- Mélancolie. Doux sentiment d’amertume lié aux meilleurs souvenirs qui soient. Regrets d’avoir tué dans l’œuf la possibilité d’avoir de nouveaux excellents moments avec les personnes qui ont crée les meilleurs passages de votre vie. Aussi étrange que cela puisse paraître, quand on sait à quel point il s’acharne à n’avoir pas le moindre regret et qu’il semble souvent étranger à toute forme de peine, cet état d’esprit arrivait également à Vasco. Il lui tombait dessus, sans prévenir, à cause d’une odeur, ou d’une image qui lui en rappelait une autre. Et il faisait généralement comme si de rien n’était, ou alors, il s’enfermait pour broyer du noir dans son coin. Un exemple type semblait destiné à s’étaler sur cette journée… Oh, doux hasard… Doux hasard dont les vents mèneraient Vasco à faire une bien étrange rencontre, si je puis dire.
Cela faisait quelques jours, pas même une semaine, que Vasco était devenu subitement blond. Les gens qu’il connaissait un peu et voyait à peu près régulièrement commençait à s’y faire. Lui également se mettait à cesser de regretter son ancienne couleur. On entendait de plus en plus parler de lui, d’Anonyme, en ville, et cela le ravissait. On pouvait dire que tout allait pour le mieux, le mieux depuis maintenant plus de sept ans. C’est peut-être ce bien être qui influa sur les pensées du rockeur et le fit songer de nouveau au " bon vieux temps ". Comme ça, au réveil, qui fut, étrangement, plus tôt que d’ordinaire : onze heures, un record quand on sait qu’il ne se réveillait d’ordinaire pas avant quatorze heures au moins. Il faut dire que mademoiselle l’inspiration était partie en voyage sans le prévenir la veille et que, du coup, il se retrouvait comme un idiot face à sa guitare à rejouer des airs connus ou en tout cas déjà composés plutôt que d’en créer de nouveau comme était son plan. Alors il s’endormit vers minuit, ce qui était un grand progrès en soit. Mais nous ne sommes pas là pour disserter autour du rythme de vie infernal que tenait Vasco, aussi feront-nous l’impasse là-dessus. Donc, reprenons. A onze heures, le réveil. Et la nostalgie qui lui tombait dessus, sans prévenir, juste parce qu’il avait eu l’idée géniale de mettre un peu d’ordre dans ses affaires. Cela exigeait qu’il vide son sac entièrement, et, comme ses placards étaient dans un désordre sans nom, il en allait de même pour eux. Et c’est là qu’il le trouva. C’était un objet comme un autre, aux yeux des autres. Mais pour Vasco, il en était autrement.
Un chapeau. Oui, un chapeau, charmant mais bête chapeau, fut source de sa petite déprime, si nous pouvons utiliser ce terme. Une déprime teinte de mélancolie. Ce chapeau avait une réelle valeur sentimentale, en fait : c’était sa mère qui lui avait offert, un mois, peut-être plus, avant son départ précipité. Détail, parmi toutes les affaires, les livres, sa guitare, son piano, qu’il avait emporté en partant de chez lui. Mais s’il était habitué à la présence des livres et de ses instruments de musique, il avait presque oublié l’existence du chapeau. Comment, son rangement ? Et bien, a partir du moment où il trouva ledit chapeau, il laissa tout là où il l’avait déplacé. Et, bêtement, après l’avoir essayé – il lui allait encore, mais il lui semblait qu’il était un rien trop grand quand il l’avait enfilé pour la première fois -, il contempla l’objet, pendant facilement un quart d’heure. D’ailleurs, sans Vitani, il aurait certainement passé sa journée à se perdre dans le " bon vieux temps ", comme on dit. Ce qu’elle fit ? Elle le disputa presque et l’obligea à sortir jouer quelque chose, sur la place publique, par exemple. Un truc motivant, de préférence. Comme elle le lui indiqua justement, cela ne servait à rien de se morfondre et, de plus, ils n’avaient presque plus d’argent, excepté les économies qu’elle gardait jalousement " au cas où ". Donc, il était logique d’aller au lieu ou il avait le plus de chances d’attirer l’attention. C’est ainsi qu’à environ quatorze heures et après avoir enfilé un jeans, un pull noir délicatement moulant et son habituelle veste en cuir puis après avoir posé son chapeau sur la tête, il débarquait avec sa guitare sur le dos sur la place publique. La question se posait désormais : qu’allait-il interpréter ? Il n’avait pas envie d’un truc gai, contrairement aux souhaits de sa compagne d’infortune. Puis enfin il se décida, au bout de bien cinq minutes planté face à la fontaine, comme s’il n’avait rien de mieux à faire de sa journée que de contempler l’eau qui coulait et d’écouter son son délicat, qu’il percevait légèrement malgré la foule.
Sail Away (the Rasmus).Triste à souhait, pas vrai ? Il trouvait que cela dépeignait bien son humeur actuelle. Son cœur était écrasé par le poids des souvenirs, les bons comme les moins bons. Alors, après s’être présenté et avoir savouré le faire que certains semblaient reconnaître son nom d’artiste qui était, il faut dire, assez marquant, il s’attaqua à l’interprétation de cette chanson, son chapeau aux pattes d’une Vitani allongée et exaspérée par son humain : elle avait espéré qu’il chante pour se remonter le moral, mais non, il n’écoutait jamais ses conseils, de toute façon. Elle n’avait plus qu’à espérer que son interprétation lui serve d’exutoire. Si Vasco avait déjà songé à la mort ? A vrai dire, plus depuis bien, bien longtemps. Depuis qu’il avait crut mourir, cette fameuse nuit où il avait perdu son œil avant de s’enfuir de la demeure familiale comme un voleur. Après être parti à la dérive et avoir évité de penser en utilisant toutes ses forces pour ne devenir plus que le fantôme de lui-même, inconscient de ce qu’il faisait plus de la moitié du temps, après avoir rencontré une entité capable de réfléchir à sa place et selon ses propres sentiments, il avait retenu une chose : certes, la mort pouvait venir n’importe quand. Et c’est justement pour cela qu’il tentait de vivre de façon à n’avoir jamais aucun regret. Vivre au jour le jour, avec le seul objectif de vivre de la musique : il l’avait d’ailleurs atteint, même s’il avait manqué de peu l’expulsion de l’Auberge par plusieurs fois. Des jours ou sa bonne étoile avait décidé de le laisser se débrouiller un peu seul, certainement. Et aujourd’hui ? Aujourd’hui, comme il le constaterait, sa bonne étoile avait décidé de le gâter… Sur le plan financier, au moins. Car la rencontre qui allait avoir lieu, nul ne pouvait dire s’il s’agissait pour notre phénomène d’une chance ou d’une catastrophe. Et donc, il se contentait de vivre, vivre à fond en tentant de s’attacher le moins possible à des choses où à des gens, vivre même s’il fallait mourir l’instant d’après …
A la fin de son interprétation, Vitani se leva et s’étira alors qu’il jetait un coup d’œil à son chapeau. C’était visiblement un jour de chance. Il était satisfait et commença à dire à son familier qu’ils étaient tranquille pour un moment, avec ça, et que c’était peut-être le signe d’une célébrité à venir, car rarement les gens avaient étés si généreux avec lui auparavant. Sauf qu’il remarqua bien vite qu’elle ne l’écoutait pas. D’un air faussement énervé, il hurla dans l’esprit de sa renarde qui semblait pétrifiée.
+ Attention, une bulle rose géante arrive droit sur nous pour nous dévorer !
¤ Arrête tes bêtises et regarde plutôt cette… Chose… Je ne savais pas qu’il était possible d’être aussi laid…
Comme il écoutait toujours les avis avisés de sa renarde, le jeune artiste suivit la direction du regard de son familier… Et quelle horreur il vit. Il n’avait jamais vut chose pareille. Oubliant du même coup son chapeau, il était presque bouche bée devant un tel… Monstre. Car je vous le demande, comment décrire cette chose reptilienne autrement que par le terme de monstre ? Il n’avait qu’un seul souhait, qu’elle reste le plus loin possible de lui. Souhait qui était d’ailleurs partagé par sa moitié, pour une fois qu’ils étaient d’accord. Et puis, LA pensée intelligente arriva, au bout de bien deux minutes de contemplation ahurie. Cette chose avait quand même l’air animal. Alors, à moins qu’il s’agisse d’une illusion… Ce truc était un familier ?! Vasco se mit immédiatement à plaindre le pauvre humain qui y était rattaché. En plus, il voyait bien l’ironie qui dicterait que la pauvre personne qui devait accompagner cette chose à l’apparence plutôt écœurante soir une personne splendide… Une magnifique jeune fille… Et, comme il s’égarait sur un chemin qui ne plaisait pas à la renarde, celle-ci lui mordilla le mollet pour le faire revenir sur terre ou, ici, sur Gamaëlia. Il se retourna donc vers son chapeau… Pardon, vers le vide. Plus de chapeau, plus d’argent non plus. Oh oh. Il fut tellement catastrophé qu’il en hurla, s’attirant des regards curieux.
" Mon chapeau !"
La réaction de Vitani, sursautant et arrachant son regard du monstre pour le diriger vers l’emplacement où se trouvait auparavant ledit chapeau, ne se fit pas attendre. Elle était tellement surprise qu’elle en oublia de parler dans l’esprit de son humain et que sa voix fut donc audible pour tous, aussi fortement que l’artiste.
- Imbécile ! On t’as volé ton argent et tu ne pense qu’au chapeau ?!
" Tu sais très bien que ce chapeau vaut mille fois l’argent qu’il y avait dedans ! "
Certes, elle le savait. C’est justement pour cela qu’elle ne fit aucun autre commentaire, l’air renfrogné, alors que son humain scrutait la foule de son œil valide, visiblement paniqué. Ce qu’il en apprenait. Ne jamais, jamais se laisser distraire alors qu’il avait de l’argent à son côté droit, côté où, rappelons-le, il ne voyait pas.