plus que toute autre chose vous tromper. Ce sont des moments d'espérance paradoxalement remplis de la certitude que vous ne récolterez que de douloureuses désillusions. Et pourtant ils vous envahissent fugitivement de leur intensité dévastatrice, rendant tout votre pessimisme habituel inopérant et vous laissant croire que l'impossible pourrait se réaliser. C'est plus fort que vous, plus fort que votre raison vous hurlant que cet espoir risible et niais qui a surgit dans votre esprit est impossible, plus fort que votre défaitiste et lâche abandon qui vous avait bien conseillé de ne pas vous fourrez dans ce genre de situations délicates. Cette douce folie est aussi incontrôlable qu'extatique en ce sens que ses promesses même illusoires valent le sacrifice de vos certitudes malheureuses. Ou du moins, est ce que vous pensez sur le moment. Car en l'occurrence, Liven n'avait pas vraiment tout le loisir de philosopher sur cette incroyable sottise qui l'avait spontanément saisie près d'une seconde auparavant. Il faut dire que lorsque vous souffrez le martyre dans l'impossibilité de vous soustraire à cette torture sans risquer une escalade meurtrière, vous n'êtes pas le mieux placé pour chercher à comprendre ce qui au juste a pu motiver votre geste suicidaire. Qu'on se comprenne : le jeune homme se serait fait un plaisir de panser les plaies de sa fierté malmenée à grand coups de sorts sournois et bien sentis mais s'il s'écoutait, il était certain de pouvoir dire adieu à l'intégrité de son bras qu'elle aurait pris la peine de cassé, sans parler de la haine viscérale qu'elle lui aurait voué après cette épisode houleux. A choisir, joué les victimes remplies d'humilité après cet impardonnable hubris était une position beaucoup plus raisonnable et stratégique que le rôle du fanfaron humilié et revanchard.

    Nous disions donc que Liven souffrait, et c'est peut dire. Honnêtement, il n'avait aucune idée de la manière dont elle s'y était prise pour le tenir ainsi en respect en un tour de main. Sans trop savoir comment elle était parvenu à le déséquilibrer, elle avait profité de son poids pour faire pivoter son corps sur lui-même tout en saisissant son poignet droit presque avec délicatesse jusqu'à l'appuyer contre son dos, l'obligeant ainsi à mettre un genoux à terre. Puis, fermement et vigoureusement, elle n'avait eu qu'à remonter son poignet le long de sa colonne vertébrale pour que l'onde de douleur se propage de son poignet enserré dans l'étau de ses mains jusqu'à son épaule arquée à sa limite physique. Elle n'avait besoin que d'une légère pression, d'un doigts se resserrant plus qu'un autre, ou tout simplement attendre qu'un sursaut défensif et inutile le saisisse, pour lui transmettre un pic de douleur qui le contraignait à serrer les dents et à supporter en silence. Car ce n'était pas tant la douleur qui était insupportable. La magie et tout particulièrement le mage noir qui lui avait enseigné ses connaissances ésotériques récentes, lui avait fait subir bien pire et ces petites séances de torture quotidienne l'avait quelque peu habitué aux douleurs physiques. Non, si ce n'avait été que ça, il aurait pu en faire abstraction. Ce qui le blessait profondément et portait à mal son endurance c'était son orgueil implacablement bafoué. Aucune préoccupation sexiste ou autre bassesses de ce registre, rassurez-vous. Ce qu'il ne pouvait supporter c'était de ne pas pouvoir répliquer.

    Bien sûr, il connaissait ses immanquables faiblesses dès qu'il s'agissait de combats rapprochés. Ne s'étant toujours satisfait que de la magie et au besoin de son colt, il n'avait jamais éprouvé le besoin d'élargir ses connaissances dans ce domaine et il devait reconnaître que cette lacune ne lui avait jamais poser de réel problème. Sauf qu'Isuzu avait la réputation d'être une experte en la matière contrairement à ce que pouvait laisser présager sa carrure et comme le prouvait la force insoupçonnée avec laquelle elle venait de le maîtriser sans effort apparent. Le fait est qu'il reconnaissait son infériorité sinon en matière de puissance physique, au moins concernant la technique et l'expérience qu'elle possédait. Malheureusement pour lui, son unique alternative, la magie, aurait eu un effet dévastateur sur la suite de leurs relations et il n'avait aucun intérêt à se mettre quelqu'un comme Isuzu à dos. De plus, il y avait quelque chose d'injuste et de lâche à utiliser un stratagème magique contre quelqu'un qui ne fait que vous rendre la monnaie de votre pièce, certes avec humeur, mais surtout avec légitimité. Sans doute s'il eut s'agit d'une personne avec laquelle il n'entretenait pas un lien si étrange, ce genre de préoccupation ne l'eut même pas effleurées. Mais à savoir qu'elle était dans son droit et qu'il avait agi impunément en sachant pertinemment qu'il la provoquait, il ne pouvait se défiler à ce qu'il avait lui-même provoqué.

    Enfin, ceci c'était pour la version officielle. Celle qu'il se répétait inlassablement pour oublier la douleur lancinante qui émanait de son bras malmené et pour tenter d'oublier le paradoxe de la situation. Quiconque avec un peu de jugeote aurait interprété cette réaction que nous qualifieront de vive par soucis d'objectivité comme un moyen d'autodéfense punitif à visée dissuasive. Or, pour éviter à l'avenir tout contact du genre que Liven avait esquissé, la jeune femme se forçait à en imposer un autre beaucoup plus intense et au final, beaucoup plus voluptueux. Non pas qu'il y eut la moindre douceur ni la moindre sensualité même déguisée dans cette situation mais plutôt que cette soudaine proximité plongeait Liven dans un trouble inavoué mais certain. Peut être le fait de savoir que ce contact pour le moins musclé serait le dernier qu'elle lui accorderait sans pour autant qu'il eut attendu autre chose participait-il à cet état d'esprit sur lequel il ne préférait pas s'attarder ? Il faut dire qu'avec tout le respect que vous avez pour votre intégrité et votre santé mentale, vous commencez sérieusement à vous inquiétez pour cette dernière quand vous appréciez la chaleur et la poigne des mains qui vous torturent ou le souffle de votre bourreau caressant par moment votre nuque. Pourtant pouvait-il réellement affirmer qu'il ne trouvait pas là une certaine consolation à son sort ? Il voulut se secouer pour remettre de l'ordre dans ses idées que la douleur embrumait certainement et ne parvint qu'à se blesser davantage au point qu'il laissa échapper une expiration saccadée témoignant de sa souffrance. Comme si elle n'eut attendu que cette confirmation de la torture qu'elle lui faisait subir, la cruelle jeune femme se décida enfin à le libérer de cette étreinte ce dont Liven lui fut grès en se relevant précautionneusement et en massant son poignet et son épaule dont il y avait tout lieu de s'étonner qu'ils fussent encore en un seul morceau.

    Pivotant pour lui faire face, on aurait pu penser à l'expression qu'il affichait qu'il allait contre attaquer mais il n'en fit rien. Seul une dangereuse menace scintillait dans son regard, jumelle de celle qu'il pouvait lire dans celui où il s'était plongé. Qu'un seul d'entre eux réitèrent l'une ou l'autre des actions outrageantes qui venaient d'avoir lieu et il était certain de finir six pieds sous terre et au diable l'estime ou la fascination ! Il y avait quelque chose de rassurant à savoir que les deux chasseurs pouvaient transmettre autant d'informations significatives rien que par l'intensité de leur regard. D'ailleurs, en parlant de celui-ci, Liven se décida à ramasser sa paire de lunette qui avait glissé lorsque Isuzu s'était vu le droit de lui inculquer sa vision des choses quant il fut certain que le message était clairement passé. Ce faisant, il les rangeant directement dans une des poches de sa veste, ne voyant plus leur utilité maintenant que la lumière avait décru au point qu'il fit presque nuit. L'incendie tardif du jour sur la ville se noyait dans un océan de volutes sombres qui dissimulaient les perles scintillantes aux regards, n'autorisant qu'un pâle reflet lointain des cendres qui en résultaient, reprises par les lumières qui s'allumaient progressivement dans les rues.


    - Ouais, l'autre mec s'est défilé, quoi. Bon, tu viens ?
    On va pas bavarder toute la soirée, j'ai autre chose à
    faire...



    - Tu as une drôle de conception du bavardage.


    Au foutage de gueule il y avait tout de même des limites ! Inutile de préciser que le ton qui accompagna cette réplique était cinglant et hargneux, signe qu'il n'avait pas oublié le merveilleux traitement de faveur dont il venait de faire l'objet. Il espérait qu'elle avait au moins conscience qu'il l'avait épargné en se refusant à faire usage de son pouvoir. Pour un peu elle le lui aurait presque fait regretter. Pourquoi n'avait-il pas tout simplement céder à son instinct légitime ? Sa fascination et sa sympathie pour Isuzu n'allait pas jusqu'à la bonté sacralisée ! D'une humeur de plus en plus plaisante à mesure qu'il ruminait ce qui venait de se passer, il lui emboita le pas sans s'offusquer de ne pas avoir pris la tête du couple atypique qu'ils formaient. Comme elle-même le pensait et bien qu'il l'ignora, Liven était son examinateur et il était donc voué par définition à un rôle d'observateur aguerri certes mais tout à fait inopérant. A ce titre donc, il se contentait de la suivre et d'apprécier le spectacle qu'elle aurait à lui offrir. Si tant est que l'on considère un assassinat effectué par un professionnel comme une œuvre d'art. Pour être honnête d'ailleurs, la vision de Liven à ce niveau n'était pas si éloignée de celle de la jeune femme. Loin de trouver un quelconque esthétisme dans le meurtre, il en apprécier simplement l'efficacité qui garantissait une ligne de conduite pour tous les habitants de Sannom. Il ne faisait pas parti de ces extrémismes qui poussaient le vice jusque dans le plaisir de tuer impunément ou de ces idéalistes qui se satisfaisaient d'accomplir leur devoir. S'il était chasseur de prime, c'était avant tout parce que ce métier payait bien et qu'il avait eu la chance de bénéficié de facultés exceptionnelles qui non seulement lui simplifiaient son travail mais en plus, lui avaient permis de s'imposer à sa juste valeur. Ce qui l'avait motivé c'était son ambition, ce qui l'habitait, c'était la fierté.

    Rattrapant sans même y prendre garde l'avance de la chasseresse, Liven ne tarda pas à la rejoindre et à marcher à ses côtés. Elle semblait sûr d'elle et décontractée, une attitude appréciée dans la traque d'un objectif. Les débutants avaient tendance à se montrer instables, indisciplinés et tendu ce qui conduisait bien souvent à l'échec de la mission ou pire, la mort du dit débutant. Il s'étonnait même d'ailleurs que sa présence ne lui procure pas un stresse supplémentaire. Non pas qu'il pensait exercer une emprise si importante sur elle qu'il serait à même de la déconcentrer, mais plutôt que son caractère d'examinateur joint à ce qu'elle savait de ses états de service et de ses talents en la matière aient pu lui mettre une certaine pression. Observant en biais son visage impénétrable, il revint prêter attention à leur environnement. Ils venaient de déboucher sur l'artère principale qui faisait le tour de la baie mais après une cinquantaine de mètres, Isuzu la délaissa pour s'enfoncer dans les ruelles qui se rapprochaient des quartiers mal famés. Assurément, elle avait effectué les repérages d'usage et savait parfaitement se repérer et comment évoluer pour ne pas rendre sa présence suspecte. Imitant ses mouvements par la force de l'habitude mais avec moins d'agilité, ils ne furent bientôt plus que deux ombres comme les autres, passants hagards et tardifs qui filaient dans la nuit fraîche sans demander leur reste. Soudain, Isuzu ralentit et s'arrêta à l'arrière d'un bâtiment aux allures d'un bar miteux d'où s'élevaient des éclats de rire et des voix éméchées. Liven l'imita, s'adossant à au mur d'enceinte, curieux de la suite des évènements.

    Outre que la cible d'Isuzu était un homme suffisamment dangereux pour que son élimination soit classée parmi les missions d'élites, il présentait la particularité non négligeable de posséder une réputation enviable de bon magas. Rien d'inquiétant en soi si ce n'était que la chasseresse qui s'était lancée sur sa piste maîtrisait plus volontiers ses poings que ses sorts. Le jeune homme qui l'accompagnait en spectateur attentif ne pouvait s'empêchait de la trouver téméraire pour prendre le risque d'un combat qu'il supposait à tord ou à raison inégale et plus l'idée se faisait un chemin dans son esprit, plus il était impatient de découvrir quel trésor d'inventivité elle avait développer pour pallier à cette faiblesse comme lui-même avait pallier à la sienne. Sous l'éclairage publique un peu glauque dans cette arrière cours, ils ressemblaient davantage à des criminelles qu'à d'honnêtes citoyens, surtout si l'on considérait qu'ils avaient pratiquement le même air d'amabilité inscrit sur le visage. C'est sans doute la raison pour laquelle le groupe de cinq avinés qui sortait du bar à ce moment là et se dirigeait dans leur direction se sentit le droit de venir perturber le cours prévu de leur mission. Liven jeta sur eux un regard d'abord hautain avant que celui-ci ne devienne désolé. Ces imbéciles comptaient vraiment venir leur chercher des noises ? Il pouvait témoigner qu'il valait mieux ne pas chercher Isuzu mais comment réagirait-elle en sachant qu'elle se trouvait tout près de sa cible et qu'elle ne pouvait se permettre un scandale qui attirerait immanquablement l'attention et entraînerait la perte de son avantage tactique. Sans parler du fait qu'évidemment elle ne pouvait absolument pas compter sur le soutient magique et discret de Liven qui pour une fois aurait été une véritable aubaine. Affichant une attitude blasé, Liven ne bougea pas d'un pouce, ne daignant même pas tourner sa tête vers sa protégée avant de lui lâcher le plus platement du monde qu'ils allaient avoir de la compagnie et que soit elle se magnait soit elle devrait régler le problème comme une grande. Avec un brin de malice et un soupçon d'insolence, il plongea son regard bleu électrique dans ses yeux sombres, en attente de sa réaction.
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    Message  Isuzu Kamageta Mer 23 Sep 2009 - 17:08

    Bien entendu, Isuzu était très loin d'être stupide, et elle n'était pas sans savoir que Liven pouvait très bien se servir de la magie contre elle, doué dans le domaine comme il l'était. Toutefois, ce n'était certainement pas cela qui allait l'empêcher de se venger. D'après elle, il lui avait manqué de respect, et sa fierté n'admettrait pas que le crime du blondinet reste impuni. Donc, quitte à s'exposer à des sorts qui lui déplairaient certainement, elle avait fait souffrir Liven, sans même accorder une attention quelconque aux éventuelles conséquences. Heureusement, mis à part un regard lourd de sous-entendu et non-négligeable, il n'y en avait eut aucune. Elle n'accorda pas la moindre attention à la réflexion de Liven en se mettant en route. Son pas sûr, elle n'hésita pas une seule seconde quand à la direction à prendre : elle avait profité de sa promenade de fin de journée pour s'assurer de la piste qu'elle avait déjà mentalement tracée quelques jours auparavant. Pourquoi elle ne semblait ne pas éprouver le moindre stress à l'idée d'être évaluée par quelqu'un d'aussi prestigieux que l'était Liven ? D'abord parce qu'elle se fichait complètemment de qui était son examinateur, souhaitant en finir en plus vite avec ces formalités stupides. Ensuite parce qu'elle avait prit l'habitude de dissimuler chacun de ses sentiments, chacune de ses pensées, derrière un masque de glace. Enfin, pour elle, et ce même s'il avait été chef des CdP, même s'il avait défait les vampires alors que personne n'y était parvenu avant lui, Liven restait un homme comme un autre, avec pour seule distinction qu'il avait mérité, par dieu sait que miracle, son estime.

    La question qui restait, après cela, concernait sa cible du jour. La raison pour laquelle elle avait choisi quelqu'un de si doué en magie ? Et bien, pour tester quelques petites choses, notamment son nouvel armement et, surtout, ses capacités propres. Elle voulait se prouver qu'elle n'avait pas besoin de la magie pour défaire ses adversaires, même si eux l'utilisaient, et ce bien qu'elle puisse la maîtriser un minimum - beaucoup plus qu'un certain artiste dont le nom se murmurait de plus en plus en ville, en tous cas. Après tout, si elle n'avait pas eu son diplôme, à l'académie, c'était en grande partie parce qu'elle était partie avant la remise de celui-ci. Elle apprenait vite et, même si elle n'avait pas fait preuve d'un immense sérieux, elle savait faire quelques petites choses. Isuzu préférait donc utiliser son corps, frêle mais tout de muscles, puisqu'elle avait très peu confiance en ses capacités magiques. La seule exception qu'elle s'accordait de temps à autres concernait le feu. Elle avait une affinité incompréhensible avec cet élément, et ce depuis un moment déjà. Un révélateur ? Certainement. Sous la glace de son coeur brûlait un feu ardent, et le masque gelé dont elle s'écharpait n'était qu'une apparence, qu'elle réussissait moins facilement à maîtriser qu'elle l'aurait espéré. Toujours est-il que, même si elle avait conscience d'être dans un monde magique, un monde qu'elle avait au fond bien souvent rêvée en tant que petite terrienne avant de le découvrir, elle refusait d'utiliser cet art si complexe. Dans un sens, cela l'avantageait encore : il n'était pas rare que les gens se disent que, du fait qu'elle ne l'utilisait pas du tout, elle était totalement incapable de lancer les sorts les plus simples. Parfois, elle pouvait s'en servir à son avantage. C'était rarement le cas. Elle avait décrété qu'elle n'avait pas besoin d'utiliser la magie pour être forte.

    Isuzu ne niait cependant pas du tout le fait que la magie avait de nombreux avantages. Notamment dans la situation qui se présenta à elle. Oh, il aurait été plus simple pour elle d'être une surdouée de la magie et de se débarrasser du club des cinq en trois mots et un claquement de doigts. Cependant, elle n'était pas sans ressources, même dans des situations aussi périlleuses. Mais ne précipitons pas les choses, voulez-vous ? La demoiselle sentit la présence du groupe peu avant que Liven la lui signale. Si elle avait été un tant soit peu plus angoissée pour si peu ou expressive, elle se serait certainement mordue la lèvre inférieure. A la place, elle fronça imperceptiblement les sourcils. Super, des troubles-fêtes... Non pas qu'elle considère la mort d'une personne comme une fête, car, mis à part elle, chez qui le désir de voir la Faucheuse était toujours plus intense, elle savait bien que la plupart des gens tués ne le souhaitaient pas.. Seulement, la présence des cinq nouveaux individus la gênait fortement. Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle pourrait faire. Leur tirer dessus lui était impossible. Pendant quelques petites secondes, elle ferma les yeux pour chercher une solution à son problème. Déjà, ils étaient trop nombreux pour qu'elle les assommes tour à tour : même complètement ivre, elle supposait qu'ils pourraient chercher un moyen pour la défaire - à moins de tenir très mal l'alcool- et qu'ils risquaient bien trop de donner l'alerte. Or, Isuzu aimait écarter tout les dangers et rester au risques zéro au niveau de sa filature, de son effet de surprise, lors de ses missions... Surtout que, d'après les quelques plans qu'elle avait élaboré, il lui était nécessaire d'avoir un petit effet de surprise. Elle ne pouvait donc pas les assommer, elle n'en aurait pas le temps. Les tuer ? C'était une possibilité. Mais la jeune femme ne le souhaitait pas. Elle n'avait de toutes façons pas envie de se fatiguer pour des minables : si jamais ses premiers plans ne fonctionnaient pas avec la cible, elle aurait besoin de toute son énergie pour l'abattre... Mais si elle discutait aimablement - car oui, Isuzu en était capable -avec eux, ils risquaient de rester un poil trop longtemps... Et donc, sa cible risquait de s'éclipser. Il était hors de question pour elle d'échouer à cause de ces types, sans même compter qu'il ne serait dans ce cas même plus la peine de penser à faire partie de l'élite... Le problème était obtu.

    Toutefois, Isuzu ne tarda pas trop à en venir à bout. Elle n'appréciait pas du tout faire ce qu'elle allait accomplir, mais cela ne l'empêcha pas de rouvrir les yeux, la flamme de la volonté brûlant dans leur profondeur abyssale. Sa décision était prise, de toutes façons. La tête bien faite, elle avait imaginé un plan quasiment infaillible en une minute à peine. Certes, elle ne pouvait le faire que grâce à son matériel... Mais n'était-ce pas un bon principe, de partir avec des choses qu'elle savait peu encombrantes mais néanmoins très utiles au cas où ? Elle regarda un rapide instant autour d'elle et, assurée que personne ne soit trop proche, mis à part bien entendu les cinq pauvres hommes ivres, fit un léger signe de tête à Liven, pour lui signaler de rester en retrait. Oui, elle allait "régler le problème comme une grande". Pour le pire comme pour le pire pour les pauvres inconscients qui avaient osé penser que la déranger serait l'occupation la plus intéressante de leur soirée. Ce ne fut en tout premier lieu pas du tout ce que son expression laissait penser. La première phase de son plan exigeait qu'elle se serve des atouts que Dame Nature lui avait donné, sans allant jusqu'à tomber dans la vulgarité - elle ne tenait pas à cette cible à ce point. Aussi, après avoir aussi doucement que furtivement caressé le médaillon autour de son cou, elle sourit. Oh, ce n'était pas un sourire niais non plus, elle refusait de s'abaisser à se point... Néanmoins, même hypocrite au possible, le sourire qui fendait son visage restait on ne peut plus séduisant par son mystère. Elle combla ensuite la distance qui la séparait du groupe d'adversaires, d'un pas souple et gracieux, qui n'était par ailleurs pas si différent de l'ordinaire mais qui, avec ce sourire, la changeait du tout au tout. De bloc de glace, elle passa sensualité personnifiée... Le plus beau des poisons.

    Un bonsoir du bout des lèvres, près d'eux, murmure sensuel dans l'obscurité. Quand elle le voulait bien, comme à l'instant présent, Isuzu savait se montrer terriblement séduisante. Gênée d'agir ainsi devant Liven ? Peut-être un peu. Mais, si c'était le cas, elle le camouflait à merveille. Oh, qu'il ose le moindre commentaire et elle l'étoufferait avec sa propre langue... Du moins, l'envie ne lui en manquerait pas. Quoi qu'il en soit, elle s'approcha de deux des hommes, posant ses mains sur leurs épaules, dans une imitation langoureuse du précédent geste que Liven avait osé avoir envers elle. Elle semblait à l'aise, mais était loin de l'être. Au contraire, elle pensait être beaucoup trop près des inconnus. Mais c'était pour le bien de sa mission, et elle ne pouvait faire autrement... Elle leur murmura donc doucement quelque choses aux oreilles avant de passer aux deux suivants, et de s'attarder sur le dernier. Malgré une fugace expression de douleur, les hommes semblaient très heureux de ce qu'elle venait de leur souffler, mais la plus satisfaite semblait bien être Isuzu. Et pour cause, quelques secondes s'étaient écoulées alors que le premier duo s'écroulait déjà. Morts ? Pas du tout ! Partis pour un bon roupillon, ça, oui. Elle s'éloigna vivement du dernier homme quand, plusieurs minutes après, et à la suite de ses amis qu'il avait regardé tomber d'un air hébété, il chuta à son tour. D'ailleurs, des ronflements sonores pouvaient bientôt rassurer son examinateur, si du moins il s'en inquiétait : elle les avait laissé en vie. Elle ne tuait après tout par le plaisir de tuer. En tout cas, avec la chute du dernier homme disparu son sourire. De sensualité personnifiée, elle était redevenue glace.

    Elle rejoignit Liven en quelque pas, comme si de rien n'était. Si elle avait utilisé un sort ? Non, voyons, elle ne pouvait faire cela. Et ce qu'elle avait fait se deviner à l'éclat d'argent des aiguilles qu'elle tenait entre ses doigts : habilement, elle les avait glissées là pour piquer chacun. Provoquant une diversion avec son physique plutôt fort avantageux, elle avait enfoncé les aiguilles empoisonnées dans la chair de ses cibles imprévues et, profitant de l'effet on ne peut plus rapide de ce poison, les avaient regarder s'écrouler pour au moins quatre heures. Elle constata qu'il ne lui en restait plus qu'une avec une pointe de déception, invisible sur son masque de glace. Ainsi, si son premier plan ne marcherait pas, elle n'aurait plus droit à l'erreur lors de son premier plan de secours. Son colt faisant partie intégrante de son plan de base, elle croisa -mentalement, cela va de soi- les doigts pour que ce qu'elle lui avait fait marcherait bien.... En théorie, et avec les tests qu'elle avait réalisé, il ne devrait pas y avoir de problèmes. Toutefois, elle ne pouvait être à l'abri d'un dysfonctionnement de dernière minute. Et si l'homme ne faisait pas exactement ce qu'elle voulait... Bon, en fait, elle n'avait d'autre solution que de continuer son chemin pour savoir si tout se déroulerait comme prévu ou non. Si son plan tout comme ceux de secours ne fonctionnaient pas ? Et bien, elle devrait se débrouiller sans, et l'affaire, déjà peu simple, serait bien corsée... Repensant son plan, une ou deux fois, elle posa ses yeux sombres sur Liven et prit la parole, de son habituel ton froid qui contrastait durement avec la voix suave qui avait animé son "bonsoir" précédent.


    " On y va. "


    Sans un cri, sans prévenir quiconque du danger que représentait Isuzu, le groupe d'homme qu'elle venait d'envoyer au pays des rêves se réveillerait d'ici quelques heures, quand tout serait fini, avec un beau mal de crâne. La chasseresse savait que personne ne l'avait vu, pour l'instant elle avait bien vérifié. Sans se servir de sa vue, elle pouvait déceler les présences humaines, dans un périmètre limité. Elle ne se servait pas de la magie, mais il s'agissait d'une faculté qu'elle avait acquise au cours de son entraînement. Mais il lui fallait s'éloigner tout de même, au cas où, quitte à prendre un chemin différent pour atteindre sa cible. Elle ne chercha pas à accélérer son allure, au cas où son sixième sens l'ai trompé et qu'elle n'ai pas remarqué une personne proche, histoire de ne pas paraître trop louche... Même si, si la personne était là, elle devait avoir vu ce qu'elle avait fait au club des cinq. Isuzu, une adversaire redoutable ? Vous n'osez même pas vous imaginer à quel point...


    Dernière édition par Isuzu Kamageta le Mer 30 Sep 2009 - 14:54, édité 1 fois
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    Message  Liven Reaves Mar 29 Sep 2009 - 11:27

    Déjà qu'en temps normal il n'y avait guère besoin d'être très curieux pour laisser son regard s'attarder sur Isuzu, nous vous laissons imaginer l'intensité de celui de Liven. Plus observateur que le plus affamé des rapaces, le jeune homme ne perdit pas une miette des détails que comportait la scène dont il était le témoin. Un geste... éphémère envolée de ses doigts caressant délicatement le bijou qui ne la quittait jamais...une métamorphose. Comment qualifier autrement le changement insoupçonné qui s'opéra dès lors sur la jeune femme ? Le sourire qui vint illuminer son visage était tellement impensable, que Liven aurait certainement été tenté d'éclater de rire s'il ne venait subitement de lui conférer un charme sensuel et insoupçonné, qui ne pouvait qu'immanquablement supplanter le ridicule de la chose. Car si l'attirante jeune femme se révélait particulièrement séduisante sans pour autant verser dans la vulgarité, la voir se comporter de la sorte avait quelque chose d'obscène. Aussi bonne comédienne qu'elle fut, la Isuzu qu'il connaissait ne se comporterait jamais ainsi si les circonstances ne l'y obligeaient pas. S'il ne l'a connaissait pas, à l'exemple du petit groupe qui allait faire les frais de ses talents d'actrice, sans doute aurait-il pu se laisser bercer d'illusions et accorder de la crédibilité à ce changement brutal. Cependant, cela lui était impossible. Bien sûr, il ne pouvait pas nier que cette sensualité insoupçonnée ne le laissait pas de marbre, mais à dire vrai, tout homme qui l'aurait vu en cet instant se serait laissé séduire par cette douceur enjôleuse. Non, même si cet aspect n'était pas négligeable, il était supplanté par son dégoût.

    La scène à laquelle il assistait lui donnait envie de vomir. Comment pouvait-elle s'abaisser à les saluer d'un bonsoir mièvre et charmeur avec cette timidité feinte ? Pour toute autre qu'elle, cela lui eut été indifférent mais de savoir que celle qui se prêtait à ce genre de petit jeu était la même qui s'était offusquée de son geste amical du début de soirée, cela lui paraissait...malsain. Isuzu n'était pas ce genre de femme, elle ne tolérait pas qu'une bande de soulard la reluque de la sorte, elle n'admettait pas que Liven puisse la voir se livrer à cela. Et pourtant... il n'avait pas fini de s'indigner... Comme une ultime provocation, la voici qui se rapprochait ostensiblement d'une paire d'abrutis, horriblement séductrice. Elle leva ses mains, les appuya sur leurs épaules d'épaves humaines avec une tendresse presque amoureuse et surtout, inadmissible. Puis, elle s'avança encore, se pressant inévitablement contre leur corps de barriques ambulantes pour leur glisser un murmure au creux de l'oreille... insoutenable vision. En serrant son poing dans la poche de son jean, Liven s'enfonçait consciencieusement les ongles dans la paume jusqu'au moment où, ne pouvant en supporter davantage, il détourna le regard, concentrant sa rage sur les pavés de la route. Mais c'était peine perdue... Quand bien même il ne la regardait pas, il savait ce qui se déroulait à seulement un à trois mètres de lui. A peine la douleur légère mais vive qu'il s'infligeait lui permettait-elle de maîtriser l'envie de plus en plus forte d'intervenir.

    A quoi tout cela rimait-il ? Ce n'était pas comme si Isuzu agissait par plaisir, il en était bien conscient. Alors, pourquoi se mettait-il dans un tel état de rage ? Ne lui avait-il pas dit lui même de régler ce problème comme une grande ? Il n'avait par ailleurs, pas son mot à dire dans cette affaire. Malgré lui, ses yeux revinrent, fugaces et remplis de rancœur, sur cette méprisable imposture dont Isuzu s'était revêtue. Se rendait-elle compte qu'elle lui apparaissait terriblement plus belle et séduisante avec son regard de tueuse et son visage de glace plutôt qu'avec ce sourire même hypocrite et ces manières étudiées ? Que sa dignité flegmatique lui était infiniment plus précieuse que ces simagrées insolentes ? Que la voir renier sa véritable nature le mettait hors de lui ? Liven détourna brusquement le regard à ces pensées alors qu'elle s'approchait du dernier homme. Qu'était-il en train de faire ? Pourquoi rapportait-il tout ce qui concernait Isuzu à lui-même ? Pourquoi alors qu'il s'interrogeait à son propos devait-il s'intégrer comme une variable de ses prises de décisions ? Dans l'ombre, il fronça les sourcils en serrant les dents, laissant ses cheveux recouvrir son regard baissé sur le sol, et lui conférer ce visage à la sévérité extrême d'où ne filtrait aucune émotion.

    Oh ! Bien sûr il aurait pu chercher à se voiler la face. Rien n'aurait été plus facile que d'accuser son égoïsme de tous les maux et d'être le responsable de ses divagations présentes. Mais sachant la raison moins superficielle, il ne pouvait s'en contenter. Son égoïsme était en cause, certes mais pas au sens où on l'entend habituellement. Il ne pouvait accepter que Isuzu accorde le privilège à ces hommes de jouir de ses égards appuyés, même illusoires, quand elle ne supportait même pas la simple présence d'un ami à ses côtés. Pire, quand elle ne supportait pas SA présence... C'était insultant...c'était...douloureux. Le jeune homme ferma les yeux, comme si ce geste aurait pu l'empêcher de voir la réalité qui s'imposait pourtant de manière on ne peut plus claire à son esprit. Il était tout simplement jaloux, et cette vérité l'excéda à tel point qu'il ne put s'empêcher de soupirer avec mauvaise humeur contre sa propre bêtise. De savoir que des inconnus qui ne méritaient que leur mépris réciproque avaient pu, par la force des choses, goûter au plaisir de se retrouver dans les bras de la belle et ce, sans avoir seulement conscience de la faveur qui leur était accordée, c'était terriblement frustrant. De savoir que lui, devait remuer ciel et terre pour que seulement elle daigne lui répondre alors que ces ignorants avaient eu droit à un témoignage rarissime d'amabilité, c'était terriblement frustrant. De savoir que sciemment, elle avait pris le parti de venir auprès d'eux et de supporter cette proximité habituellement synonyme d'horreur à ses yeux, c'était terriblement frustrant.

    Pour un peu, il aurait souhaité être à leur place pendant quelques secondes... enfin... avant de s'écrouler comme les loques qu'ils étaient et qui ne méritaient pas de vivre sur cette terre – après tout, quand on est stupide au point de se faire avoir si facilement. Isuzu finit par le rejoindre et si elle avait retrouvé son masque de glace, lui-même devait sans doute sembler extrêmement contrarié pour ne pas dire clairement jaloux. Heureusement, il y avait fort à parier que la rareté de ce sentiment sur son visage serait confondu avec les restes de ressentiment qu'il pouvait toujours avoir à son égard. Lorsqu'elle posa ses yeux intensément sombres sur lui, il ne put s'empêcher de tressaillir au bonheur de la voir enfin redevenue elle-même. Nous vous accordons bien volontiers qu'il s'agit d'un fait tout à fait paradoxal compte tenu du fait qu'il voulait lui permettre de s'affranchir de son sale caractère. Cependant, la voir quitter son rôle de petite aguicheuse de bas étage était un soulagement sans nom, même si pour cela elle devait faire preuve d'une chaleur humaine comparable à celle d'un iceberg. Ne souhaitant pas avoir à faire face à ces yeux-là trop longuement, Liven se redressa et prononça d'une voix atone mais qui gardait une sonorité dure et froide par sa voix grave et sèche :


    - On y va. *

    Il arrêta son mouvement et sourit intérieurement à la simultanéité de leur réaction. Néanmoins, il ne pouvait oublier sa mauvaise humeur pour si peu et ressentait le besoin de lui faire payer sa provocation d'à l'instant. Se détachant du mur contre lequel il s'appuyait, il réduit par ce fait de moitié la distance de sécurité qu'Isuzu avait instaurée entre eux deux et se penchant légèrement en sa direction en ouvrant une main qui l'invitait à le devancer, il s'exprima d'un ton puant d'hypocrisie.

    - Après vous mademoiselle. Je ne voudrais surtout pas vous indisposer en vous arrachant à cette compagnie si charmante et que vous sembler quitter à regret. Après tout, il m'avait sembler que le courant passait bien entre vous.

    La charmante compagnie en question ronflait bruyamment dans la plus totale indifférence des deux chasseurs de primes et sans même que Liven n'ait encore suffisamment recouvert son calme pour reconnaître avec bonne foi que Isuzu s'en était tirée à merveille. Sa remarque, incisive d'ironie, avait le mérite de le soulager du besoin de lui faire payer son mépris à son égard même si elle manquait de prudence. Ne lui signifiait-il pas clairement sa vision des choses ? En prenant conscience, Liven se tut et s'apprêta à lui emboiter le pas avec cette attitude de celui qui, ayant été contrarié, boudait insensiblement dans son coin en attendant patiemment de se venger. Elle voulait jouer à ce petit-jeu là ? Il allait être le pire examinateur qu'elle eut jamais connu. Liven ? Excessif ? Susceptible ? Bien sûr que non, qu'allez-vous vous imaginez-là...

    * Cyan + magenta = indigo
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    Message  Isuzu Kamageta Sam 3 Oct 2009 - 22:32

    En arrivant près de Liven, Isuzu ne pu s'empêcher de se demander pourquoi il faisat une tête pareille. Oh, elle aurait préféré mille fois que ce soit un parfait inconnu qui l'évalue, ne serait-ce que pour une personne qui la connaissait, pire encore, certainement la personne qui la connaissait le mieux de tout Gamaëlia - il faut dire qu'elle ne parlait pas beaucoup aux gens, encore moins d'elle- ne voit pas ce qu'elle devait parfois faire. Elle ne supportait pas ses propres paroles douces, ses propres sourires enjôleur, et encore moins la façon dont les gens la regardait quand elle agissait ainsi... Cela ne réveillait qu'une chose : Des envies de meurtre. Les déchirer dans un spectacle sanglant lui aurait été bien plus plaisant que de se rapprocher autant... De les toucher... Et ce, même si tuer ne lui procurait pas de joie. Certes, elle était la neutralité même, lorsqu'elle attaquait, suivant les ordres qu'elle avait accepté... Mais elle n'éprouvait absolument rien à tuer. Pas même la douce sensation libératrice d'avoir accompli son devoir. Rien. Parfois, il arrivait qu'elle se demande si c'était bien normal, une telle indifférence face à la mort... Et, à ses moments, elle se souvenait qu'elle l'avait déjà plusieurs fois frôlée, et qu'elle ne souhaitait qu'Elle... Cela expliquait, peut-être, son absence de sentiment face à la mort de ces inconnus. Ou alors, elle avait perdu toute sensibilité depuis la mort de Kôdaï. Face à la mort, oui. Elle aurait aimé que ce soit le cas dans d'autres situations. Mais il est inutile de s'étaler la dessus. Heureusement, les cinq autres abrutis n'avaient eu aucun geste déplacés envers Rin... Sinon, il y a fort à parier qu'elle les aurait tous tué, oubliant la stupidité que pourrait avoir ce geste. En même temps, elle ne leur avait pas vraiment laissé le temps de faire quoi que ce soit... Il faut dire que le poison était tellement rapide...

    Quoi qu'il en soit, après avoir dit à Liven qu'ils se devaient de partir - pardon ? Elle ne l'a pas dit ? Juste sous-entendu alors...-, elle se rendit compte qu'il venait de parler en même temps. Si ce fait fit sourire Liven, sans qu'elle n'en sache rien puisqu'il eu l'excellente idée de garder son sourire pour lui, elle n'en fut au contraire qu'agacée. Elle ne supportait pas l'idée qu'on puisse l'associer à qui que ce soit par quelque moyen que ce soit. Sans vraiment savoir pourquoi, le fait que ce soit Liven avec qui elle fut totalement synchro la dérangeait encore plus. Peut-être parce qu'elle le respectait, chose qu'elle n'accordait qu'à de rares élus, et ce qui, elle n'était pas sans l'ignorer, était le premier pas vers l'amitié qu'elle refusait tant ? Misère. Elle avait parfaitement conscience du fait que briser des liens était infiniment plus dur et plus douloureux que d'en créer. Or, Isuzu voulait ne pas avoir de lien, pour ne pas souffrir le jour ou elle mourait, dans sa plus grande joie, pour ne pas avoir à le regretter... Et pour ne pas faire souffrir les gens qui l'aimerait. Bon, naturellement, elle n'avait pas un caractère très facile, ce qui, avec tout ses efforts pour ne pas se lier à qui que ce soit, lui permettait généralement de réussir avec brio ce qu'elle voulait, c'est à dire éloigner tout le monde d'elle. Elle n'avait même pas conscience que créer des liens avec quelqu'un, n'importe qui, pourrait bien lui redonner goût à la vie. Sa seule obsession restait Kôdaï, et le rejoindre dans la mort, et cela l'aveuglait complètement. Sans même s'en rendre compte, elle avait désespérément besoin d'aide, pour enfin ouvrir les yeux qu'elle gardait obstinément fermés. Et elle ne facilitait la tâche à personne, pour recevoir cette aide.

    Et puis, Liven reprit la parole. Les envies de meurtres qu'elle avait jugulée avec les autres abrutis ressurgirent au galop. Comment osait-il ? Comment pouvait-il se permettre de la provoquer ainsi ? Elle n'avait même pas conscience du fait qu'il ne faisait que se venger, de manière on ne peut plus légitime. Les sourcils froncés, la mâchoire serrée à l'extrême, elle le fixa, son regard plus sombre encore que d'ordinaire, si possible, brillant d'une étincelle rageuse. La strangulation. Non. Lui déchirer la trachée, ou la jugulaire, rien qu'avec ses dents... Lui sauter dessus pour l'égorger, diffuser un poison mortel préparé par ses soins - une fois le bon livre et les ingrédients trouvés, elle avait réalisé que ce genre de chose n'était pas bien difficile-... Son côté impulsif dans la tête, le sang battant violemment à ses tempes, elle tentait de reprendre son calme. Elle n'avait qu'une envie, le saisir par le col, et, une dague contre la gorge de Liven, lui ordonner de ne jamais plus recommencer. Elle n'en fit rien. Elle savait pertinemment que cela était totalement inutile, qu'il n'aurait aucun mal à riposter par la magie. Non, se calmant par un miracle - miracle en grande partie appelé Kiro -, elle se mit à réfléchir. Pourquoi diable réagissait-il ainsi ? Elle ne comprenait absolument pas. Un instant, l'idée qu'il fusse jaloux lui effleura l'esprit. Mais pourquoi ? Cette idée l'indignait : il n'avait, et il ne l'ignorait sûrement pas, aucun droit sur elle. Et donc, il n'avait pas à ressentir la moindre jalousie. Elle décida donc d'ignorer cette idée, inconcevable à son sens, et préféra penser qu'il n'appréciait pas ses méthodes. Elle continuait de ne rien comprendre à ce qui motivait ces paroles, qui n’avait d’autre but que la provoquer. Elle avait parfaitement conscience des tentatives de rapprochement de Liven à son égard, mais ne comprenait pas pour autant ce qui les motivait. De toutes façons, en connaître les raisons ne l’avancerait en rien. C’est pourquoi elle ne comptait pas lui poser de question par rapport à ça. Juste cette énigme de la confiance, mais elle verrait ça un peu plus tard. Pour l’instant, elle devait se concentrer sur sa mission, et rien d’autre ne devait compter.

    C’est pourquoi elle adressa un long regard, glacé et mortel, de l’ordre de ce regard de tueuse si cher à Liven, au blondinet, signifiant clairement qu’il l’embêtait, pour ne pas dire autre chose, profondément, et qu’elle n’aurait aucun remords à le tuer s’il continuait dans cette lancée. Pourquoi elle ne tentait pas de le tuer dans l’immédiat ? Trois raisons : d’abord, il était fort, et elle n’était pas certaine de sortir gagnante. Ensuite, il était son examinateur et, quand bien même elle le tuait, elle se voyait mal rentrer avec son cadavre… La dernière raison, et pas la moindre, était bien entendu le respect qu’elle portait au blondinet. C’est après ce regard, plus noir que la nuit la plus sombre, qu’elle repartit, tête haute, avec sa fierté hautaine habituelle. De nouveau, elle semblait la neutralité même, si l’on excluait bien entendu le mépris avec lequel elle regardait toutes choses. Et, de nouveau, elle était loin d’être aussi calme qu’elle s’efforçait de le paraître : bien au contraire, son sang bouillonnait toujours, et d’avoir dû faire face, s’approcher de ces cinq abrutis, et de la haine qu’elle ressentait envers elle-même pour avoir, chose qui la révulsait et l’écœurait au plus haut point, touché ses hommes, et enfin contre Liven, qui avait attisé sa rage avec son ironie qu’elle trouvait méprisable. Mépriser le jeune homme ? Non, elle n’y était pas. Pas du tout. Loin de là, même. En apprenant à le respecter, elle savait parfaitement qu’il était bien loin d’être un ange. Même s’il en avait la gueule, mais là, nous nous éloignons sur un sujet qui n’avait qu’à peine effleuré l’esprit de Rin, et qui ne l’intéressait pas du tout. Et donc, même s’il ne se montrait pas mièvrement gentil avec elle… En fait, elle préférait qu’il agisse ainsi plutôt qu’avec une mièvrerie ridicule.

    Elle fit un très léger détour pour atteindre le logis de sa cible. Isuzu craignait beaucoup que des amis du magas qu’elle devait tuer découvrent les corps des cinq ivrognes et fassent le lien avec une éventuelle prime sur la tête de leur acolyte… Et préviennent ledit acolyte. En plus de sa rage s’ajoutait donc l’angoisse de perdre son précieux effet de surprise. Elle savait qu’elle avait fait le bon choix mais, malgré son masque de glace, l’inquiétude demeurait. Etant donné qu’elle avait déjà auparavant parcouru presque toute la distance qui la séparait d’une nouvelle échappée à la mort, elle ne tarda pas à arriver devant l’immeuble où était censé se trouver sa cible. C’était un vieux bâtiment, qui ne semblait pas des plus luxueux sans être insalubre. Le genre de planque idéale, dans un sens, puisque le désaffecté était généralement le premier lieu auquel pensait les chasseurs. Une fois de plus, elle déduisit que cet homme devait être rusé. Et, quand bien même il était le plus fin des renards, elle allait se montrer plus fine encore. Elle se tourna vers Liven, juste devant la porte de l’immeuble, pour lui souffler quelque chose, de son habituel ton froid et dur… Si elle avait vraiment voulu se venger, elle ne se serait pas gênée pour négliger se détail. Oui, elle voulait se venger, mais elle ne rigolait pas avec ses missions. Et elle craignait que sa note pâtisse si elle ne le prévenait pas.


    " Si quelqu’un appuie sur la gâchette de mon colt, éloigne-toi absolument."

    Rien de plus, mais ce n’était pas à cause de balles perdues qu’elle demandait cela à Liven, car elle se doutait bien qu’il n’était pas stupide au point de rester à portée de balles… Non, c’était autre chose, de pas moins dangereux.. Et, indiquant ainsi et sans un mot qu’elle n’acceptait pas les questions, elle ouvrit la porte de l’immeuble. Comme elle s’y attendait, le hall était resté on ne peut plus banal. Rien n’indiquait qu’un habitant allait s’enfuir, et rien n’indiquait non plus qu’un traître habitait dans le bâtiment. Elle trouvait ces faux-semblant méprisables, écœurants à en vomir, et avait hâte d’en finir pour pouvoir sortir de cet endroit. Elle dépassa le premier étage pour s’arrêter au deuxième et, après avoir espéré un instant et une nouvelle fois, que rien ne viendrait gâcher son effet de surprise, elle tenta d’ouvrir la porte, avec une grande délicatesse. Bien entendu, et comme elle le supposait, elle était fermée. Elle fit alors la chose la plus simple au monde, pour elle. Non, elle ne lança pas de sort pour déverrouiller la porte comme l’aurait fait tout maga normalement constitué. Elle se saisit d’une aiguille, l’une de celles qu’elle avait utilisé contre le gang de pauvres crétins, et crocheta la serrure, comme si elle faisait la chose la plus naturelle au monde, qu’elle n’était pas en pleine violation de domicile. Après être certaine d’avoir déverrouillé la porte, elle la poussa légèrement, profitant de sa minceur pour se glisser dans le fin entrebâillement. L’homme lui faisait dos, et elle se demandait s’il était en conversation télépathique : immobile, il ne semblait pas avoir perçu sa présence. Si c’était le cas, elle aurait pu l’attaquer, rapidement, et le tuer tout aussi vite. A moins qu’il pensait qu’Isuzu pourrait être une bonne distraction, idée qui la mit dans une rage folle mais néanmoins maîtrisée à la perfection, faisant plus encore bouillonner son sang déjà bien chaud. A la place, elle se saisit de son colt et, comme si elle faisait la chose la plus naturelle au monde, de nouveau, elle le lança avec force vers le crâne de l’homme, afin d’être sûr que, si impact il y avait, il serait bien assommé et elle pourrait l’achever sans problèmes. Cela aurait été bien entendu bien trop simple. Ayant certainement lancé un sort d’hypersensibilité autour de lui, l’homme se retourna juste à temps pour saisir le colt. A tout les coups, il avait soigneusement calculé son effet. Il devait penser Isuzu stupide, même avec ses sourcils froncés et son regard de glace habituel, et Liven devait certainement se demander pourquoi, en sachant parfaitement que son adversaire était un danger, elle lui fournissait une arme supplémentaire… Mais Isuzu savait parfaitement ce qu’elle faisait.

    Car la chasseresse était loin d’être stupide. Et, si son plan, qui se basait sur la prétendue bêtise, fonctionnait, elle n’aurait aucun problème pour accomplir sa mission. Sinon, elle avait prévu des plans de secours. Pourquoi elle avait lancé son colt ? Pour ne pas se mettre stupidement en danger en l’attaquant de trop près, car elle ignorait s’il pouvait sentir ses attaques – et elle venait de se rendre compte que, certainement grâce à la magie, il le pouvait – et, si c’était le cas, dans quel rayon – visiblement, il n’était pas bien grand, un soucis d’économie d’énergie, peut-être ? Pourquoi elle n’avait, dans ce cas, pas préféré envoyer une dague en éclaireuse ? Parce qu’il serait infiniment plus intéressant que l’homme décide qu’il serait cruellement drôle de voir celle qu’il devait prendre pour une idiote au regard sombre tuée des balles de son propre flingue… L’arroseur arrosé, oui, en quelque sortes. Sauf que l’arroseur ne serait pas forcément celui auquel on penserait dans cette situation… Pas vrai, Isuzu ?
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    Le retour des habitudes pas si polissées que ça...[Terminé] Empty Re: Le retour des habitudes pas si polissées que ça...[Terminé]

    Message  Liven Reaves Sam 17 Oct 2009 - 13:54

    Un regard diabolique prêt à s'abattre avec pertes et fracas contre l'innocence incarnée d'un visage séraphique : tout un programme. Entre confrontation dantesque et châtiment céleste, la fureur de l'un se mesurait à l'impudence de l'autre. Et, au pinacle de cet affrontement eschatologique, alors que la brise frémissante retenait son souffle, dans le silence retentissant des dénouements tragiques, elle se détourna. Despotisme de l'orgueil qui abandonnait révérencieusement une victoire mesquine à l'absolutisme de la jalousie. Veule complaisance, triomphe dérisoire, doucereuse satisfaction et frustration alanguie... L'impénitent vainqueur savourait consciencieusement l'indicible revanche qu'il venait de remporter, plaisir inénarrable et illusoire qui camouflait ses craintes et ses blessures. Avait-il seulement conscience de l'iniquité de ses actes ? Pouvait-il se satisfaire des chimères qu'il s'inventait ? Fêlure invisible dans la sculpture de son contentement ou note dissonante dans l'orchestration experte de ses pensées ? Peut importait. Seule l'amertume persistait dans un coin de son cœur.

    Dans la joie et l'allégresse, les deux comparses se remirent donc en route en projetant chacun de se venger de l'autre dans la plus grande impunité. Joyeuses réjouissances en perspective n'est ce pas ?Mensonge... Contact d'une larme douce et froide sur sa joue, Liven leva les yeux vers les ténèbres du ciel, ne percevant que les gouttes éparses et timides de l'ondée passagère qui s'annonçait. Quelle était cette sensation ? Cet étrange malaise qu'il ressentait ? Cette impression d'étouffement que les lourds nuages sombres et oppressant au dessus d'eux n'expliquaient pas tout à fait ?A tout hasard, de la culpabilité ? Ridicule. Liven soupira, remontant machinalement les manches qui glissaient vers ses poignets tandis que distraitement, son regard énigmatique tombait sur Isuzu, silhouette élancée et altière dont les mouvements trahissaient la colère et l'appréhension malgré ses efforts. La prudence de sa démarche, la lenteur calculée de son pas, la vivacité de son regard...tout en elle exprimait la concentration et le savoir-faire. Errements indolents, pensées parasites : Était-ce vraiment pour juger de ses capacités qui l'observait avec cette acuité ? Il trouva refuge en détournant son attention sur l'immeuble vers lequel ils convergeaient. A quoi jouait-il ? Ce n'était pas le moment de se laisser aller à divaguer. La pluie s'intensifia alors qu'ils atteignaient pratiquement leur objectif, juste de quoi saupoudrer de gouttes cristallines et scintillantes leur cheveux et leurs épaules.

    Liven n'aimait pas cet endroit, un véritable coupe-gorge. Une seule entrée, encaissée dans un semblant de jardin autour de laquelle se dressait les bâtiments voisins. Si le rapport qu'il avait pris la peine de lire mentionnait une autre ouverture à l'arrière, les fenêtres petites et munies de barreaux sur les deux premiers étages n'étaient pas pour le mettre en confiance. Dès l'instant où ils se trouveraient à l'intérieur, ils seraient pris au piège si les choses venaient à mal se passer. Un chien se mit à aboyer au loin tandis qu'un autre lui répondait du troisième étage. La tension de la jeune femme était nettement perceptible. Il la comprenait. Il la partageait. Ils longèrent le mur, avançant rapidement pour ne pas se faire remarquer avant de parvenir à la porte principale. Liven abandonna son attitude nonchalante pour adopter son air habituelle d'impassibilité soucieuse. Isuzu serait-elle capable de s'attaquer à un si gros poisson et de s'en tirer sans dommage ? Il se rasséréna, il lui faisait confiance. Ne lui avait-il pas juré intransigeance et impertinence jusqu'à la fin de cette mission ? Il n'allait pas abandonner son rôle de tortionnaire sarcastique pour des doutes insidieux. Elle se retourna, s'adressant à lui comme à l'accoutumée, comme si leur querelle n'avait jamais eu lieu.


    " Si quelqu’un appuie sur la gâchette de mon colt, éloigne-toi absolument."

    Liven lui lança un regard interrogateur mais elle se détourna sans en dire plus, poussant doucement le battant de la porte et s'engouffrant à l'intérieur. Qu'avait-elle en tête ? Une révélation apparut soudain au jeune homme : elle avait un don inégalé pour attiser sa curiosité. A croire qu'elle était allergique à la banalité et ne pouvait agir qu'à la condition que ce fut indépendamment de la plupart des gens. Pour une fois, il lui fit grâce des répliques sarcastiques dont il avait le secret et s'occupa beaucoup plus sérieusement d'ériger un faible bouclier magique autour de sa personne. Il ne pensait pas en avoir besoin mais on ne savait jamais. Ils montèrent les deux étages en passant par la cage d'escaliers, essayant tant bien que mal de limiter l'écho de leurs pas sur le carrelage. En temps normal, un sort aurait rempli cet office pour eux mais Liven n'oubliait pas sa position de simple spectateur. Il devait mettre de côté ses habitudes et laisser le champs libre à Isuzu. Nul doute qu'elle considérerait la moindre ingérence comme un affront innommable. Inutile de la provoquer outre mesure si ce n'était pas pour s'en amuser. Parvenus devant la porte d'un appartement, la jeune femme entreprit de crocheter la serrure sous le regard narquois de son examinateur, adossé au mur d'en face. Quel risque inutile ! Elle comptait tomber en plein dans la gueule du loup où quoi ? Quand bien même ils n'étaient pas attendus, ce n'était pas une raison pour débarquer par le chemin le plus évident et, naturellement, le plus surveillé. C'était tellement aberrant qu'il n'était pas loin de penser que ce fut intentionnel. Que cherchait-elle à faire au juste ? Pourquoi avait-il un mauvais pressentiment ?

    Isuzu s'engouffra aussi fluidement que possible par le maigre entrebâillement de la porte une fois qu'elle l'eut ouverte. Les lumières étaient éteintes mais la silhouette d'un homme se détachait sur la l'éclairage bleutée qui provenait des fenêtres...juste un coup d'œil... Véloce, Liven s'adossa à l'autre mur, à quelques centimètres de la porte, s'avançant juste assez pour observer la scène du coin de l'œil. Un profil qui ne passerait certainement pas inaperçu à leur ennemi s'il lui venait l'idée de se retourner puisque son ombre se découpait nettement sur le mur du couloir éclairé. Pas de comité d'accueil ? Avait-il suffisamment confiance en lui pour leur faire face seul ? Il sentit Isuzu bouillonner juste de l'autre côté de la porte. C'était mauvais. Elle devait rester calme, une erreur lui serait fatale. La main de Liven se posa sur l'arme qu'il avait passée dans son dos, il se tenait prêt à intervenir si besoin était. Soudain, elle fit la chose la plus surprenante qu'il pouvait attendre d'elle. Cette fois c'était sûre, elle était cinglée, inconsciente et suicidaire ! Pourquoi lui balancer son flingue ? Si elle lui avait tiré dessus il n'aurait sans doute pas eu le temps de réagir. Et surtout : pourquoi lui donner une arme supplémentaire ? Une hypothèse scabreuse se glissa brusquement dans l'esprit de l'ancien chef des chasseurs de primes.

    L'homme auquel ils avaient à faire n'était pas tout à fait un inconnu de l'ordre des crapules qu'ils traquaient d'ordinaire. C'est aussi ce qui le rendait si dangereux, et la prime, si élevée. Vincent Dagenhall... Vingt-sept ans, célibataire, un mètre quatre-vingt douze pour quatre-vingt cinq kilos, et surtout : ex-chasseur de prime d'élite. Liven l'avait bien connu, ils avaient tous les deux brigué le poste de chef peu après qu'il eut rejoint la guilde. Sa nomination en avait fait l'un de ses plus fervents détracteurs, un opposant de taille et plus expérimenté que lui. Mais au delà de toute lutte de pouvoir, comment leur cible d'aujourd'hui pouvait être leur collègue d'hier ? L'explication était écœurante de simplicité. Ambitieux, Vincent avait su profiter à merveille du chaos généré par l'invasion vampirique. Oh ! Les suceurs de sang avaient bien préféré un pantin plus docile pour reprendre le rôle de chef que Liven avait été « officiellement » contraint d'abandonner. Mais ce traître n'avait eu aucun mal à se glisser dans le rôle de second de la guilde et d'ourdir dans l'ombre toutes les recherches visant à éliminer Liven par des chasseurs de primes pour le compte de leurs sympathiques envahisseurs. C'était lui qui avait été à l'origine, entre autre, de l'ordre de mission d'Isuzu lorsqu'elle avait failli l'assassiner au lendemain de l'attaque dans cette piteuse bicoque où le jeune homme s'était réfugié. Il s'agissait certes d'une mission, mais surtout d'une vengeance personnelle pour elle, Liven le savait. De plus, ce n'était pas tout à fait par hasard s'il s'était empressé de se porter volontaire pour la superviser. De tous les traîtres de la guilde qui, en plus d'obéir aux immortels, s'étaient empressés de leur donner satisfaction, quitte à prendre des initiatives, Vincent était le dernier qui n'avait pas été capturé ou exécuté.

    Quoiqu'ait pensé Isuzu, le fait est que son adversaire se retrouvait maintenant armé et que, par la même occasion, elle ne l'était plus. Bien sûr, il eut été réducteur de songer qu'Isuzu s'en retrouvait pour autant démunie. Mais alors qu'attendait-elle pour attaquer s'il s'agissait de son plan ? Pourquoi restait-elle immobile dans l'entrée à quelques mètres à peine de celui qui, ayant rattrapé l'arme au vol, la braquait sur elle en donnant le sentiment évident qu'il savait s'en servir et qu'il en avait d'ailleurs l'intention. Liven dégaina, gardant son arme baissée au niveau de sa hanche pour qu'Isuzu n'en sache rien au cas où elle s'offusquerait de sa prudence. Il savait bien qu'il ne devait pas intervenir. Il était parfaitement conscient du fait que ce qui se jouait ici concernait avant tout les deux belligérants à l'intérieur de l'appartement. Néanmoins, il ne pouvait empêcher son cœur de se serrer d'angoisse à l'idée que l'attitude d'Isuzu ne la mette terriblement en danger. Malgré tous ses efforts, il ne la laisserait pas mourir ce soir. Se rendait-elle vraiment compte qu'elle s'attaquait à un magas expérimenté ? Liven hésitait. Devait-il vraiment rester en retrait ? Et que se passerait-il si la confiance qu'il lui accordait était exagérée ? Si Isuzu manquait son coup ? « Si quelqu'un appuie sur la gâchette de mon colt, éloigne toi absolument. »... Qu'était-elle aller trafiquée sur son arme ? Si elle était prête à parier sa vie sur ce coup de poker, Liven était-il prêt à la laisser faire ? Un soupir, suivit d'un sourire moqueur, Vincent ne semblait pas pressé d'achever Isuzu d'une de ses propres balles.


    - Allons Liven, tu m'envoies des petites filles qui espèrent me tuer en me balançant leur jouet à la figure ? Je comprends pourquoi on t'a viré de la tête de la guilde.

    Liven tourna la tête, scrutant le visage obscur de Vincent au-dessus de l'épaule d'Isuzu.

    - Je ne suis là qu'en observateur, pose-lui donc la question.

    - Ça risque d'être difficile, elle ne vivra pas assez longtemps pour ça.

    Un homme enfonça la porte à la droite d'Isuzu, la saisissant à la gorge et la plaquant au mur, lui retenant les mains par celle qu'il avait garder libre. De toute évidence, Vincent s'était attendu à avoir de la compagnie et s'était entouré en conséquence. Pouvait-on en déduire qu'il y avait eu des fuites à la guilde ? Leur cible n'allait pas attendre tranquillement la mort par strangulation d'Isuzu, il utilisa un sort pour disparaître au travers du plancher. Visiblement la fuite lui semblait être une meilleure option. Liven enrageait, et dire qu'il allait peut être leur filer entre les doigts parce qu'il devait laisser Isuzu s'en charger ! Une nouvelle fois, il fut tenter d'intervenir mais dans un but beaucoup moins louable que secourir sa protégée. D'ailleurs, en parlant d'elle, il la fusilla du regard, ne prêtant pas la moindre attention à son agresseur.

    - Tu comptes t'amuser avec lui encore longtemps ?

    La rapidité des évènements révélait d'elle-même l'injustice de ses propos. Isuzu était parfaitement capable de se débarrasser de ce nouvel adversaire en un rien de temps. Encore fallait-il que Liven lui laisse le temps d'intervenir justement. Son inquiétude principale était que s'ils échouaient ce soir, Vincent aurait alors la possibilité de quitter la ville et de se réfugier chez ses anciens maîtres. Il n'y avait pas de temps à perdre. Il ne restait plus qu'à voir comment la jeune femme allait réagir sous pression.
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    Message  Isuzu Kamageta Lun 8 Fév 2010 - 19:56

      Rage. Elle s’insinuait, serpentait dans ses veines, et ne ferait que grandir au fil du temps. Elle aurait pu la déstabiliser, lui faire perdre le contrôle d’elle-même. Mais Isuzu avait la curieuse aptitude de bouillonner au plus profond d’elle-même tout en gardant une part de sang froid, de rager sans se laisser emporter par sa colère, ou presque. Il y avait bien entendu des choses qui la mettait tellement hors d’elle qu’elle ne pouvait plus se contenir. Mais, et malgré les raisons macabres qui lui avaient fait choisir cette profession plutôt qu’une autre, elle avait également un certain sens du devoir. A partir de cela, elle maîtrisait parfaitement ses émotions lors de ses missions. Et jamais elle ne manquait de calmer sa propre colère, car celle-ci ne devait absolument pas nuire au bon déroulement de sa tâche. De plus, elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même, dans le cas présent : elle faisait exprès de se donner l’air idiote, ou parfaitement inconsciente, l’air d’une débutante, d’une incapable. Liven se demandait certainement à quoi elle jouait. Ce n’était pas pour autant qu’elle allait le prendre à part pour lui dire qu’elle maîtrisait parfaitement les choses. Non, il était trop tard. Et puis, pour son plan, il valait peut-être mieux qu’il ne sache rien. S’il avait été au courant, il l’aurait certainement arrêtée tout de suite. Car elle savait qu’elle prenait énormément de risques. Mais, ne maîtrisant pas suffisamment la magie, elle n’avait pas beaucoup d’autres solutions. Advienne que pourra. La plus grande qualité de son plan était justement qu’elle n’était pas sans ignorer le grand nombre de risques qu’elle courrait : ainsi, tout ses sens étaient en alerte, et elle se préparait à absolument tout.

      C’est pourquoi, quand elle entendu un grand bruit sur son côté droit, elle retint automatiquement sa respiration. Grand bien lui en fit car la voilà déjà plaquée au mur, les mains immobilisées. Bien sûr, elle était embêtée de ne pas pouvoir s’en servir. Mais d’un autre côté, ce n’était pas comme si cela l’empêchait de se défendre. C’était comme la pression exercée sur sa gorge : si elle était gênante, ce n’était pas elle qui l’empêchait de respirer pour l’instant. Elle sentit plus qu’elle ne vit sa cible disparaître peu à peu. Et la remarque de Liven ne fit qu’accroître sa rage. S’amuser… Comme si elle avait l’air de s’amuser… Isuzu aurait frappé le jeune blond à l’instant si elle ne devait pas être aussi concentrée pour pouvoir s’en sortir et, surtout, si ses foudres n’étaient pas toutes entière dirigées vers sa cible. Avant que la pauvre personne qui s’était chargée de s’occuper d’elle n’ai eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait, voilà que la jeune femme l’avait expulsée contre le mur d’en face à l’aide de ses pieds et, profitant du fait qu’il soit légèrement sonné, lui avait flanqué un atemi dont il saurait très certainement se souvenir. L’envoyer vers les étoiles semblait préférable à la jeune femme : il n’était pas sa cible et devait très certainement être grassement payé pour ce qu’il faisait là. Le tuer était inutile puisqu’elle ne reconnaissait pas son visage comme l’un de ceux dont on réclamait la tête. Et donc, prenant beaucoup moins que dix secondes pour regagner un peu son souffle, la demoiselle se posa une question : qu’aurait fait Liven si jamais elle était tombée, si elle n’avait pas dû se défendre ? Peut-être se serait-elle sérieusement posé la question si jamais il ne l’avait pas énervée un peu plus tôt. Mais là, elle préféra l’ignorer. Officiellement, elle se targuait en elle-même de désirer rien de plus que la mort de l’autre ordure : donc, elle aurait espéré que Liven le poursuive. Officieusement… C’était plus confus. Trop confus. Tellement qu’elle était presque contente qu’il l’ait énervée pour pouvoir éviter d’y songer de trop près.

      Après cette petite poignée de seconde qui ne lui suffit pas vraiment pour se remettre totalement mais elle savait qu’elle s’en accommoderait, la demoiselle sortit en courant, sans un mot, sans un regard pour Liven. Seule comptait sa cible. Elle ressentait son aura. Il n’était pas encore bien loin, elle en était sûre… Elle descendit un étage à vitesse éclair, visiblement pas le moins du monde gênée par ses talons. Puis elle jugea que ses jambes ne la menaient pas assez vite. Alors, histoire de gagner quelques petites secondes, qui lui seraient cruciales par la suite, elle n’hésita pas une seule seconde. Un étage n’était pas trop haut, songeait-elle. Et elle s’était entraînée. Alors elle bondit par-dessus la rambarde, espérant bien que personne ne passe en dessous d’elle à ce moment. Son entraînement mit à profit, sa réception, genoux fléchis et mains devant elle pour s’appuyer au sol au cas où elle en eut besoin, fut parfaite. Peut-être utilisait-elle la magie pour de telles prouesses mais, si c’était véritablement le cas, c’était infime et elle ne s’en rendait même pas compte. Plus appuyée sur la pointe des pieds que sur ses talons, la hauteur qu’elle avait infligée à ceux-ci ne la gêna pas le moins du monde, et ne faisait qu’en ajouter au spectaculaire de son action. Mais elle n’avait rien fait de cela pour impressionner son examinateur, non. Elle était toute entière concentrées sur la cible qu’elle devait atteindre. Il l’avait sous-estimée, il allait le payer au prix fort… Elle se releva donc bien vite et courut vers la porte arrière, non loin de laquelle elle sentait l’aura de sa cible. La gorge en feu à cause de cette course folle, elle le retrouva enfin à l’arrière du bâtiment, là où il comptait se sauver. Si elle s’inquiétait pour Liven ? Pas du tout. Elle était persuadée qu’il réussirait sans problème à la suivre. Et puis, s’il n’y arrivait pas, ce ne serait pas plus mal. Parce qu’elle avait très peu apprécié la remarque. Isuzu, rancunière ? Vous n’osez pas vous imaginer à quel point…

      Visiblement surpris de la revoir – elle était censée être une parfaite midinette totalement stupide et incapable de se défendre, souvenez-vous en-, sa cible dû décrété qu’Isuzu avait fait suffisamment mumuse. Alors, avec une expression où l’altier luttait à l’exaspéré, il tira, tout simplement. Avec le flingue de la demoiselle qu’il avait conservé, certainement car il pensait qu’avoir une arme supplémentaire l’avantagerait. Et Isuzu s’effondra. Le terme plus exact serait en réalité « se jeta en arrière ». Car aucune balle ne partit, bien qu’elle souhaitait en donner l’impression. Elle s’était délibérément jetée en arrière, donc, sans la moindre douceur et après avoir attendu une fraction de seconde, le temps pour une balle de traverser la distance qui la séparait de sa cible, et ce après avoir fait bien attention à l’endroit que visait l’homme. Le front. Bien sûr qu’elle aurait pu éviter la balle imaginaire, ou tenter de. Mais tout son plan reposait là, sur sa prétendue mort. Elle ralentit donc le mieux qu’elle pu son rythme cardiaque, ce qui était loin d’être aisé vu la course folle qu’elle venait de subir et surtout, le fait qu’elle avait bloqué sa respiration à partir du moment où l’homme avait appuyé sur la gâchette. A l’ouïe du claquement sinistre que fit son arme, elle était certaine que la manœuvre l’avait détruite. Bien sûr qu’elle lui avait coûté cher, tout comme ce qu’elle avait mit à l’intérieur. Mais elle avait beaucoup d’argent de côté et serait sans doute largement assez payée pour cette mission pour compenser cette perte. Elle ferma par ailleurs les yeux, histoire de ne pas se trahir par un mouvement de cils. Pardon ? Ce qu’elle était allée trafiquer sur son arme ? J’y viens, j’y viens.

      Isuzu avait parfaitement conscience que son plus grand handicap résidait dans son obstination à ne pas travailler la magie, à ne pas s’en servir. Tout serait bien plus simple si elle n’avait pas prise cette décision, bien sûr, mais elle se tenait à ce qu’elle choisissait. Elle avait donc dû chercher bien des solutions pour compenser ce manque évident. Elle avait trouvé les poisons, les drogues telles que celle qu’elle avait employée sur les cinq saoulard un peu plus tôt. Mais pour les utiliser, elle avait un besoin impérieux de se situer près de sa cible, tout contre sa cible… Ce qui était exclu dans le cas de l’homme qui venait de la « tuer ». Non seulement elle était examinée, ce qui excluait cette option, mais en plus, aussi comédienne fut-elle, elle se sentait parfaitement incapable de jouer un rôle aguicheur pour cette homme. Non, lui n’aurait droit qu’à sa rage. Sa rage qu’elle s’efforçait de contenir alors qu’elle restait étendue sur le sol, sans la moindre pensées pour ses vêtements qu’elle salissait sans aucun doute. Il lui avait donc fallut trouver une autre solution. Recherches acharnées en découlèrent. Et finalement, presque miraculeusement, elle y parvint. Elle dû jouer de tout le relationnel, et même du prestige quelque peu macabre, dont bénéficiaient les chasseurs de primes pour finalement se faire voler. Elle avait payé une petite fortune pour… Un gaz. Un gaz, oui. Inodore, incolore, c’était l’outil parfait si l’on trouvait une solution pour le propager sans que son adversaire ne s’en rende compte. Et c’était ce qu’elle avait fait : elle avait prit le risque de détruire son colt pour que le gaz en sorte, plutôt qu’une balle.
      Le plus grand désavantage d’une arme pareille, c’était qu’elle pouvait facilement se retourner contre soi. C’est pourquoi Isuzu avait appris à retenir sa respiration dans des conditions extrêmes. Elle avait par ailleurs appris à doser ce gaz : ainsi, pour un homme avec une carrure telle que celle du traître, elle devait en utiliser bien plus que pour sa frêle silhouette. Elle avait bien entendu sur-dosé, histoire d’être sûre que le poison fasse vraiment effet. Elle devait normalement attendre vingt secondes avant qu’il ne s’évapore complètement. Elle préférait en attendre trois supplémentaires. Et il mettait vingt quatre secondes à agir à partir de la première inspiration - c'est à dire que l'homme, qui avait très logiquement inspiré le gaz alors qu'elle s'effondrait et cessait de respirer, verrait les effet de celui-ci une seconde après que la demoiselle se soit relevée. Son action ? Il désorientait. Et plus encore pour la magie. C'est-à-dire qu’en plus de perdre en reflexe, son adversaire serait dans un état de confusion interne qu’il ne percevrait qu’à peine et qui l’empêcherait d’utiliser la magie correctement, et sans dangers pour lui-même. Isuzu savait qu’il ne pourrait que respirer le gaz. Même s’il se rendait compte que quelque chose clochait, il en aurait forcément inspiré un minimum.

      La jeune femme devait se concentrer sur les chiffres pour ne pas agir, ne pas bouger. Elle n’était que trop tentée de bondir sur l’assoiffé de pouvoir qu’elle pourchassait. Mais elle ne devait pas. Surtout pas. Alors, elle se concentrait sur les chiffres, tout en retenant sa respiration. Il lui semblait sentir du mouvement. Sa cible devait être occupée. Liven avait sans aucun doute suivi la jeune fille qu’il devait évaluer. La pensée qu’il risquait de lui reprocher le fait que sa cible aurait très bien pu s’enfuir pendant qu’elle jouait la morte se disputait à son compte à rebours, essentiel au bon déroulement de sa mission. De toute façon, elle pourrait lui rétorquer qu’elle aurait trouvé une autre solution si elle n’avait pas eu d’examinateur avec elle. Elle comptait bien sur la diversion occasionnée par sa simple présence. Une nouvelle fois, si jamais il le lui reprochait, elle répliquerait qu’elle se devait de prendre tous les paramètres sur le terrain en compte pour les tourner à son avantage. Même si sa conduite semblait hasardeuse, elle savait parfaitement ce qu’elle faisait, du début à la fin. Et une fois encore, s’il se plaignait, elle répondrait qu’en tant qu’examinateur, il devait parfaitement savoir se défendre. Enfin, elle n’était pas garde du corps mais chasseuse de prime, et sa mission ne consistait pas à protéger Liven mais à éliminer un traître. De toute façon, l’audace était une chose importante, non ? Son plus grand acte suivant cette direction, c’était le pari aux premiers abords insensé de s’élever au plus haut dans la hiérarchie de la guilde sans utiliser la magie. Après tout, dans un monde magique, rêvé, on pourrait penser qu’il faut être fou pour ne pas le faire. Bien sûr il y avait ceux qui ne pouvaient pas l’utiliser. Mais elle en avait les capacités. Elle s’y refusait juste. Elle aurait pu être très forte si elle s’était donné la peine de la travailler un peu. Mais ce n’était même pas le travail, le sérieux qui lui faisait défaut. Une fois encore, c’était le fait que Kôdaï, qui était somme toute comme elle, ne pourrait jamais l’employer. La magie était proscrite, c’était tout. Et à ceux qui lui demandaient une explication, elle n’en donnait tout simplement pas. Comme bien d’autre chose, c’était un secret qu’elle comptait gardait scellé au plus profond de son cœur en lambeaux.

      L’heure n’était cependant pas à la réflexion. Les vingt quatre secondes étaient écoulées. Elle se releva d’un bon, prenant à peine le temps de reprendre sa respiration, le regard brûlant et, profitant et de l’effet de surprise et de la confusion que les sens de son adversaire devraient subir d’ici à ce qu’elle arrive jusqu’à lui, elle visa son plexus avec son pied droit. Il l’arrêta juste à temps, sans la bloquer. Même avec ce qu’elle lui avait infligé, il semblait être à la hauteur… Peut-être tenta-t-il un sort, elle n’en savait rien car il n’en laissa rien paraître. Toujours est-il qu’elle tira une dague, en miroir de cet homme dont elle rêvait de se venger, bien qu’elle savait pertinemment qu’elle n’y trouverait pas l’accomplissement qu’elle recherchait dans son meurtre. Les choses sérieuses, une danse aussi sauvage que sanglante, allaient enfin pouvoir commencer… Ce n’était que maintenant que la bataille commençait réellement, et non pas quand elle lui avait jeté son colt à la figure, ou quand il lui avait tiré dessus une balle-leurre. Car en effet, elle avait tout planifié depuis le départ : si elle avait agit visiblement stupidement, ce n’était pour nulle autre raison que d’avoir l’air d’une cible facile. Et si elle avait donné l’impression qu’elle était morte, c’était pour ne pas risquer de s’handicaper elle-même avec ce qu’elle avait fait pour faire perdre l’avantage cruel de la magie à son adversaire.
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    Message  Liven Reaves Lun 8 Mar 2010 - 18:56

      Il la détestait.
      Violence d'un sentiment qu'il se contentait d'éprouver à défaut de le comprendre, comme si les mots seuls ne pouvaient suffire à en expliquer la complexité, à en décrire l'intensité tyrannique, à justifier son existence injuste. Exécration infondée qui ne faisait que croitre à mesure que l'impatience le dominait, comme un enfant dont le caprice ne se trouverait pas immédiatement satisfait et qui ne porterait alentours qu'aversion maladive et égoïsme despotique. Que se croyait-elle permis ? Comme si elle avait droit à cette colère qu'elle contenait avec une peine visible, à cette impulsivité qu'elle maîtrisait à grand renfort d'un sang-froid toujours poussé à sa limite, à cette imprévisibilité qui la caractérisait et à laquelle il ne se ferait sans doute jamais. Après tout, le dérapage de cette mission ne devait-il pas lui incomber ? Prise de risque inutile, stupide provocation du danger, incertitudes irréfléchies... Des actes irrationnels qui n'étaient parvenus qu'à menacer sa vie et le succès de sa mission. Double crime, insolente irresponsabilité, impardonnable constat qui émiettaient les restes d'une confiance devenue exsangue. Agacement brutal et irritant qui le saisissait et ne se montrait que d'autant plus insupportable qu'il était parfaitement incapable d'y mettre fin. Pourquoi cet emportement soudain ? Cette colère sourde et brutale qui le saisissait alors même qu'il voyait sa protégée neutraliser son adversaire ? Parce qu'il savait au fond de lui qu'elle n'en était pas le véritable objet de son ire exacerbée, parce qu'il était beaucoup plus facile de s'en prendre à elle plutôt que de prendre ses propres responsabilités. A partir de quel moment pourrait-il considérer qu'il était de son devoir de mettre fin à l'examen pour reprendre son rôle de chasseur et achever lui-même cette mission ? Honnêteté était un vain mot à ses yeux dont le sens avait été oublié depuis longtemps mais s'il avait du en faire preuve en cet instant, naïfs espoirs et candides errements, il aurait reconnu que son empathie n'était dirigé que vers lui même. Il n'aurait jamais du venir l'évaluer.

      - Ne me déçois pas.

      Tintement sec et froid de sa voix alors qu'elle passait près de lui pour ensuite s'élancer dans le couloir à pleine vitesse, menace explicite et aveu colérique. Qu'elle ne fasse encore qu'une erreur et elle n'aurait pas d'autres chances de prouver sa valeur. Qu'il juge la situation trop critique et il reprendrait les reines. S'il se préoccupait de savoir ce qu'elle en penserait ? Comme s'il avait le temps pour ces futilités, comme s'il n'était pas capable de se montrer digne de ses obligations, de s'amender de ses responsabilités. Peut être était-elle suicidaire ? Il n'en avait que faire, il était aussi là pour garantir qu'elle restât en vie. Peut être était-elle tout simplement inconsciente mais douée ? La barbe du talent si c'était pour le gâcher trop jeune. Peut être voulait-il la protéger ? Au diable ces considérations. Qui se souciait de connaître la vérité ? Soyons honnêtes puisqu'il refuse de l'être même envers lui même, de s'avouer cette dérangeante vérité. Les portes des locataires s'ouvraient au bruit de leur course qui, il faut bien l'avouer, n'était guère discrète, laissant apparaître des visages étonnés ou effrayés. Liven se faisait distancer sans mal, la jeune femme possédait une détente de sprinteuse qui élargissait constamment l'écart les séparant. Il ne s'en trouvait que d'autant plus irrité, comme s'il avait en plus besoin que ses dispositions physiques lui fassent défaut. En l'occurrence son endurance mainte fois éprouvée ne lui était d'aucun secours. Son corps amaigri par un an de privation, taillé pour les duels magiques, pas tellement pour les affrontements à mains nues et certainement pas pour la course, révélait bien vite ses limites en pareilles circonstance.

      Il parvint à l'entrée de la cage d'escalier quand elle achevait de descendre la première volée de marche. Trêve d'hésitation. Isuzu avait certes le don de brouiller les pistes mais Vincent avait le contrôle de la situation et cela constituait une information dangereuse en soit. Il n'avait pas besoin de tergiverser. N'avait-il pas commis suffisamment d'erreur lui même ? Il était grand temps de mettre fin à cette folie pendant qu'il le pouvait encore. Pendant qu'il maîtrisait encore un temps soit peu la situation. Non, il n'aurait pas du l'évaluer. Il avait échoué à se montrer impartial. Il ne réalisait que maintenant à quel point son opinion sur la chasseuse était pétri d'impressions personnelles, de sentiments contradictoires, de point de vu subjectifs. Il se refusait même à envisager la possibilité qu'elle échoue. Non, elle ne pouvait pas échouer. Elle n'avait pas le droit d'échouer. Et malgré tout, il ne cessait de se heurter à l'appréhension grandissante qui naissait au fond de son ventre, pressentiment néfaste qui sonnait l'avènement d'une crainte aussi odieuse qu'insidieuse. Il ne pouvait...non...il ne voulait pas prendre le risque. Il n'accepterait pas de la voir blessée ou tuée parce qu'il n'aurait pas réagi à temps, parce qu'il ne l'aurait pas retenu. Il ne pouvait pas supporter l'idée seule que ce fut de sa faute. Attachement intime dont il appréhendait seulement les contours, culpabilité sublime qui affolait ses réflexions, empressement pusillanime qui trahissait ses émotions.

      - Isu...

      Il écarquilla les yeux. Elle n'allait tout de même pas... ? La jeune femme venait de s'immobiliser, posant ses deux mains sur la rambarde, maintenant ses muscles dans une tension qui laissait parfaitement présager du sort cruel qu'elle leur réservait. Elle sauta dans le vide. Un vide de plus de quatre mètres pour être précis.

      **Si elle ne meurt pas je vais la tuer.**

      Vœu pieu dont l'exagération seule figurait l'indice de son angoisse. Il rejoignit l'endroit qu'elle venait de quitter, se prépara à l'imiter, réalisant qu'elle avait survécu à son inconscience. Pour combien de temps encore ? Jusqu'à quand frôlerait-elle la mort en toute impunité ? Il posa son pied sur la rambarde lorsque le déchirement d'un coup de tonnerre à ses tympans le ramena brutalement à la réalité. La journée avait été pluvieuse et sombre, la nuit se réservait à l'orage, le matin se profilait encore incertain. Une analogie insigne, un temps qui présageait de tant. S'il sautait, Liven pouvait être sûr de se casser quelque chose, à moins d'utiliser la magie mais dans le pire des scénarii possible, il aurait à affronter Vincent et l'expérience le lui ayant déjà démontré, il aurait besoin de toute l'énergie possible. Il était innenvisageable qu'il soit ainsi mis en défaut parce qu'il aurait imité l'imprévisibilité irresponsable d'Isuzu.

      - Et merde !

      Il reprit sa course, se mettant à descendre à toute allure les escaliers, sautant quelques marches pour réduire le temps qui lui restait à franchir cet obstacle. Et ce sentiment qui se renforçait de seconde en seconde, qui l'envahissait, qui le terrassait aussi régulièrement que croissait l'intensité de la pluie qui résonnait contre les vitres ruisselantes. Les choses allaient mal tournées, il le sentait. Il devait impérativement arrivé à temps, ne serait-ce que pour la retenir elle, pour éviter à son angoisse de se réaliser. Liven se trouvait déjà essoufflé, incapable de gérer correctement sa respiration dans cette précipitation stressante à laquelle il était soumis. Il n'avait que cet impératif à l'esprit, conscient que tout se jouait alors même qu'il restait en retrait. Une impuissance rare, une crainte mortelle, un espoir désespéré... Plus que quelques marches, il allait y parvenir. Il voyait la lumière que découpaient les éclairs sur le carrelage puisque la porte avait de toute évidence été laissée ouverte quand bien même le mur la lui cachait encore. De toute façon, elle ne pouvait pas échouer. Elle ne devait pas. Il ne pourrait pas...

      Liven s'arrêta. Non. Tout s'arrêta. Figé dans un silence que lui seul peut être pouvait percevoir. Il n'entendait plus la pluie battre contre les carreaux, les battements de son cœur tambouriner dans sa poitrine et le sang dans ses oreilles, le souffle de sa respiration qui s'était suspendue, le dernier coup de tonnerre, comme un écho moqueur et méprisable de ce son porteur d'un message odieux et inavouable... La main sur la rambarde alors qu'il venait d'atteindre les dernières marches se serra jusqu'à ce que les articulations blanchissent. Non. Ce coup de feu... Il s'élança. Son cœur s'est accéléré par la course, affolé par l'angoisse, emprisonné dans le carcan de son dénie. Non. Celui qui lui abandonne piteusement l'espoir, celui qui lui permet de ne pas perdre pied. Non. Il parvient à la porte arrière, s'avance indifférent sous le déluge, s'immobilise après seulement quelques pas. Non. Comme si le nier pouvait suffire à en supprimer la réalité. Comme si son regard défait, perdu dans la douleur pouvait à lui seul effacé ce qu'il voyait. Car non. Ce n'était pas elle qui tenait triomphalement cette arme. Ce n'était pas elle qui le regardait avec cet insigne plaisir, le narguant avec la saveur de la vengeance inscrite sur le visage. Non. Ce n'était pas elle non plus qui se tenait allongée dans cette cours, le visage recouvert en parti par ses court cheveux noirs que la pluie avait tôt fait de trempé. Non. Elle ne pouvait pas. Elle n'avait pas le droit... Elle...

      Il la détestait.
      Vide. Non. Douleur. Non. Haine. Oui, de la haine. Ce magnifique sentiment, épuré, vierge de toute hésitation, de tout remord, de toute raison. Pourquoi ne l'avait-elle pas attendu ? Pourquoi lui avait-il fait confiance ? Pourquoi ne s'était-elle pas méfié ? Pourquoi... ? Elle... Isuzu... Nom qui déchire, qui met à nu une blessure. Souffrance. Non. Abandon. Peut être bien les deux. Amères regrets relevés de la profonde meurtrissure. Elle... Un instant. De silence. Sans mouvement. Réalise-t-il ? Il est perdu. Il a mal. Tellement mal. Qui a-t-il à chercher ? Que veut-on comprendre à cela ? Oh ! Comme il la déteste. De lui faire subir ça. Comme il aurait aimer la détester plus longtemps. Elle n'a pas le droit. Pas ainsi, pas maintenant, pas par sa faute... Il ne pouvait pas le lui permette. Que se permettait-elle ? Non. Elle ne se permet plus rien. Elle... Isuzu. Que de souffrance. Elle est morte. Vacillement, il s'avance, s'immobilise. Il n'y a rien à dire. Il n'y a plus rien à faire. Il s'était affaissé. Imperceptiblement. Il se redresse. Si. Il va le tuer.

      Juste un regard, d'un bleu si pur qu'il semble être la quintessence de la rage, qui se perdait sous les mèches trempées devenus d'un blond terne tutoyant le châtain, d'où ruisselaient les gouttes cristallines de la pluie ou de la tristesse. Promesse non formulée, qui le dépassait lui-même. Liven matérialisa le sort immédiatement, Vincent avait compris. Aucun d'entre eux ne s'attendait à ce qui allait se passer. A trois mètres de là, bien à l'écart de l'endroit visé et qui n'était autre que la détestable petite ordure qui avait osé prendre la vie d'une personne qui lui était chère, le mur implosa littéralement, envoyant les gravats ricocher sur le ciment froid de la cours. A même le sol, bien à l'écart de l'endroit visé et qui n'était autre que sa petite personne, Vincent vit un bouclier de forte intensité entouré la jeune femme qu'il venait de tuer. Enfin... théoriquement. Que ce passait-il ? La vision de Liven se fit trouble par instant, il voulut retenter un sort d'attaque mais tout ce qu'il parvint à faire fut d'envoyer une violente vague d'eau contre un autre mur, bien loin de sa cible. Qu'est ce que...? Ses idées s'embrumaient, il ne comprenait pas, n'était plus sûr d'être en état de comprendre quoique ce soit. La tête lui tournait un peu et il perdait par instant la sensation de faire vraiment parti de cette scène. Ce qu'il vivait était-il bien réel ? Il avait l'impression d'être tombé dans un profond cauchemar. Un cauchemar, oui. Ce ne pouvait être qu'un cauchemar. A-t-on déjà vu une vision d'apocalypse zébrée d'éclair ? Une considération esthétique lui traversa innocemment l'esprit. C'était joli. Effrayant, il fallait bien reconnaître, mais joli. Au moins il pouvait se vanter d'avoir un inconscient artiste ! D'ailleurs, que faisait-il ici ? Plaît-il ? Une jeune femme se trouvait étendue au sol ? Voilà qui était singulier. Un sursaut de panique et de raison lui revint avant de lui échapper à nouveau. C'était à donner le tournis. D'abord un rêve puis cette réalité brutale, il commençait à en avoir mal à la tête. D'ailleurs... Du calme, d'abord essayer de reprendre ses esprits. Impossible, plus il essayait, plus il se sentait partir, s'enticher d'un insaisissable état d'errements attentiste et dangereux. Dangereux ? Pourquoi vous étonner ? Lorsque la foudre s'abat à deux mètres contre le bâtiment et ce certainement sous l'impulsion de votre adversaire qui n'a pas réussi à viser juste c'est dangereux non ? Enfin, en principe. Pour l'heure c'était surtout amusant... même pas capable de viser avec un éclair, franchement minable et risible n'est ce pas ? Le mal de tête qui s'intensifiait, la lueur de normalité qui apparaissait parfois, Liven s'appuya contre le mur ou plutôt ce qu'il en restait histoire d'avoir un point d'ancrage. Il devenait fou, pas d'autre explication plausible.

      Liven se massa le visage, il ne comprenait pas ce qui se passait. Était-il sous l'emprise d'une illusion ? Non, il l'aurait senti. Alors pourquoi ne pouvait-il agir normalement. D'où venait cette altération de ses sens et de ses réflexes ? Il devait la venger. Il le devait pour se pardonner. Non, il ne pourrait jamais se pardonner. Maintenant, peut être qu'il réalisait... On ne réalise la valeur de quelqu'un que lorsqu'on le perd. Et la valeur d'Isuzu... Un mouvement à ses côtés le fit brutalement sursauter. Tient donc ? Les morts se relevaient ? C'était assurément curieux. Une particularité propre à la chasseuse de prime que celle de survivre à une balle ? Cet intéressant zombi frappa leur adversaire à l'estomac, sous les yeux d'un Liven qui ne comprenait plus rien à la scène, spectateur tétanisé par sa propre incapacité à renouer avec la réalité. Minute... Les zombis ça n'existaient pas. Enfin, il croyait. Et... Peu à peu, les bribes de sa conscience lui revinrent. Sans doute avait-il été nettement moins exposé que Vincent à l'astucieux mais néanmoins très contraignant manège de la jeune femme. « Tiens toi éloigner de mon arme. ». C'est ce qu'elle lui avait non ? Et l'arme justement, ne se trouvait-elle pas au départ dans les mains de leur adversaire ? Douce compréhension et douloureux mal de crâne. Désagréable sensation aussi... Celle de la trahison. Quand il pensait que cette petite peste n'était en effet pas morte ! Comment ça il était heureux ? Bien sûr qu'il l'était mais la n'était pas la question ! Il la suivit des yeux pour réaliser l'ampleur de la duperie et la vacuité de son émoi précédent. Il la détestait. Oh ! Comme il la détestait ! D'un pas encore mal assuré, le jugement encore embrumé, il s'avança vers elle. Il l'avait dit : si elle ne se tuait pas elle même, il allait la tuer. Qu'on lui laisse ce plaisir. Liven ne laisserait personne d'autre la toucher.
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    Message  Isuzu Kamageta Dim 25 Avr 2010 - 10:13

      L’attaque était lancée. Malgré la confusion qu’il devait ressentir, son adversaire semblait tout à fait capable de se défendre. Mais Isuzu restait confiante : maintenant qu’elle était débarrassée du handicap que lui posait la magie, elle pensait ne pas avoir le moindre problème pour abattre sa cible. Arrogance ? Si cela pouvait en avoir l’air, ce n’était pourtant rien de plus qu’une confiance, somme toute justifiée en vue de ses victoires passées, en ses capacités. Isuzu connaissait parfaitement son corps, ses limites, les prouesses qu’elle pouvait accomplir avec un tant soit peu de motivation, de détermination. Et c’était bien parce qu’elle ressentait le danger qu’elle ne se précipitait pas, qu’elle ne sous-estimait pas son adversaire pour autant. Fragile équilibre entre une grande confiance en ses aptitudes et l’appréhension légère à l’idée que tout ne se déroule pas comme elle l’avait projeté. Le facteur le plus imprévu restait la présence de Liven. Il était pour elle un véritable mystère, à toujours tenter de s’approcher d’elle malgré tout ce qu’elle avait déjà pu lui faire subir en matière de rejet. D’ailleurs, que faisait-il, là, à l’approcher alors qu’elle était aux prises avec l’adversaire ? Elle rêvait où il comptait faire elle ne savait quoi qui nécessitait qu’il fût plus proche du combat ? Quoi qu’il veuille faire, cela pouvait bien attendre la mise à mort de l’autre ordure, non ? Isuzu enchaina des attaques rapides, assez brusques qu’elle n’aimait pas vraiment lancer afin de faire reculer sa Némésis. Elle ne tenait pas à ce que ce crétin de super-mage blond se retrouve dans la mêlée, d’autant plus si, comme elle le craignait, il avait inspiré du gaz. Elle se devait de finir ce combat au plus vite, pour la sécurité de Liven autant que la sienne propre, étant donné que, malgré la poussée d’adrénaline qui envahissait tout son être à mettre sa vie en jeu, elle commençait à se sentir vraiment fatiguée.

      Nouveau coup de pied dans le plexus de son adversaire, brusque accroupissement pour éviter adroitement un coup de dague qui aurait pu lui être fatal. Roulade pour se relever juste derrière l’adversaire. Non, la cible. Ouverture, il se retourne. Elle vise l’épaule, la gorge étant protégée. Il bloque son bras, elle bloque à son tour celui qui, prolongé de la dague adverse, fuse vers sa gorge. Lueur de défi dans les yeux de chacun. Il la lâche en même temps qu’elle le libère, ils reculent tous deux d’un ou deux pas. Regards provocateurs. L’un d’eux mourra ce soir, ils le savent, ils le sentent, parfaitement, se battent en toute conscience de la Mort qui rode autour, menaçante. Elle respire trop vite. Elle a le souffle court de ses courses et du combat présent. Mais elle a la Volonté, farouche. Elle souhaite mourir, mais pas ce soir, pas maintenant, ce n’est pas le moment. Cette nuit, elle est l’envoyée de la Faucheuse, elle en a pleinement conscience, se bat dans le but d’accomplir sa mission pour ne pas se retrouver dans les bras de celle qu’elle recherche pourtant tellement. Inconstance momentanée à laquelle elle n’ose pas songer. Tout son esprit est tourné vers le combat. Nouvel assaut. Elle le battra, elle y compte bien. Il tente de la déséquilibrer, lui entaille très légèrement la joue droite. Elle tient bon malgré tout. Nouveau coup de pied de la jeune femme, qu’il évite cette fois. Surprise. Ses reflexes sont altérés, mais il parvient à l’éviter. Coup de chance ? Sûrement. Elle esquive elle-même un nouveau coup de dague. Déséquilibre. De lui. Elle saisit la chance qu’elle avait provoquée quelques instants plus tôt, à peine. La gorge est visée. Tranchée. L’homme tombe, elle reste debout, sans faire attention au flot écarlate ayant légèrement teinté son bras nu. La Mort a frappé.

      Elle ressentait encore cet étrange sentiment de vide. Quel était le problème chez elle ? Pourquoi n’éprouvait-elle rien du tout à tuer ? Néant émotionnel. Elle sentait que c’était anormal, et même plutôt malsain. Elle n’était pas insensible au point d’assassiner des innocents de sang-froid, mais l’absence de sensibilité dont elle faisait preuve face à la mort de ces êtres humains – car malgré toutes les horreurs dont ils se rendaient coupables, ses cibles restaient des êtres humains, tout comme elle, Liven ou n’importe qui l’était – l’inquiétait quand même quelque peu, par instant, quand elle prenait le temps d’y songer. Elle ne désirait pas non plus culpabiliser tout au long de sa vie, plaindre ses victimes, ils avaient après tout mérité le sort qu’elle leur faisait, ils n’étaient rien de plus que d’immondes criminels qui rejetaient leur humanité pour commettre leurs méfaits, n’est ce pas ? Dans le cas de l’homme qu’elle avait envoyé ad padres à l’instant, elle souhaitait sa mort non seulement du fait des trahisons ignobles qu’il avait réalisées en faveur des vampires mais également à cause de la duperie qu’il avait exercé sur elle. Elle ne tolérait pas qu’on l’utilise, la manipule tel un instrument quelconque. On pouvait l’insulter, la haïr, la maudire, diffuser une mauvaise image d’elle aux autres, inventer les pires rumeurs sur son compte, la jeune femme s’en moquait. Mais il lui était inacceptable qu’on se serve d’elle. Vincent Dagenhall l’avait apprit au dépend de sa vie.

      Pour autant elle ne ressentait pas une espèce de sentiment de devoir accompli qui aurait été légitime. C’était à cet instant qu’elle réagissait étrangement, et qu’elle en avait de plus parfaitement conscience. Elle avait souhaité la mort de cet homme, et poussé son désir jusqu’à l’offrir de ses mains. Maintenant que son dessein était accompli… Elle ne ressentait ni cette étrange satisfaction d’avoir agit pour le bien de tous, libératrice, ni la félicité de se voir enfin vengée, après avoir rongé son frein durant si longtemps. Vraiment, rien, nada. Son vide émotionnel face à la mort de ce criminel la laissait tout de même assez perplexe, à vrai dire, d’autant plus qu’elle avait bien conscience de l’anormalité de ce fait. Remise en question derrière un masque de glace. Comme à chaque fois qu’elle tuait. Pourquoi était elle devenue chasseuse de prime, pourquoi visait-elle le poste de chef ? Outre sa totale désaffection envers l’autorité et son vœu d’indépendance, elle se posait parfois sérieusement la question. Mais la chaîne autour de son cou lui faisait déjà reprendre ses esprits. Le médaillon. Kodaï. C’était pour lui et pour lui seul qu’elle désirait la mort. Il avait été son sauveur par le passé et elle ne parvenait pas à concevoir une vie sans lui, malgré la présence d’autres personnes à ses côtés, qui seraient, pour certaines, tout à fait dignes de son intérêt si elle daignait vivre. Car elle n’avait plus vraiment de vie privée : aux yeux de la plupart des gens elle ne vivait plus que pour son travail. Les personnes qui parvenaient à s’approcher un minimum d’elle aux prix de nombreux efforts et autres sacrifices, et nous savions qu’elles étaient rares, pouvaient éventuellement émettre l’hypothèse qu’elle vivait au travers de ses souvenirs. S’ils pensaient cela, ils étaient tout à fait dans le vrai. Mais il ne fallait surtout pas attendre sur elle pour leur donner la satisfaction d’apprendre qu’ils avaient raisons, car sur tout ce qui faisait sa vie elle gardait le silence le plus total, surtout si cela touchait à ses sentiments. Liven devait bien le savoir, à force, et elle ne comprenait pas pourquoi il ne renonçait pas à se rapprocher d’elle alors qu’il était en toute connaissance de cause.

      D’ailleurs, en parlant de Liven, elle se tourna vers lui, quelques secondes à peine après avoir achevé sa mission. Fort contrariée de l’avoir vu s’approcher alors qu’elle se battait, chose terriblement dangereuse, son regard se fut plus glacé encore qu’auparavant. Le pire était que ce n’était pas à lui qu’elle en voulait le plus mais bien à elle : pourquoi avait-il fallut que sa première pensée ne vienne pas au danger pour la mission, pour son évaluation et donc son ascension au poste de Chef, pour sa propre santé, qu’en savait-elle encore ! Mais bien pour le danger qu’il y eut pour l’ex chef ? Pourquoi ne s’était elle pas contentée de cette égoïsme auquel elle s’attachait et qui lui aurait dicté de penser à ses intérêts avant la vie de Liven ? Non qu’elle fut particulièrement égoïste, bien qu’elle ne soit pas vraiment des plus généreuse, mais plutôt que la pensée qu’elle avait eut, immédiate, concernant le jeune homme montrait bien que ce qu’elle ne souhaitait surtout pas était arrivé : à force de coups, il avait fendillé sa carapace, et s’était glissé comme le pire des serpents dans son cœur un sentiment fourbe qui avait fait naître la protection qu’elle venait de lui offrir sans que cela se vit énormément : de l’affection. Sa seule satisfaction restait pour le moment à se douter qu’il était improbable qu’il le découvrit, à cet instant du moins. Elle s’était attachée à lui, et trouvait ça bien assez abominable comme cela. Il n’était cependant pas trop tard, n’est-ce pas ? Elle pouvait encore s’arranger pour couper les ponts, pour le détacher d’elle à tout jamais. Elle pourrait rester seule, tranquille, et mourir en paix, sans faire de peine à qui que ce soit ou à elle-même. Sa solitude ne prévoyait que sa mort. Si ce but lui était retiré, elle serait désespérément seule et perdue. Mais elle jugeait cela inenvisageable : son seul but était de retrouver son amour perdu, et ce même si cela devait être dans les bras de la Faucheuse.

      C’est pourquoi, négligeant au mieux son affection et la pointe de culpabilité qu’elle ressentait si, comme elle le craignait, le blond avait inspiré un peu de son gaz, elle ouvrit la bouche pour prendre la parole. Cette affection et la culpabilité, elle ne parvint malheureusement pas totalement à les mettre de côté. Elle n’avait jamais été très douée pour dissimuler totalement ses émotions, et n’y parvenait qu’à force d’une lutte acharnée en elle-même. Mais la combattante était fatiguée, et à bout de souffle, bien qu’elle soit à tout instant prête à se défendre s’il le fallait. Son regard perdit ainsi légèrement de sa dureté, bien malgré elle. Nous ne parlons pas d’un changement radical qui serait bien grossier tant il serait inopportun mais d’un changement bien plus subtil, une nuance difficile à saisir, qu’elle-même ne captait pas. Oui, son regard gagna légèrement en douceur, bien qu’il restât toujours aussi glacial. L’acier de cette prunelle noire ne tenait à rien. Tout ça parce qu’elle s’était inquiétée pour Liven. Quelle bêtise. Sa voix, elle parvint à la maîtriser à merveille, et son ton resta toujours aussi polaire pour cette question monosyllabique.


      « Quoi ? »

      Ce quoi était bien entendu une interrogation directe au regard qu’il posait sur elle et qu’elle ne décryptait que superficiellement, avec peine, loin de tout ce qu’elle voulait, mais surtout à son comportement précédent, alors qu’il s’approchait de trop près du combat. L’impression qu’il s’approchait sensiblement d’elle et sans qu’elle le désirât – ou sans qu’elle s’avouait le désirer – la rongeait et la perturbait terriblement, bien qu’elle mit toutes les forces qui lui restait à dissimuler son impression confuse de se perdre de plus en plus. Tout à l’heure, elle n’y avait pas prit vraiment garde…

      Il lui avait demandé… Non, presque ordonné de ne pas le décevoir. Et si la solution était justement de le décevoir, cruellement ? Ainsi, il pourrait s’éloigner à jamais, la laisser, même s’il souffrirait à cet instant et qu’elle souffrirait aussi sans aucun doute de voir cet homme s’éloigner d’elle. Le décevoir, peut-être qu’il s’agirait du seul moyen pour qu’il décroche enfin. Elle espérait encore qu’il ne soit pas trop tard. Oui, elle le souhaitait de tout son cœur. Elle serait totalement désarmée si jamais il continuait à s’accrocher malgré tout. Ne pas le décevoir… Les dés étaient jetés. Son attitude l’avait-il déçu ? Il était trop tard maintenant, pas vrai ? Elle avait agit, éliminé, son sort était joué. Elle avait prit des risques, s’était montrée à la hauteur malgré tout. Elle avait faillit perdre sa cible, et sa respiration était encore précipitée. Mais après tout, elle était libre ! Elle agissait comme elle l’entendait, toujours, et cela n’était pas prêt de changer ! Sa vie lui appartenait toute entière, elle prenait ses décisions toute seule et s’y tenait si elle jugeait qu’il s’agissait de la conduite à tenir. De quel droit le professeur pouvait-il s’imaginer pouvoir être juge de ses choix ? Non, elle était sa seule juge, savait reconnaître ses erreurs comme ses bonnes actions, et s’efforçait d’agir au mieux en son sens. Il n’avait pas voix au chapitre. Mais alors, elle ne comprenait pas. Pourquoi, tout au fond d’elle-même, il y avait cet espoir, cette pensée qu’elle réprimait en se faisant violence ? Comme si elle avait attendu une espèce de reconnaissance ou elle ne savait quoi encore de la part de Liven… Tout cela était grotesque, vraiment. Oui, elle ne comprenait pas du tout ce qui se passait, c’était ridicule à en pleurer. Il était hors de question de conférer à Liven une importance qu’il n’avait pas dans sa vie… Non, une importance qu’elle lui refusait.

      Mais pitié, faites qu’elle ne l’ait pas déçu, pensait-elle alors.
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    Le retour des habitudes pas si polissées que ça...[Terminé] Empty Re: Le retour des habitudes pas si polissées que ça...[Terminé]

    Message  Liven Reaves Jeu 1 Juil 2010 - 21:44

      La violence de l'averse faiblissait. La fureur du ciel semblait s'être apaisée et si le tonnerre se faisait encore entendre par moment, la pluie fine et bruineuse qui succédait à l'orage laissait à penser qu'il s'éloignait. L'odeur de la pluie persistait cependant, s'attachant aux pavés froids et détrempés. Alentours, les lumières pâles et blafardes n'éclairaient que bien faiblement la petite cour dévastée, miroitant ça et là sur les gouttelettes d'eau que les nuages voulaient bien encore crachoter. Pourtant, la pluie salvatrice n'avait pas exactement débarrassé les rues de toute souillure. Le visage détourné dans une flaque d'eau aux reflets pourpres, le corps de Vincent s'étendait sur le sol. Vide, inerte, livide, débarrassé de la menace qu'il représentait autant que de la vie qui l'animait. Son châtiment avait été cruel et sévère, autant que sa trahison avait pu être vile et méprisable, autant que la haine qu'elle avait engendrée avait été violente et absolue. Inutile de prôner le détachement, il y avait eu vengeance. Une vengeance juste et légitime, à l'accomplissement implacable et sans appel, autant d'émotions extrêmes que Liven avait coutume de ressentir. Debout sous la pluie, le jeune homme était littéralement trempé. Son écharpe avait abandonné ses épaules, sans doute le fruit de sa course effrénée dans le couloir ou dans les escaliers. Contre sa poitrine, la chemise blanche à fines rayures grises qu'il portait collait à sa peau avec une sensation désagréable, chacun de ses mouvements éloignant un pli chaud et mouillé pour en ramener un autre glacé. Sa veste n'avait été d'aucun secours contre le déluge. Gorgé d'eau, le tissu alourdi goutait placidement aux extrémités tandis que son jean subissait le même sort, collant ses longues jambes avec le même empressement sournois dont sa chemise semblait faire preuve. Sa peau marquée ça et là de gouttelettes luisantes et statiques, ruisselait par moment, lorsque les pointes de ses mèches laissaient goutter les larmes cristallines qui partaient se perdre dans son cou où s'arrêtaient dans un équilibre dangereux sur ses cils ou au bout de son nez. La brise légère en provenance de la mer et que les bâtiments alentours contraignaient, n'arrangeait rien à la fraicheur ambiante. Pourtant, ni l'eau froide qui se coulait insidieusement sous ses vêtements, ni le cadavre étendu à proximité ne revêtait la moindre importance aux yeux de Liven.


      Reléguées au second plan, aucune de ces préoccupations n'était en mesure d'espérer attirer ne serait-ce qu'un minimum de son attention. Tout ce qui importait c'était la folle inconsciente et suicidaire, la protégée qu'il avait tant de peines à tenir éloignée des dangers inutiles, la chasseuse de prime ou tout simplement, une personne en qui il avait confiance et qui venait de lui faire l'une des plus grandes peurs de sa vie. Abandonné par sa patience, Liven bouillonnait tout à la fois de colère et de soulagement tandis qu'il s'approchait d'elle. Objectivement, elle l'avait trompé. Sciemment. Et c'était un crime de haute trahison dont l'idée même lui était insupportable. Elle l'avait manipulé avec une totale impunité, et de toute évidence, elle n'en ressentait pas le moindre remord. Savait-elle qu'il l'avait réellement cru morte ? Savait-elle à quel point il s'était senti coupable ? Savait-elle à quel point il pouvait lui en vouloir ? La rancune chez Liven était tenace. Il n'était pas prêt de lui pardonner de sitôt pareil désaveu. Etait-il si peu digne de confiance ? En réalité, rien n'était moins sûr et concernant la jeune femme, il était pratiquement convaincu qu'elle n'avait foi en rien ni personne. Pourtant... Il aurait aimé pouvoir clamer le contraire, savoir qu'elle comptait sur lui autant qu'il pouvait compter sur elle par moment. Il se sentait trahi et ce même sentiment ne faisait qu'amplifier le prodigieux agacement qu'il ressentait. L'avoir cru morte avait été comme le déchirement brûlant et douloureux d'une blessure dont il se relevait à peine. Liven n'était plus prêt à laisser partir des êtres chers, quand bien même étaient-ils aussi énigmatiques et farouches que l'était la chasseuse de prime, quand bien même elle ne lui accordait qu'un mépris insigne, quand bien même elle était prête à le trahir sans remord et sans imaginer la douleur qu'elle lui infligeait. Il aurait voulu lui faire payer, lui faire ressentir la même chose, tout simplement se venger. Il aurait voulu qu'elle comprenne, qu'elle s'en veuille, qu'elle s'en excuse. Il aurait voulu être capable de mieux dissimuler ces émotions en cet instant où, la rejoignant, il parvenait lui-même au paroxysme de ses sentiments contradictoires. Oui, il haïssait ce qu'elle venait de lui faire vivre. Mais pouvait-il dire qu'il l'a haïssait tout simplement ?


      Impossibilité d'un aveu salvateur, colère sourde brillant dans son regard d'un bleu scintillant. Liven posa ses yeux durs et lourds de menace sur le visage de la jeune femme, s'avançant vivement et à grandes enjambées sans répondre à son interpellation. Pourquoi aurait-il prit la peine de lui répondre ? Elle-même avait-elle prit la peine de s'expliquer ? Il la maudissait encore lorsqu'il s'arrêta à quelques centimètres à peine. Non, il ne comptait pas lui pardonner. Non il ne la laisserait pas l'ignorer. Violemment, il la saisit par le coude. La jeune femme abhorrait les contacts physiques, il n'était pas sans le savoir. Sauf qu'en l'occurrence, comme de tout le reste, il n'en avait rien à faire. En cet instant, son visage n'exprimait qu'une froide colère qui jointe à la violence de son geste tandis qu'il la tenait fermement, laissait parfaitement présager de sa patience anéantie. Non, en fait il ne voulait même pas qu'elle s'explique.



      - Es-tu devenue folle ?!


      Il avait crié. Alors que sa voix n'était guère habituée à pareil effort, alors qu'il contrôlait toujours ses moindres variations, il avait crié. Sa tonalité sourde avait roulé dans sa gorge en une tension puissante mais légèrement éraillée. Si l'orage s'était éloigné, Liven venait d'en rappeler le tonnerre menaçant. Puis sa voix avait vrillé inconsciemment, emplissant d'émotion une question qui ne demandait pas de réponse. Oui, il lui en voulait. Enfin, elle était retombée dans un souffle où les derniers sons s'étouffèrent dans sa gorge en un dernier roulement contrôler avec peine. Doucement, il reprenait le contrôle de lui-même bien que tremblant de rage, il aurait été prêt à la gifler sur l'instant. En effet, était-elle devenue folle ? Ne réalisait-elle pas son inconscience ? Ne comprenait-elle pas ce qu'il avait pu ressentir ? Force était de contaster que non. Liven voulu se contraindre à l'immobilité pour ne pas céder à l'envie de lui faire comprendre par la force la souffrance à laquelle elle l'avait soumise mais il ne fut pas capable de retenir le mouvement léger qui le poussa un peu plus vers elle dans une attitude menaçante avant qu'il ne déserre l'étau de ses doigts et se laisse reculer tout aussi légèrement, presque imperceptiblement. Prenant une large inspiration, il baissa les yeux vers le sol tout en les maintenant fermés et sans la lâcher pour autant, bien qu'il fut pratiquement assuré que sa violente empoignade avait laissé une meurtrissure marquée sur la peau de la jeune femme. A quoi avait-elle pensé bon sang ?! Le silence succéda un instant à son emportement, moment suspendu et irréel où il se reprit en main. La vérité c'est qu'il ne lui en voulait pas. La vérité c'est qu'il avait simplement eu trop d'effroi que son impassibilité légendaire et sa froideur naturelle n'avait pu en supporter. La vérité c'est qu'il avait tout simplement craint qu'elle ne fut belle et bien morte, inutilement, par sa faute. Liven expira le souffle apaisant qu'il venait de prendre, plus calme que précédemment. Ses doigts rendirent leur liberté au bras de la jeune femme que sa poigne trop ferme avait meurtri. Rapidement, ils passèrent au-dessus de son épaule avant que l'avant-bras de Liven ne s'y appuie. Sa paume chaude se posa avec douceur sur la chevelure de jaie tandis que ses doigts disparaissaient dans ses volutes. Il se pencha à peine, l'attira vers lui, posa sa joue contre la sienne dans une étreinte légère et fraternelle, précieuse et éphémère.


      - Ne me refais jamais ça. Jamais.


      Cette fois ce fut un murmure qui fit écho au cri indigné qui avait précédé, aussi doux et caressant qu'il avait pu être brutal et menaçant. Un murmure où transparaissait toute l'inquiétude et la détresse qui avait pu le submerger, qui laissait parfaitement entrevoir qu'il n'avait fait que dissimuler un soulagement sans nom derrière une colère légitime. Ne jamais lui refaire ça, ne jamais lui laisser connaître à nouveau cette crainte mortelle, cette peur insidieuse, ne jamais plus le rendre incapable d'intervenir, ne jamais plus se montrer si déraisonnable. Liven prit soudainement conscience qu'il avait froid. En fait, il grelottait dans ses vêtements mouillés et glacés, comme s'il avait du attendre d'être de nouveau parfaitement lui-même et de dominer ses émotions avant de prendre conscience de son état. D'un sourire qui restera à jamais dissimulé à la demoiselle, il se trouva un instant pathétique avant de la lâcher aussi rapidement qu'il l'avait étreinte, sans doute conscient que la surprise ne tarderait pas à se voir remplacer par une haine viscérale. Qu'importe, il avait eu besoin de lui signifier tout cela sans avoir à s'expliquer platement. Il avait eu besoin de lui faire comprendre clairement qu'il n'aurait pas tolérer qu'elle fut morte, qu'il ne tolérait pas qu'elle ose le lui faire croire. C'était de bonne guerre, et si elle le voyait comme une torture, ce serait sa punition pour avoir fait l'affront de le trahir. Il avait dit qu'il ne lui pardonnerait pas... Peut être que si au final... Le plus naturellement du monde, il s'éloigna vers le corps de Vincent. Maintenant, il était capable de faire clairement la part des choses, il se sentait pleinement rassuré. Avec précaution, Liven ramassa l'arme trafiquée ou plutôt ce qu'il en restait pour le lancer à Isuzu sans prendre la peine de savoir si elle l'avait réceptionner.


      - Et au passage, la prochaine fois que tu m'empoisonnes, je t'étrangle de mes propres mains.


      Un ton froid et cassant, celui qu'on lui connaissait habituellement, avec cette voix qui s'amenuisait toujours à la fin de ses phrases, laissant transparaître une grande indifférence cynique et flegmatique. Menace qu'il ne fallait pas réellement prendre au pied de la lettre bien que son comportement premier laisse à présager du contraire, menace prononcée pour la forme, pour insister sur ce « jamais » qui avait eu le mérite de faire déraillée sa voix. Se relevant, il fourra ses mains dans ses poches redevenues sèches. Un sort de base rapide avait fait l'affaire avec la même facilité qu'il avait pour respirer. De toute sa hauteur, il domina le mort malheureux et la chasseuse téméraire, dardant son regard polaire emprisonné dans son habituel carcan de glace. Devait-il lui donner les quelques points qui la séparaient de l'élite et donc du pouvoir ? Pour une fois, il ne fut pas pris de l'envie de la taquiner. Pour une fois, il ne voulut pas faire preuve de ses hypocrites simagrées d'indifférence haïssable. Car ça ne l'indifférait pas et qu'elle devait le savoir.


      - Je valide la réussite de cette mission.


      Guère besoin d'en dire davantage, inutile d'insister sur les responsabilités qui seraient les siennes désormais. Son regard inquisiteur et si dérangeant quand il s'appliquait à le rendre comme tel se vrilla dans les prunelles d'Izusu. Jamais... Ne jamais le trahir à nouveau.
    Isuzu Kamageta
    Isuzu Kamageta
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    Message  Isuzu Kamageta Dim 4 Juil 2010 - 23:26

      Colère. Elle l’identifiait clairement, ce sentiment puissant qui brillait dans le regard de son ancien chef. Elle ne le connaissait que trop cette émotion, pour l’avoir vécue à de nombreuses reprises. Mais jamais elle ne l’avait identifiée chez Liven. Si jamais il l’avait déjà ressentie en sa présence, il devait l’avoir trop bien cachée pour qu’elle puisse la remarquer. De lui elle connaissait à vrai dire plutôt des regards distants ou moqueurs, parfois hautains mais jamais aussi hostiles qu’elle l’apercevait en ce jour. Il ne lui avait pas non plus répondu. Et il s’approchait, menaçant. Avait-elle peur, à cet instant ? Non, pas du tout. Elle ne comprenait à vrai dire pas vraiment pourquoi il se montrait aussi énervé. Isuzu ne désirant se lier avec personne, elle ne pouvait ouvrir les yeux sur les sentiments complexes de Liven à son égard et, surtout, sur la crainte que celui-ci avait de la perdre. A la limite, elle comprenait pour l’empoisonnement. Et encore. Elle l’avait prévenu, non ? Il n’avait pas à lui en vouloir sur ce point, pensait-elle. L’idée qu’il fut trop perturbé de la voir à terre pour faire attention à sa recommandation précédente, celle qu’elle lui avait donnée avant d’aller au devant du danger et qu’il n’avait visiblement pas respectée concernant la distance qu’il se devait de conserver envers son arme, ne pouvait bien entendu s’incruster dans son esprit. Non, elle était alors incapable de comprendre à quel point il tenait à elle, à quel point il s’en aurait voulu de ne pas réussir à la protéger sur cette mission au nom de la grande confiance qu’il lui accordait… Le mode opératoire d’Isuzu, lors de chacune de ses missions accompagnées, était bien particulier. A vrai dire, elle n’aimait pas qu’on la force à briser sa solitude adorée. C’était donc inconsciemment qu’elle prenait tous les risques possibles pour que plus jamais on ait l’idée folle de l’accompagner lors de l’une de ses missions et qu’elle puisse continuer à travailler en paix. Elle conserva donc la tête haute et l’air altier qu’elle affichait d’ordinaire alors que Liven s’approchait.

      Sauf qu’il s’approchait trop. Cela était bien entendu loin de lui convenir. Elle ne recula pourtant pas, ne bougea pas, se contentant de le fixer de ses prunelles sombres, presque comme si elle le défiait de s’approcher un peu plus. Un bref instant, elle se demanda vraiment s’il comptait s’arrêter, ou si le fléau de sa colère pousserait le vice jusqu’à un contact physique appuyé. Elle réfuta tout aussi vite cette possibilité. Il ne pouvait tout simplement pas lui faire ça. Pas en connaissant son dégoût pour le tactile. Il s’arrêta cependant trop près au goût d’Isuzu, qui n’eut pas le temps de réagir que, déjà, il accomplissait l’affront innommable. Cette fois, ce n’était pas comme à l’aube de cette rencontre. Au lieu d’un geste aussi moqueur qu’affable, c’était un geste plein de violence, d’une rage sans équivoque. La poigne de l’homme sur son coude, bien que son corps soit habitué à connaître les pires souffrances, lui fit sincèrement mal. Sans trop savoir si sa douleur n’était due qu’à la force dont il n’avait visiblement pas hésité à user, ou une plaie supplémentaire dans son cœur déjà en morceau à l’idée d’avoir mis Liven dans un tel état de colère, ainsi que la violente sensation de lui avoir fait du mal sans trop s’en rendre compte, sans trop savoir pourquoi et cette impression de revenir en arrière… A une époque où elle ne se montrait pas aussi forte… Un temps où elle avait renoncé à l’amour de sa vie… Non, plus loin encore, alors qu’elle ne comprenait pas pourquoi ces gens qui étaient censés l’aimer ne faisaient que la mépriser, alors que se brisait lentement l’innocence de son enfance. Quoi qu’il en soit, la violence de l’acte l’empêcha même de bouger, elle écarquilla même légèrement les yeux, surprise. Elle avait l’impression de n’être qu’une poupée de chiffon, horrible de faiblesse, sous le joug de Liven, et elle détestait bien entendu cet état de torpeur qui l’avait saisie aussi violement que Liven l’avait empoignée et dont elle n’arrivait pour l’instant pas à sortir sans qu’il soit suffisamment important pour qu’elle ne s’en rende pas compte. Avait-elle peur de cet homme qui lui avait toujours paru, sans être un ami, plutôt inoffensif au vu de tous les efforts qu’il faisait pour tenter de s’attirer ses grâces ? Toujours pas.

      Et puis tout bascula avec le cri du maga blond. Isuzu détestait les cris, et ceux des hommes envers elle étaient bien les pires. Elle se figea plus encore. Soudainement, Liven ne fut plus le seul homme face à elle : ce fut comme un bond dans le temps, où elle voyait d’une part son géniteur, d’autre part celui de l’homme de sa vie. Deux hommes qui avaient participé à sa haine viscérale des contacts physiques. Elle chassa au plus vite ces images de son esprit, tenta de regagner son calme, de calmer les brusques battements de son cœur. Elle n’avait même pas vraiment écouté les mots de Liven. Le simple fait que lui, qui était bien plus proche d’elle qu’elle n’osait l’avouer soit énervé au point de crier, crier contre elle, était un violent coup de fouet à son âme. Elle l’avait sûrement déçu. Elle ne savait pas exactement comment, mais pousser Liven dans un tel état de rage frappa Isuzu, brisa quelque chose en elle. N’était-ce pourtant pas ce qu’elle recherchait absolument ? Lui faire mal pour qu’il s’éloigne à jamais, pour que plus jamais il ne tente de se lier à elle ? Qu’il la laisse à son désespoir ? C’était ce qu’elle avait cru, et la désillusion fut d’autant plus grande alors qu’elle se rendait brusquement compte qu’elle avait besoin de gens comme lui qui, s’ils n’étaient pas capables de la comprendre, ou pas tout à fait, restaient là quand même. Non. Il fallait qu’elle meure, elle le savait. Les pensées se bousculaient dans sa tête, elle ne savait plus où elle en était. Liven avait réussi le tour de force de la perturber, de faire flancher tout ce pour quoi elle vivait en une phrase, un cri. Comme si ce bref instant avait été un flash de raison dans l’esprit troublé d’Isuzu, une brève déchirure dans le voile des ses illusions morbides. Malheureusement, elle était trop entêtée et se replongea aussitôt dans les ténèbres. Trêve de doutes. Elle devait mourir, voilà tout. Et elle ne voulait pas que les gens l’apprécient à plus ou moins juste valeur.

      Cela ne la tira néanmoins pas de sa surprise. Elle ne bougea qu’au moment où Liven bougea lui-même, si légèrement. Il s’approcha encore un peu, sensiblement, menaçant. Un éclat de peur qu’elle damna aussitôt transparut dans ses yeux. L’homme qu’elle appréciait pourtant devenait l’incarnation gamaëlienne de tous ses maux. Elle aurait voulu s’enfuir, s’en trouva aussi incapable qu’une biche pétrifiée d’horreur face à son prédateur. Allait-il la frapper ? Elle ne se sentait à cet instant même pas capable de se défendre. Pourtant, elle releva tout de même légèrement ses bras, mouvement limité du côté de celui qu’avait si violement empoigné Liven et qui la lançait de ce fait, à hauteur de sa poitrine, dans un geste de protection qui tenait plus du reflexe que de l’âme et conscience. Si elle avait vraiment voulu se défendre, elle se serait par exemple servie de la dague qu’elle tenait toujours, l’aurait enfoncé sans regret dans le torse de son agresseur, avant même que celui-ci ne prenne conscience du danger qu’elle était. Mais la lame de sa dague était inutilement tournée vers le sol, et elle aurait été moins surprise qu’elle aurait été dans l’incapacité totale d’attaquer aussi impunément Liven. Il aurait donc pu la frapper, la choquer plus encore qu’elle ne l’était déjà, et ainsi s’assurer de briser toute la considération qu’elle avait pour lui par la suite, s’assurer de ne plus jamais avoir la moindre chance de se lier positivement à elle. Mais il n’en fit rien. Tout aussi légèrement qu’il s’était approché, il se retira quelque peu, desserrant du même coup subtilement la main qui en venait presque à broyer le bras de la jeune femme. Le silence suivit le cri puissant de Liven, qui avait tant effrayé, choqué la future chef. Elle s’attendait au pire, à ce qu’il se remettre à hurler, qu’il la frappe même, avec toujours cette sensation insupportable d’être persuadée de rester littéralement figer, incapable de se défendre. Elle qui pouvait d’ordinaire se targuer d’être une femme aux allures puissantes, qui ne tolérait pas qu’on l’utilise, se sentait alors aussi faible qu’une misérable poupée de chiffon. Elle s’imaginait les pires scénarios sans pour autant réussir à réagir.

      Mais ce qui arriva, pas un seul instant, dans cette panique dissimulée, dans son trouble profond, dans son immobilité parfaite, elle ne pu l’imaginer. Rien que le fait qu’il lâche son bras meurtri la surprit énormément. Un coup d’œil très vif à ce bras lui permit de remarquer les prémices d’un magnifique hématome de la taille des doigts de Liven sur son corps frêle, son corps qui marquait pourtant si peu. Elle n’eut rien le temps de faire d’autre que soudain, elle fut plus proche encore de Liven. Le contact se prolongea : le bras de Liven sur son épaule, et surtout, sa main dans ses cheveux plus qu’humide. Sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte, oui, il l’approcha légèrement, comblant la distance maigre qui les séparait encore en se penchant doucement, avant de compléter le contact déjà bien présent en posant délicatement sa joue contre la sienne, celle qui ne souffrait pas de son combat. Elle ne comprenait pas pourquoi, de la brusquerie incarnée, Liven passait à une douceur surprenante. Le trouble dans lequel elle était déjà plongée s’intensifia, ses lèvres s’entrouvrirent très légèrement. Et alors même qu’elle avait été totalement incapable de comprendre ce que Liven lui avait crié, elle entendit parfaitement son si bas murmure, son souffle si près de son oreille.

      Ce ne fut que douleur. S’était-il… Inquiété ? Inquiété pour elle ? Elle qui ne souhaitait que la mort, que l’absence d’attachement quelconque pour que son souhait ne puisse être corrompu ? Finalement, il ne lui en voulait peut-être pas tant… Pourquoi ça lui faisait aussi plaisir ? Elle ne voulait que la mort, et qu’il la haïsse aurait été le juste retour des choses, un but ultime qu’elle aurait atteint avec un plaisir sans nom. Pas vrai ? Il ne pouvait en être autrement. Mais s’il réagissait comme ça maintenant, comment réagirait-il le jour où… ? Cela la blessa, profondément. Elle ne voulait pas qu’il souffre à cause d’elle. C’était inutile, pas vrai ? Sans comprendre pourquoi, cette joue contre la sienne, cette main dans ses cheveux, ce murmure à son oreille… Ne la dérangea en rien. Elle en vint presque à trouver ce contact agréable. Elle fronça légèrement les sourcils, non de colère comme à l’accoutumée, mais bien de peine. Pourquoi est-ce qu’elle avait envie de remonter ses mains jusqu’à saisir la chemise trempée de Liven, de s’y agripper, ou même d’entourer le cou de celui qu’elle considérerait comme un ami si elle concevait les choses de façon normale de ses bras ? Elle n’en fit pourtant rien. L’envie, incompréhensible, la tiraillait, mais elle préféra se concentrer sur autre chose. Les tremblements qu’elle ressentait chez Liven. Elle ferma les yeux, doucement. Il avait si froid que ça ? C’est vrai qu’il était aussi trempé qu’elle-même l’était. Et si, dans son état, ça l’indifférait plutôt, elle s’inquiétait quand même pour Liven. Non, mais, s’inquiéter pour Liven ? Dans quel délire s’était-elle plongée ? Il fallait qu’elle arrête ça tout de suite, non seulement ça ne l’avançait à rien, mais en plus, s’il s’en rendait compte, il risquait d’insister plus encore et d’abattre ses dernières forteresses. Bien heureusement pour elle, avant que les dernières traces de sa volonté ne flanchent, il la lâcha, aussi soudainement qu’il l’avait étreinte. Moment léger, poussière d’étoile dans l’obscurité de la vie d’Isuzu, qui resterait gravé dans son âme pour longtemps. Aussitôt que son visage fut de nouveau visible par le jeune homme, elle rouvrit ses yeux sombres, toute sa froideur retrouvée.

      Il s’avança comme si de rien n’était vers le corps du traitre, la laissant là où elle était, immobile et choquée, pour lui lancer son arme. Ses reflexes réagissant avant même qu’elle ne se reprenne tout à fait, sous le couvert de son masque de glace, elle rattrapa son arme au vol. Histoire de se donner une constance, alors qu’il la menaçait de l’étrangler la prochaine fois qu’un poison de la demoiselle agirait sur lui, elle vérifia son arme. Comme elle s’en doutait, inadaptée à l’exercice qu’elle lui avait fait subir, elle était cassée. Tant pis. Elle avait bien assez d’argent pour s’en acheter un nouveau, après tout. Elle le rangea à sa ceinture, sans avoir l’air de faire plus attention que ça à la remarque de Liven. En réalité, elle était quelque peu rassurée de le revoir dans un état qu’elle jugeait normal. Cela lui permettait, en quelque sortes, de faire durer l’illusion, de se persuader encore un peu qu’elle n’était rien pour Liven et lui, rien pour elle. Elle savait parfaitement que cela était totalement faux, mais c’était toujours plus rassurant de pouvoir se reposer dans l’illusion, le temps de mettre tout ce qu’il s’était passé à plat et de pouvoir y réfléchir à tête froide. Elle ne comprenait même pas pourquoi elle ne sautait pas sur Liven pour lui faire sauter la tête et regretter par la même occasion la violente douleur qu’il lui avait causée au bras… A l’âme. Et puis, il reprit la parole, s’abstenant pour une fois de la provoquer de quelque façon que ce soit. Mission, réussie, validée. Cela voulait dire qu’elle était assurée d’entrer dans l’élite de la guilde, d’avoir atteint son but…


      « Parfait. »


      Par toutes les catins des dieux ! Pourquoi avait-il fallut que sa voix tremble, aussi subtilement soit-il, sur ce simple petit mot ? Elle n’était pas matérialiste au point de se voir émue de toute la symbolique que portait la réussite de cette mission, et elle était persuadée que Liven ne serait pas sans le deviner. Car oui, elle restait troublée du comportement qu’avait eu Liven. Si troublée qu’elle en oubliait de poser la question qu’elle désirait lui poser, à propos de toute la confiance qu’il lui accordait sans qu’elle ne comprenne pourquoi. De nouveau, pour se donner contenance, elle s’agenouilla auprès du corps de sa victime, essuya le sang qui restait sur sa dague sur les vêtements du cadavre avant de ranger son arme. Il ne lui restait plus qu’à transporter le corps et elle pourrait rentrer chez elle, prendre une douche pour détendre ses muscles gelés et se débarrasser du sang sur son bras et enfin se plonger plus ou moins profondément dans les bras de Morphée. Car il était bien entendu hors de question de demander une aide magique quelconque à Liven pour cela.
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    Message  Liven Reaves Lun 5 Juil 2010 - 11:15

      [bon, c'est court et j'en suis pas fière T.T mais bon, les clôtures et moi on est fâché]



      Alors qu'il pensait le temps de son impulsivité révolu, Liven avait encore une fois agit sans réfléchir pleinement à tous les enjeux et à toutes les conséquences. C'était le reproche troublé qu'il se faisait alors qu'il s'agenouillait auprès de Vincent, abandonnant Isuzu dans son dos, l'abandonnant à son propre trouble. Espérait-elle qu'il n'aurait pas remarqué ? Se laissant emporté, il n'avait pas hésité à bafouer toutes les règles qu'elle édictait implacablement et qui régissaient ses rapports aux autres. Il venait d'envoyer valser ses repères, de la contraindre à l'accepter dans sa sphère alors qu'elle luttait certainement farouchement contre cette idée depuis le départ. Sa violence avait de toute évidence été un choc. Cette gifle qu'il avait voulu lui donner avant de se raviser au dernier moment, l'avait pourtant bel et bien atteinte. Cette évidence le mettait mal à l'aise, lui faisait entrevoir toute l'irresponsabilité et la bêtise de son acte. Elle s'était retrouvée paralysée, apeurée, démunie... par sa faute. Si la fierté de Liven était légendaire, celle ne la chasseuse de prime n'était pas en reste et s'il imaginait largement dans quel état il se retrouverait si par malheur il était livré à ces émotions, il ne pouvait que supposer ce qu'elle avait pu ressentir. Surtout, ce qui le laissait dans une perplexité insigne, c'était cette immobilité résignée et troublante qui s'était emparée d'Isuzu. Plus que toute la haine et la fureur qu'elle aurait lui cracher au visage, plus que toute la force qu'elle aurait pu mettre dans un coup visant à le repousser et à se protéger, cette attitude inhabituelle l'avait totalement déstabilise. L'avait-il choqué à ce point ? Avait-il été si brusque et agressif ? Liven commençait tout juste à réaliser qu'une femme moins forte et décidée qu'Isuzu n'aurait certainement pas fait preuve d'autant d'aplomb devant un homme de toute évidence imposant et plongé dans une colère noire. Évidemment, il n'avait pas agit ainsi en considérant l'impact qu'il pourrait avoir. C'était une erreur qu'il payait chère en s'interrogeant sur la réaction d'Isuzu, en craignant de la comprendre ou de se fourvoyer. Dans ses bras, elle n'avait pas repoussé son étreinte. Et si dans un premier temps il avait supposé que la surprise était trop vive pour immédiatement susciter l'indignation et la colère, il se demandait à présent si sa soudaine douceur protectrice et amicale avait retenu Isuzu. Puis il avait croisé le regard de ses yeux sombres, égals à eux-mêmes, ce qui achevait de le dérouté.


      Il lui était impossible de déterminer s'il venait de la blesser comme jamais ou si au contraire il l'avait apaisé et réconforter. Isuzu était de ces personnes énigmatiques que l'on a le plus grand mal à saisir et qui demeure toujours un mystère, quelques soient les espoirs que l'on nourrisse ou la volonté dont on fait preuve. C'est pourquoi, lorsqu'il s'était relevé, Liven avait retrouvé cette attitude neutre, froide et distante qui était la sienne. Un comportement qui lui permettait d'attendre à défaut d'anticiper les réactions de la jeune femme. Liven ne pouvait pourtant pas nier être perdu et sur la défensive. Elle agissait normalement en rangeant son arme, pourtant, il devinait sous cette tranquillité de façade l'émoi qui avait du la saisir et l'avait empêchée de réagir tandis que tour à tour il l'agressait puis la réconfortait. La propre contradiction de son comportement avait du la surprendre, il s'en doutait. L'attente se transforma en une angoisse légère teintée d'amertume. Il voulait qu'elle comprenne, qu'elle ne lui reproche pas sa dureté comme sa tendresse, qu'elle accepte cette proximité réservée et pudique qu'ils semblaient entretenir. Soudain, elle laissa tomber un mot, une simple conclusion à la validation qu'il venait lui-même d'exprimer. Les sourcils de Liven s'arquèrent légèrement d'étonnement avant de se froncer pour offrir un regard intrigué. Rêvait-il ou a voix venait de trembler ? Il tenta de se convaincre qu'il s'agissait du fruit de son imagination. Isuzu ne se laisserait jamais allée de la sorte, elle ne pouvait pas être émue au point de... Liven afficha un discret sourire en coin, non pas moqueur, non pas satisfait, mais indulgent et encourageant. Peut importait où se situaient ses erreurs et peut importait qu'il se soit laissé aller à sacrifier sa raison et sa mesure à ses émotions. Il était parvenu à atteindre ce cœur éteint, comme une rose sèche et flétrie qui bourgeonnerait à nouveau, timidement. Il était parvenu à lui faire comprendre son inquiétude, son soulagement, son amitié, quand bien même n'était-elle pas tout à fait prête à y faire face. Son sourire retomba aussi imperceptiblement qu'il s'était étiré sur ses lèvres.


      Lentement, Liven se détourna, pour s'avancer vers la porte laissée ouverte qui menait à l'intérieur de l'immeuble. Dans son mouvement, il emporta la vision d'une marque rouge qui se teintait progressivement de mauve sur le bras d'Isuzu. Le jeune homme se figea, suspendant son demi-tour pour reposer ses yeux sur l'hématome naissant qui avait traversé son champ de vision. Doucement, il fronça les sourcils, serrant la mâchoire dans un air contrarié. Dire qu'il regrettait pleinement sa colère était un mensonge. Dire que la vision de cette marque le remplissait d'un fort sentiment de culpabilité aussi. Ce ne serait pas la première fois que Liven ignorait l'indécence ou l'immoralité de certains actes du moment qu'il parvenait au but recherché. Pourtant, l'incertitude des sentiments d'Isuzu à ce sujet l'inquiétait. Lui voudrait-elle ? Certainement. Il y avait fort à parier qu'elle ne pardonnerait pas aussi aisément cette blessure qui, certes légère et sans grande conséquence, devait assurément demeurer douloureuse. Liven ramena ses yeux sur ceux d'Isuzu, cherchant son regard avant de laisser teinter dans l'air frais sa voix profonde et éraillée, à la tonalité calme et sérieuse, préoccuper mais surtout hésitante.



      - ...Ça va aller ?


      Quoi ? La mission éprouvante qu'elle venait d'accomplir ? Ce qu'il venait de lui faire subir ? La blessure qu'il lui avait faite ? Celle qui lui apparaissait visible tout du moins... Il ne parvenait pas à croire qu'il se soit montrer hésitant à poser cette question. Cependant, l'imprévisibilité d'Isuzu le poussait à se montrer prudent et donc moins assuré qu'il aurait pu l'être. Le jeune homme revint sur ses pas, s'avançant à nouveau vers Isuzu mais cette fois avec la démarche calme, flegmatique et décontractée qui était la sienne. Il s'arrêta à quelques pas, lançant un regard soucieux sur la jeune femme. Il eut l'envie d'ajouter quelque chose mais se ravisa, conscient qu'elle demeurait ici la victime de son impulsivité. Liven ne pouvait que se montrer d'une compassion minime s'il ne voulait pas paraître hypocrite.


      - Je peux m'en charger...



      Ne pas la contraindre plus qu'elle ne l'était déjà, ne pas lui donner ce prétexte pour qu'elle nourrisse méfiance et agacement devant l'irrégularité de son caractère...


      - ...si tu veux.


      Liven détourna le regard, laissant ses mains trainer dans ses poches, parfaitement conscient de sa proposition incongrue, parfaitement conscient qu'elle s'empresserait certainement de refuser, mais heureux de lui avoir tendu cette main dont elle avait tant besoin. Le silence s'installa à la suite de sa prise de parole mais Liven ne s'en offusqua pas. Il haussa les épaules avec un sourire, d'un air désabusé. Non, il ne s'excuserait pas mais non, il ne lui en voudrait pas de lui en vouloir. Se redressant, il laissa à nouveau ses iris bleu électrique chercher celle d'un noir abyssal d'Isuzu.


      - Comme tu voudras. Tu sais où me trouver si tu as besoin de moi...


      Puis, il se détourna pour de bon cette fois-ci, revenant vers la porte. Juste avant de disparaître à l'intérieur, il se contenta de laisser la porte de leur amitié naissante ouverte.


      - ...n'hésite pas.



      La haute silhouette de Liven se profila encore un instant dans l'ombre de l'encadrement avant de s'évanouir.
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    Message  Isuzu Kamageta Lun 12 Juil 2010 - 15:50

      Isuzu damnait le malheureux tremblement de sa voix. Pourquoi n’avait-elle pas été capable de se contrôler ? Elle l’avait toujours fait. Son bras lui faisait mal, à l’endroit même où il l’avait si violement saisie, mais sa fierté n’admettait stupidement pas qu’elle examine ce bleu naissant en présence de Liven. Elle attendait donc qu’il s’en aille, préférant se concentrer sur un moyen de ramener Vincent sans trop se fatiguer plutôt que sur le profond trouble émotionnel qui l’avait saisie. Oui, il était hors de question qu’elle demande ce service à Liven. Elle s’était toujours targuée de son indépendance et de son autonomie, elle ne voulait pas dépendre de cet homme qui s’approchait malheureusement bien trop à son goût en plus de tout ce qu’il lui faisait déjà subir. Certes, il n’y avait aucun mal à demander un service à un ami – ou quelqu’un qui se présente, peu à peu, comme tel – mais Isuzu n’acceptait pas cette idée de devoir quelque chose à quelqu’un, et c’était encore pire s’il s’agissait de Liven. Non pas qu’elle ne l’appréciait pas, bien entendu, puisque c’était tout le contraire : elle l’aimait trop pour lui demander quelque chose et pour le laisser s’approcher d’elle. Mais il était déjà trop tard, elle le savait. En le laissant la réprimander puis la prendre dans ses bras, sans transitions aucune, en se montrant troublée, et terriblement faible – quelle notion haïe ! –, elle n’avait pas agit comme il le fallait pour sauver jusqu’au bout son désir indépendantiste et solitaire. Néanmoins, tout en jugeant qu’il avait été une erreur de ne pas réagir, une erreur de montrer à Liven à quel point elle avait compris qu’il tenait à se lier à elle, elle n’irait pas jusqu’à regretter cette erreur. D’une part, car il n’était pas dans ses coutumes de regretter, elle assumait plus ou moins son passé, et les rares choses qu’elle venait à regretter était bien plus importante que cela. D’autre part, car elle avait parfaitement senti à quel point cela fit plaisir à Kiro, son double protecteur, cette partie de son âme qu’elle allait sacrifier à grand malheur lors de sa mort qu’elle jugeait imminente. Enfin, elle avait une solution ultime pour que n’arrive pas ce qu’elle craignait, et qui s’était pourtant déjà bien établi : la séparation. Elle pouvait très bien ne plus jamais le revoir si elle le souhaitait, pas vrai ?

      Il était fin, ce sourire, il n’était ni moqueur, ni mauvais, ni blessant de quelque façon que ce soit pour l’ego de la chasseuse. Et pourtant… Pourtant, il la toucha plus que tous les sourires mi-hypocrites qu’il lui arrivait de lui adresser. Un sourire gentil, protecteur, rare sur les lèvres du professeur, et pourtant elle aurait voulu ne jamais le voir. Pas envers elle. Il ne pouvait pas lui faire ça. Oui, elle avait remarqué ce subtil changement d’expression, connaissant ses traits mieux qu’elle osait l’avouer. A ce sourire, elle répondit par son air habituellement impassible et glacial qui, s’il lui avait fait défaut lors de l’étreinte que Liven lui avait offerte, ne l’avait pas laissé tombée, contrairement à sa traitresse de voix trop aigüe – oui, elle n’aimait pas vraiment sa voix de ce fait. Il était hors de question qu’il prenne plus longtemps connaissance de son trouble. Elle voulait qu’il oublie, oublie tout ce qu’elle avait pu lui montrer de la femme faible qui se dissimulait si habilement derrière son image si forte. Mais elle savait que cet espoir était dérisoire. Tout comme elle, il n’oublierait certainement jamais cette nuit, cette étreinte. Si jamais elle tenter d’oublier, de toute façon, elle aurait pour un certain moment cette marque sur sa peau, cette douleur persistante pour lui rappeler les événements de cette mission. Elle qui marquait pourtant si peu, qui pouvait faire ce qu’elle voulait de son corps… Liven lui avait rappelé les limites de cette liberté, en se montrant si brusque avec elle : si elle aurait très bien pu l’empêcher d’agir ainsi, se libérer et lui donner une bonne leçon physiquement parlant, elle était trop faible mentalement, malgré toutes les barrières qu’elle érigeait et toute les libertés qu’elle se permettait pour s’imposer comme seule maîtresse de sa destinée, pour résister véritablement à un assaut aussi violent que celui que Liven venait de lui lancer. L’effroi s’empara d’elle lorsqu’elle s’imagina tout ce qu’on pouvait faire d’elle, en découvrant qu’elle n’était pas si forte qu’elle y paraissait. Soudainement, Liven lui parut comme un danger. Son sourire s’évanoui, aussi subtilement qu’il était apparu. Elle aurait préféré l’oublier, mais elle savait encore une fois qu’elle n’y parviendrait pas.

      Puis, sans un mot de plus, sans au revoir, comme ils en avaient plutôt coutume les quelques fois où ils se croisaient, il se détourna pour s’en aller. Elle allait enfin être tranquille avec ses doutes et le cadavre et… Qu’est ce qu’il faisait, là, au juste ? Il s’était figé, soudainement, ce qui ne plu bien entendu pas du tout à notre chasseuse de prime : elle ne désirait présentement qu’une seule chose, qu’il s’éloigne et la laisse, qu’il lui laisse du temps pour réfléchir à la conduite qu’elle adopterait envers lui : la fuite, les faux semblants ? Il lui semblait bien entendu inenvisageable de faire savoir qu’elle l’aimait, beaucoup, et donc, l’amitié affichée n’était pas du domaine du possible. L’observatrice remarqua le regard sur son bras, la mâchoire serrée. Quoi, il regrettait ? Il en était hors de question. Pardon, si elle voulait des excuses ? Pas la moindre. S’il regrettait, cela ne venait qu’à confirmer cette sensation détestable qu’elle avait de s’être fait, peu à peu, un ami. En même temps… Du peu qu’elle connaissait de Liven, elle se doutait que ce n’était pas parce qu’il ne lui présentait pas d’excuse que l’amitié serait inenvisageable entre eux. Après tout, solitude mise de côté – et encore ! – ils se ressemblaient, dans leur fierté, dans leur ego. Elle savait qu’elle ne ferait aucune excuse à Liven, que ce soit pour la fois où elle avait failli le tuer, plus récemment pour avoir maltraité son bras, et pour toutes les fois encore où elle lui ferait du mal par le futur, si tant est qu’ils aient un futur commun – physiquement comme mentalement. Elle n’attendait pas d’excuses, elle avait conscience de ses fautes, qu’il ne se serait pas conduit de la même façon si jamais elle avait conservé son masque de glace, si elle s’était débattue comme on aurait pu l’attendre. Tout cela ne lui empêcherait pas d’en vouloir à cet homme qu’elle estimait tant. Liven la regarda, elle ne quitta pas ses yeux. La glace demeurait, à son plus grand soulagement.

      Il lui posa alors une question, qui mena peu à peu Isuzu à l’agacement. Négligeant volontairement l’hésitation de Liven, ignorant sa préoccupation manifeste, elle s’offusqua du sens de cette question. Comment osait-il lui demander cela, lui qui n’était pas étranger à son malaise, et qui le savait pertinemment ? Attendez… Déjà, par rapport à quoi il lui posait cette question ? Sa mission et la fatigue qui en découlait ? Le mal physique qu’il lui avait fait subir ? Ou alors, la profonde entaille qu’il venait de faire en son âme ? Elle n’en savait rien, préférait ne pas le savoir et ne répondit pas, le regardant toujours de ce même air glacial. Il s’approcha, de nouveau. Il était hors de question qu’elle lui dise la vérité, et elle n’avait actuellement pas la force de lui mentir. Car non, ça n’allait pas. Elle était épuisée, agacée par la douleur persistance de son bras qu’elle ne regardait toujours pas, et surtout, surtout, elle se sentait encore plus mal que d’ordinaire. Elle n’allait pas bien, déjà d’habitude. Et là, c’était pire que tout. Il le savait certainement, pas vrai ? C’est pourquoi elle ne répondit pas. S’il posait cette question, d’ailleurs, c’était qu’il connaissait certainement d’hors et déjà la réponse. Et puis, il lui proposa son aide, cette aide qu’elle refusait tant. Qu’elle continuait à refuser. Elle craignait quelque peu que sa voix ne la lâche de nouveau, bien qu’elle soit alors plus sûre d’elle qu’auparavant. Parce que sa réponse lui parut évidente, elle ne répondit pas à la question de Liven. Non, elle ne voulait pas qu’il s’en charge. Dépendre de quelqu’un était une faiblesse qu’elle refusait, l’une des seules qu’elle pouvait contrer aussi bien en apparence qu’en profondeur. D’ailleurs, Liven devait la connaître assez pour savoir ce que sa proposition avait d’absurde. Isuzu reste donc plongée dans le mutisme, ses prunelles de ce noir si profond toujours plongées dans celles bleues de Liven.

      Et puis il se détourna de nouveau, et elle espérait qu’il ne revienne pas vers elle. Elle n’avait pas envie de lui faire face plus longtemps, ce serait trop éprouvant avec ce qui c’était déjà passé. De ce fait, elle fut satisfaite de voir qu’il n’avait pas l’air de se retourner jusqu’à atteindre la porte, et qu’il finit par disparaître. Oui, elle savait où elle pourrait le trouver. Elle savait aussi désormais qu’il était là pour elle, qu’elle n’était pas seule. Et cette idée, tout en lui déplaisant fortement, avait un arrière goût de bonheur et d’avenir. Arrière goût qui la révulsait violement, qu’elle refusait de reconnaître et d’admettre, bien évidement. Se servant des rudiments de magie qu’elle connaissait pour alléger la masse que représentait le corps inerte qu’elle devait ramener, elle l’installa sur son dos avant de se relever, laissant traîner les pieds de Vincent au sol sans y accorder une quelconque importance, et avança pour le ramener. Ultime effort avant de rentrer chez elle et de se reposer. Elle savait où trouver Liven, oui, et désormais, malgré tout ce qu’elle se disait, elle avait l’intime conviction que non, elle n’hésiterait pas à le trouver en cas de besoin.

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