Il avait froid. Les mains fourrées dans les poches de son jeans d'un tissu bleu foncé épais, il essayait désespérément de les réchauffer un tant soit peu à défaut de pouvoir compter sur une veste qu'il ne portait pas, allongeant quelque peu sa foulée pour arriver plus vite à destination. Il se tenait un peu voûté comme pour se protéger instinctivement, les mains dans les poches et les épaules tremblotant par à-coups, la bise glaciale de l'hiver désordonnant ses cheveux de jais déjà pourtant bien en bataille et s'infiltrant sous l'unique pull qu'il portait sur le dos, d'un tissu bien trop fin pour pouvoir contrer le froid, noir et de coupe très simple, lui dévoilant la gorge et une partie de l'épaule. Pourquoi sortir sans veste par un temps pareil, uniquement vêtu d'un jeans, d'une paire de chaînettes autour des hanches en guise de ceinture et d'un pull trop fin ? Excellente question. À dire vrai, Oz lui-même n'aurait pas de réponse exacte à fournir. C'était juste une sale habitude qu'il avait, de sortir sans avoir grand chose sur le dos. Et d'habitude, il piquait toujours un pull épais à Vasco ou même sa veste en cuir quand le musicien ne la portait pas, sauf qu'il avait tâché d'éviter la chambre de ce dernier pendant un peu plus d'une semaine dernièrement, s'obstinant à s'absenter, à esquiver et à dormir dans les endroits plus ou moins improbables selon les cas, au pire la tête appuyée sur la table d'un bar en compagnie de Jimmy, au mieux dans une petite chambre au-dessus du même genre d'établissement, louée sur un coup de tête avec l'argent qu'il disposait grâce à son père. Alors aujourd'hui encore, lorsqu'il s'était arrangé pour quitter l'auberge sans croiser ni une certaine brunette ni un certain blondinet de sa connaissance, il était parti vêtu de cette manière sans penser à emporter une veste. Il le regrettait un peu maintenant qu'il en arrivait au point de claquer des dents, mais il n'avait pas encore froid au point de s'avouer avoir eut tort, même pour une chose dans le fond aussi futile que celle-ci. Non, pour en arriver à avouer avoir eut tort, il faudrait qu'il soit littéralement mort de froid dans une ruelle de la capitale.
I'm dying to catch my breath.
Même une fois à l'intérieur de la salle principale de l'auberge sannomienne, Oswald ne retira pas tout de suite les mains des poches de son jeans. La chaleur ambiante lui arracha un frisson dû à la différence de température entre l'intérieur et l'extérieur, mais il n'y fit pas plus attention que cela et poursuivit sa route sans s'arrêter, traversant la salle tout droit en direction des escaliers qui menaient aux étages de l'établissement. Il aperçut Pop au comptoir du coin de l'œil, l'aubergiste qu'ils avaient appris à apprécier avec Vasco à force de le côtoyer quasiment chaque jour. Ill faillit s'arrêter pour le saluer sauf que la masse de gens agglutinés au bar le découragea et il préféra donc poursuivre son chemin, sans accorder ni un regard ni un salut personne, éternel gosse de riche solitaire ou pas si solitaire que ça, jugé par la masse tout simplement trop hautain et trop imbu de sa personne pour accorder la moindre attention à autrui – exactement comme il voulait qu'on le juge. La montée des escaliers lui arracha une grimace furtive et il profita du fait de déboucher dans un couloir désert pour sortir une main de sa poche et soulever son pull, baissant les yeux sur l'hématome qui lui balafrait le flanc. Il ne se souvenait même plus comment il était apparu, celui-ci. Est-ce que c'était un coup qu'il avait reçu dans la bagarre qui l'avait opposé aujourd'hui encore à une bande de types faciles à provoquer au coin d'une rue ? Probablement. Il s'était pris pas mal de coups, cette fois-ci – forcément, lorsque l'on affrontait trois personnes tout seul. Mais comme toujours, il n'en avait rien à faire. Peut-être aussi que l'hématome datait d'un peu plus longtemps, par exemple du soir où il avait connement décidé d'infiltrer le quartier général des Chasseurs de primes en compagnie de Jimmy. Une belle erreur, cette histoire. Mais là encore, il s'en foutait : peu importait. La douleur physique était plus facile à supporter que la douleur mentale. Il préférait avoir mal au corps que mal à l'âme. Et puis, se défouler, donner matière à la colère, ça annihilait toute pensée et ça permettait de retarder le moment où il faudrait bien un jour faire face. Faire face à ce qu'on lui avait dit, faire face au changement, faire face à ce qu'il ne voulait pas, faire face à ce qu'il vivait, faire face à tout. Et il ne voulait juste pas.
I've lost all my trust.
Pourquoi cette porte ?
Though I've surely tried to turn it around.
Maintenant qu'il avait lâché son pull, qu'il avait à nouveau fourré la main dans la poche de son jeans et qu'il avait continué d'avancer machinalement par la force de l'habitude, il se retrouvait planté devant la porte d'une chambre qu'il connaissait bien. Il l'avait probablement occupée autant que la sienne, à force de faire la navette entre l'une et l'autre sur un coup de tête ou un autre. Fronçant légèrement les sourcils, laissant son regard couleur d'émeraude fixé sur le bois de la porte, un bleu dû à la bagarre qu'il avait lui-même provoqué plus tôt dans la journée s'étant formé sur le haut de sa pommette gauche, sous l'œil, et le coin de la lèvre éraflé, Oz resta totalement immobile, ayant encore froid dans son pull trop fin. Ou peut-être qu'il avait froid tout court. Qu'est-ce qu'il foutait là, sérieusement ? Depuis que Vasco lui avait foutu cette énorme claque mentale au port, un peu plus d'une semaine auparavant, il faisait tout pour l'éviter. Tout comme il tâchait d'éviter encore le plus possible cette fille qu'il connaissait bien et qui avait débarqué à nouveau dans sa vie sans rien demander, d'ailleurs. Alors pourquoi venir se planter devant cette porte maintenant ? Pourquoi avoir l'envie irrépressible de l'ouvrir, d'entrer et de se fourrer sous les couvertures du lit imprégné de l'odeur d'une personne qu'il aurait préféré détester ? Il le savait, il le savait très bien, mais il refusait de se le formuler. Il l'avait pourtant dit clairement, le jour où Sila était arrivée, il le lui avait dit clairement sans savoir pourquoi il s'était cru obligé de lui ouvrir un infime pan de son cœur, à elle qu'il évitait présentement au même titre que Vasco. S'attacher. S'attacher irrémédiablement. Avoir besoin de. Un besoin viscéral. C'était tellement nuisible. Tellement handicapant, tellement aliénant. Et il avait peur. Il avait peur de tout. Il avait peur de cet attachement. Il avait peur qu'on le laisse, qu'il le laisse. Il avait peur qu'elle change tout, qu'elle l'aliène à son tour. Il avait peur, il l'avait toujours eu et il était juste perdu. Et là debout dans le couloir de l'auberge, là planté devant une porte qu'il ne se résolvait toujours pas à ouvrir, là les yeux dans le vague, les sourcils légèrement froncés, le regard perdu et les mains dans les poches, il hésitait.
Save me from my fear.
Il ne savait même pas ce qu'il faisait. Il ne savait même pas s'il allait foudroyer Vasco du regard dès qu'il le verrait et faire aussitôt demi-tour pour finalement changer d'avis et fuir au plus vite, il ne savait même pas ce qu'il voulait et comment il réagirait. Là tout de suite, il avait décidé de laisser les interrogations de côté pour laisser place entière à ce que son âme, à ce que son corps, à ce que son être entier, sauf sa raison et son obstination, voulaient. Il posa la main sur la poignée de la porte, la tourna et poussa le battant pour entrer – cette porte, il le savait, n'était jamais fermée. Ne me brise pas. Les yeux d'abord baissés, il les releva presque avec méfiance pour les promener sur la chambre. Maintenant que tu as ouvert cette porte, ne la laisse pas se refermer. La chambre qui, il le constata très vite, était vide. Il n'eut même pas le temps de se sentir soulagé ou non que le bruit caractéristique de la douche en marche lui parvint de la porte fermée de la salle de bains, lui faisant déduire logiquement que Vasco était bien là, mais qu'il prenait sa douche. Planté sur le seuil, Oz hésita à nouveau. Il pouvait tout à fait faire demi-tour, refermer cette porte comme s'il n'était jamais entré et repartir, ni vu, ni connu. Oui, il pouvait. Mais il referma quand même la porte derrière lui, doucement, sans aucun bruit, presque distraitement, avant de porter un regard fatigué et souligné par le bleu qui marquait sa peau blanche sur le lit de Vasco, dans un coin de la pièce. Il avait l'intime conviction qu'il était en train de faire une erreur, il le sentait dans chaque fibre de son corps qui voulait continuer à fuir. Mais il promena tout de même distraitement le bout de ses doigts sur le mur avant d'y prendre appui pour se débarrasser de ses chaussures en les envoyant valser près de l'armoire, puis ses chaussettes pour pouvoir poser ses pieds nus sur le sol. Il avança ensuite sans bruit jusqu'au lit pour y poser d'abord un genoux puis s'y laisser choir, le corps relâché comme s'il n'attendait plus que ça. Se tournant du côté pour se retrouver face au mur, presque tout contre lui, Oz remonta quelque peu les genoux, colla ses pieds l'un contre l'autre dans l'espoir de les réchauffer un peu puis tendit légèrement la main devant lui pour toucher le mur du bout de ses doigts. Se concentrant uniquement sur le bruit de l'eau dans la pièce d'à côté, il ferma alors les yeux.
Gime me something I can believe.
Et il ne savait toujours pas ce qu'il venait chercher.
I'm dying to catch my breath.
Même une fois à l'intérieur de la salle principale de l'auberge sannomienne, Oswald ne retira pas tout de suite les mains des poches de son jeans. La chaleur ambiante lui arracha un frisson dû à la différence de température entre l'intérieur et l'extérieur, mais il n'y fit pas plus attention que cela et poursuivit sa route sans s'arrêter, traversant la salle tout droit en direction des escaliers qui menaient aux étages de l'établissement. Il aperçut Pop au comptoir du coin de l'œil, l'aubergiste qu'ils avaient appris à apprécier avec Vasco à force de le côtoyer quasiment chaque jour. Ill faillit s'arrêter pour le saluer sauf que la masse de gens agglutinés au bar le découragea et il préféra donc poursuivre son chemin, sans accorder ni un regard ni un salut personne, éternel gosse de riche solitaire ou pas si solitaire que ça, jugé par la masse tout simplement trop hautain et trop imbu de sa personne pour accorder la moindre attention à autrui – exactement comme il voulait qu'on le juge. La montée des escaliers lui arracha une grimace furtive et il profita du fait de déboucher dans un couloir désert pour sortir une main de sa poche et soulever son pull, baissant les yeux sur l'hématome qui lui balafrait le flanc. Il ne se souvenait même plus comment il était apparu, celui-ci. Est-ce que c'était un coup qu'il avait reçu dans la bagarre qui l'avait opposé aujourd'hui encore à une bande de types faciles à provoquer au coin d'une rue ? Probablement. Il s'était pris pas mal de coups, cette fois-ci – forcément, lorsque l'on affrontait trois personnes tout seul. Mais comme toujours, il n'en avait rien à faire. Peut-être aussi que l'hématome datait d'un peu plus longtemps, par exemple du soir où il avait connement décidé d'infiltrer le quartier général des Chasseurs de primes en compagnie de Jimmy. Une belle erreur, cette histoire. Mais là encore, il s'en foutait : peu importait. La douleur physique était plus facile à supporter que la douleur mentale. Il préférait avoir mal au corps que mal à l'âme. Et puis, se défouler, donner matière à la colère, ça annihilait toute pensée et ça permettait de retarder le moment où il faudrait bien un jour faire face. Faire face à ce qu'on lui avait dit, faire face au changement, faire face à ce qu'il ne voulait pas, faire face à ce qu'il vivait, faire face à tout. Et il ne voulait juste pas.
I've lost all my trust.
Pourquoi cette porte ?
Though I've surely tried to turn it around.
Maintenant qu'il avait lâché son pull, qu'il avait à nouveau fourré la main dans la poche de son jeans et qu'il avait continué d'avancer machinalement par la force de l'habitude, il se retrouvait planté devant la porte d'une chambre qu'il connaissait bien. Il l'avait probablement occupée autant que la sienne, à force de faire la navette entre l'une et l'autre sur un coup de tête ou un autre. Fronçant légèrement les sourcils, laissant son regard couleur d'émeraude fixé sur le bois de la porte, un bleu dû à la bagarre qu'il avait lui-même provoqué plus tôt dans la journée s'étant formé sur le haut de sa pommette gauche, sous l'œil, et le coin de la lèvre éraflé, Oz resta totalement immobile, ayant encore froid dans son pull trop fin. Ou peut-être qu'il avait froid tout court. Qu'est-ce qu'il foutait là, sérieusement ? Depuis que Vasco lui avait foutu cette énorme claque mentale au port, un peu plus d'une semaine auparavant, il faisait tout pour l'éviter. Tout comme il tâchait d'éviter encore le plus possible cette fille qu'il connaissait bien et qui avait débarqué à nouveau dans sa vie sans rien demander, d'ailleurs. Alors pourquoi venir se planter devant cette porte maintenant ? Pourquoi avoir l'envie irrépressible de l'ouvrir, d'entrer et de se fourrer sous les couvertures du lit imprégné de l'odeur d'une personne qu'il aurait préféré détester ? Il le savait, il le savait très bien, mais il refusait de se le formuler. Il l'avait pourtant dit clairement, le jour où Sila était arrivée, il le lui avait dit clairement sans savoir pourquoi il s'était cru obligé de lui ouvrir un infime pan de son cœur, à elle qu'il évitait présentement au même titre que Vasco. S'attacher. S'attacher irrémédiablement. Avoir besoin de. Un besoin viscéral. C'était tellement nuisible. Tellement handicapant, tellement aliénant. Et il avait peur. Il avait peur de tout. Il avait peur de cet attachement. Il avait peur qu'on le laisse, qu'il le laisse. Il avait peur qu'elle change tout, qu'elle l'aliène à son tour. Il avait peur, il l'avait toujours eu et il était juste perdu. Et là debout dans le couloir de l'auberge, là planté devant une porte qu'il ne se résolvait toujours pas à ouvrir, là les yeux dans le vague, les sourcils légèrement froncés, le regard perdu et les mains dans les poches, il hésitait.
Save me from my fear.
Il ne savait même pas ce qu'il faisait. Il ne savait même pas s'il allait foudroyer Vasco du regard dès qu'il le verrait et faire aussitôt demi-tour pour finalement changer d'avis et fuir au plus vite, il ne savait même pas ce qu'il voulait et comment il réagirait. Là tout de suite, il avait décidé de laisser les interrogations de côté pour laisser place entière à ce que son âme, à ce que son corps, à ce que son être entier, sauf sa raison et son obstination, voulaient. Il posa la main sur la poignée de la porte, la tourna et poussa le battant pour entrer – cette porte, il le savait, n'était jamais fermée. Ne me brise pas. Les yeux d'abord baissés, il les releva presque avec méfiance pour les promener sur la chambre. Maintenant que tu as ouvert cette porte, ne la laisse pas se refermer. La chambre qui, il le constata très vite, était vide. Il n'eut même pas le temps de se sentir soulagé ou non que le bruit caractéristique de la douche en marche lui parvint de la porte fermée de la salle de bains, lui faisant déduire logiquement que Vasco était bien là, mais qu'il prenait sa douche. Planté sur le seuil, Oz hésita à nouveau. Il pouvait tout à fait faire demi-tour, refermer cette porte comme s'il n'était jamais entré et repartir, ni vu, ni connu. Oui, il pouvait. Mais il referma quand même la porte derrière lui, doucement, sans aucun bruit, presque distraitement, avant de porter un regard fatigué et souligné par le bleu qui marquait sa peau blanche sur le lit de Vasco, dans un coin de la pièce. Il avait l'intime conviction qu'il était en train de faire une erreur, il le sentait dans chaque fibre de son corps qui voulait continuer à fuir. Mais il promena tout de même distraitement le bout de ses doigts sur le mur avant d'y prendre appui pour se débarrasser de ses chaussures en les envoyant valser près de l'armoire, puis ses chaussettes pour pouvoir poser ses pieds nus sur le sol. Il avança ensuite sans bruit jusqu'au lit pour y poser d'abord un genoux puis s'y laisser choir, le corps relâché comme s'il n'attendait plus que ça. Se tournant du côté pour se retrouver face au mur, presque tout contre lui, Oz remonta quelque peu les genoux, colla ses pieds l'un contre l'autre dans l'espoir de les réchauffer un peu puis tendit légèrement la main devant lui pour toucher le mur du bout de ses doigts. Se concentrant uniquement sur le bruit de l'eau dans la pièce d'à côté, il ferma alors les yeux.
Gime me something I can believe.
Et il ne savait toujours pas ce qu'il venait chercher.