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    Roxas Jefferson

    Roxas Jefferson
    Roxas Jefferson

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    Métier : Détective Privé
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    Message  Roxas Jefferson Lun 12 Fév 2018 - 19:41



    Roxas
    Jefferson

    Male, 34
    Nomag
    Sans Couleurs

    Identité


    Arkanien
    Né un 24 Octobre
    Détective privé freelance
    Depuis un an




    Physique

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    Caractère

    Comment décrire la personnalité d'un être aussi brisé ?

    La plupart des gens qui le rencontreront trouveront Roxas insaisissable, bien que certains le trouveront malgré cela sympathique. Le jeune homme sait très bien jouer de son image et adapter sa personnalité pour mettre de son côté les personnes qui pourraient lui être utile – encore faut-il qu'il ait envie de se montrer charmeur. Lunatique, il alterne les moments de lucidité effarante où il n'hésitera pas à se montrer charmeur pour obtenir des avantages quelconques... Avec d'autres instants durant lesquels ,au contraire, il agira en dépit du bon sens, comme s'il se moquait totalement des conséquences de ses actes. C'est bien d'ailleurs souvent le cas lorsqu'il adopte cette attitude plus qu'insolente, qui révèle paradoxalement l'aube d'une personnalité plus complexe à l'humour souvent caustique. Et de l'humour, croyez-le bien, Roxas en puise beaucoup dans son désespoir. Peut être bien sa meilleure arme, son sens de l'éloquence lui a joué plus d'un tour, d'autant plus qu'il se passe souvent de gants. Mais nous n'évoquerons que plus tard cette par-là de sa personnalité, attardons-nous d'abord sur ce qu'il révèle d'ordinaire au monde.

    Roxas est un manipulateur avéré qui sait parfaitement tourner les situations à son avantage. Fin observateur, il sait parfaitement adapter son attitude pour plaire au grand public. Plus d'une fois, il aura d'ailleurs effacé sa personnalité au profit d'un personnage qu'il aura pu nommer autrement s'il craignait que sa réputation l'ait précédé. Alors son attitude peut changer du tout au tout suivant la personne à laquelle il s'adresse, affichant des masques divers qu'il ne cesse de perfectionner. Il inspirera confiance en utilisant parfaitement son langage corporel, poussera à la confidence et souvent même à l'affection. Mais si vous vous trouvez dans cette situation, que face à lui vous trouvez l'ami ou le confident parfait, il y a de grandes chances que vous soyez tombés dans sa toile et qu'il vous utilise. Certains éléments pourront peut-être aider les plus fins à se méfier un peu plus de cette image qu'il peut renvoyer : si l'on y réfléchit bien, alors qu'il est une oreille très attentive, lui-même se confie peu. Juste assez pour obtenir les informations qui l'intéressent, que ce soit par jeu (nous y reviendrons) ou pour un objectif professionnel. Et bien qu'il tente d'entretenir ses relations puisqu'il pense toujours que ses démarches pourront être à nouveau utile dans le futur, on ne pourra s'empêcher de remarquer une présence nettement plus effacée après que telle information soit obtenue ou tel service soit rendu. Mais après tout, tout le monde peut être emporté par le train de sa vie, alors pourquoi être paranoïaque et penser au pire ? C'est bien par son train de vie que Roxas excuse souvent ses absences, que lesdites excuses soient sincères (hm) ou non. Et l'excuse est d'autant plus valide que Roxas est très mobile, sans pour autant que grand monde sache ce qu'il fait exactement.

    Ces masques qu'il porte, bien sûr, ne sont pas infaillibles. Outre le fait que certaines personnes aux sens sociaux plus développés pourraient sentir l'instabilité ou le danger chez l'Arkanien, parfois, Roxas ne s'embarrassera pas des faux-semblants. Un manque d'envie, une fatigue de ses jeux ou le désir peut être de jouer avec d'autres règles, les facteurs peuvent être multiples et variés. Toujours est il que l'on découvre alors un être plus complexe et bien moins sympathique. Sous ce visage-là, Roxas n'a pas le soucis de plaire et peut se montrer très méthodique malgré une attitude qui respire le je m'en foutisme. S'il a un but, il n'hésitera pas à écraser ceux qui se dressent sur son chemin, la plupart du temps de manière fourbe en les tournants les un contre les autres, pour l'atteindre. S'il n'en a pas... Il n'hésitera pas à écraser ceux qui l'entourent, tout simplement parce qu'il est destructif et qu'il avouera lui-même que c'est sans doute ce qu'il fait de mieux, détruire. Il n'hésite alors pas à se montrer bien plus franc, souvent blessant, sarcastique et irritant. Comme souligné plus tôt, Roxas a un sens de l'humour bien à lui, très caustique, qui ne l'aide pas à se créer de vrais liens. Et à l'écouter, cela lui convient tout à fait puisqu'il porte un regard très noir sur le monde dans lequel il tente d'évoluer en s'amusant souvent au dépends d'autres.

    Pourtant, si d'une manière ou d'une autre vous parvenez à faire partie des rares personnes qui auront passé ces masques et barrières, l'être que vous découvrirez alors est bien plus pathétique qu'il aimerait le montrer. Cet humour froid et caustique, il en est lui-même souvent sa propre cible, n'hésitant pas à ironiser sur sa situation pour mieux dissimuler ses blessures. Brisé, il l'est, et sa personnalité parfois excessive et changeante pourra parfois le montrer. Son attitude je m'en foutiste n'est sans doute qu'une autre barrière pour prévenir le monde d'y regarder de plus près et de se rendre compte du désespoir qui l'anime au quotidien. Il erre sans grand but et se trouvera plus d'une fois à ce demander ce qu'il fout encore là en face d'un verre de whiskey. Pourtant, il continue et, s'il n'arrive pas à trouver de but ultime à poursuivre, se fixer quelques objectifs personnels l'aide sans doute à se reconstruire. Même si c'est difficile, même s'il n'est pas sûr qu'un nouveau coup ne l'achève pas définitivement. L'essentiel, c'est de garder la tête haute et de n'en faire rien paraître.


    Autre

    Comment avez-vous connu le forum ? Il y a bien longtemps à travers d'une pub sur un autre forum RPG.

    Quelle est votre fréquence de jeu ? A présent très irrégulière et j'avoue ignorer quand elle se stabilisera.

    Autre chose ? Malgré ce que j'ai souligné ci-dessus j'ai vraiment hâte de me remettre à écrire avec vous tous




    Boyd Holbrook, Acteur/Modèle








    Dernière édition par Roxas Jefferson le Mer 26 Fév 2020 - 12:24, édité 1 fois
    Roxas Jefferson
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    Message  Roxas Jefferson Mer 5 Fév 2020 - 20:16


    Histoire

    1. Diane

    Diane était une éternelle romantique.

    Élevée dans un foyer qui lui avait appris très tôt à cacher ses pouvoirs (malgré leur faiblesse), elle avait toujours rêvé qu'un prince charmant vienne un jour l'arracher à sa vie monotone pour lui faire découvrir le monde qu'on lui évoquait en cours. Et tant pis s'il s'agissait d'un monde triste et désolé, ce qui lui importait le plus était l'idée de vivre une aventure avec l'amour de sa vie.

    Et lorsqu'elle rencontra Kenneth, elle pensait vraiment l'avoir rencontré, l'amour de sa vie.

    Il faut dire qu'il avait de quoi séduire une jeune fille de dix-sept ans en quête de romance : grand brun aux yeux clairs et au corps dessiné par sa carrière dans l'armée, il était tout juste majeur et dégageait pourtant déjà un magnétisme empli de mystère. Elle l'avait aperçu pour la première fois lors d'une patrouille, alors qu'elle participait au nettoyage de la salle communautaire, et s'était empressée de le pointer du doigt à sa meilleur amie, Hannah. Diane jurait qu'elle avait été discrète, Hannah lui assurait que le beau soldat les avait définitivement surprises alors qu'elles l'observaient. Quoi qu'il en soit, il fallut attendre trois semaines pour que Diane rencontre officiellement son prince charmant.

    Apprêtée pour le bal du printemps, elle regardait avec envie son amie danser avec celui qui deviendrait plus tard son mari, Peter. Et c'est alors qu'elle songeait à combien elle aimerait elle aussi avoir un cavalier qu'il apparut.
    Comme tout droit sorti d'une comédie romantique, charmant dans son uniforme réglementaire, il se présenta devant elle, main tendue, l'invitant à danser. Elle était folle de joie, alors qu'elle découvrait un homme charmant malgré son attitude secrète. Elle sentait les regards se poser sur eux, imaginait que les demoiselles célibataires l'enviaient certainement d'avoir si beau cavalier pour l'accompagner ; elle ignorait combien elle pouvait être belle, avec ses traits doux, ses yeux d'azur et ses longs cheveux blonds, relevés en un élégant chignon pour l'occasion.

    La soirée se conclut bien trop tôt et Kenneth lui promit qu'ils se reverraient bientôt. Diane était aux anges et ne cessa de parler de cette soirée magique des jours durant. Hannah, qui avait toujours été la plus raisonnable d'entre elles, l'invitait à la méfiance : après tout, son prince charmant était l'ennemi, entraîné à traquer les magas pour « éliminer toute menace et protéger le peuple », d'une façon ou d'une autre. Mais Diane, emportée dans son fantasme, ignora les recommendations de son amie. Oh, elle n'était pas assez naïve pour lui confier son secret ; juste assez pour lui offrir son cœur.

    Il tint promesse et ils se rencontrèrent encore, environ une semaine plus tard. Ils entamèrent alors une relation, rythmée bien entendu par les obligations militaires de Kenneth et les obligations citoyennes de Diane. Leur idylle dura un peu plus d'un an et, bien qu'elle n'ait jamais eu l'occasion de présenter son amour à ses amis, Diane en était sûre : ils vieilliraient ensemble.

    Le conte de fée pris fin alors que Diane tomba enceinte.

    Au départ, elle aborda la nouvelle avec sérénité : c'était vraiment l'occasion d'officialiser leur relation et de construire un avenir, une famille. Tant pis pour ses rêves d'aventures : elle allait créer quelque chose avec l'amour de sa vie, quelque chose de bien plus fort. Elle allait avoir un enfant.

    Le désenchantement arriva après qu'elle l'ait annoncé à son soldat. Il n'avait pas sauté de joie à l'idée d'avoir un enfant, au contraire : pour la première fois, elle avait lu quelque chose qui s'apparentait à de la crainte sur le visage de Kenneth. Il n'avait pas dit grand chose, lui avait juste demandé si beaucoup de gens savaient qu'elle était enceinte et lui avait déclaré que, même si la situation était loin d'être idéale, il allait faire en sorte que ça marche. Et Diane, bien que d'abord blessée par le fait qu'il n'accueille pas la nouvelle avec joie, l'avait cru : après tout, n'était-il pas normal qu'il s'inquiète d'avoir un enfant alors que sa carrière commençait à peine et qu'il n'avait pas vingt ans ?

    Elle ne revit jamais Kenneth.

    Au début, elle s'était persuadée qu'il avait dû être affecté à un autre quartier, qu'il avait beaucoup de missions ; c'était peut être même pour ça qu'il avait dit que leur situation n'était pas idéale. Mais elle ne put se bercer d'illusions bien longtemps : il les avait abandonnés, elle et leur enfant. Il n'avait rien d'un prince charmant, et elle s'en rendit bien compte alors que son fils venait de célébrer sa première année et qu'une nouvelle vint détruire les derniers illusions qu'elle nourrissait au sujet d'un Kenneth qui avait été peut être envoyé dans un pays étranger en mission secrète et viendrait la retrouver dès qu'il serait relevé : il venait d'épouser la fille du ministre de la paix.

    Pourtant, Diane ne laissa pas l'amertume la consumer. Si sa relation ne s'était pas conclue comme elle l'avait rêvée, elle lui avait au moins permis de rencontrer le véritable amour de sa vie : son fils, Roxas.

    Bien entendu, être une mère magas sur l'île d'Arkan n'avait rien d'évident. Tous les jours, elle craignait un incident qui trahirait son secret. Heureusement, elle bénéficiait toujours du soutien d'Hannah et Peter, qui avait eu une petite fille deux mois après qu'elle ait mis son fils au monde.

    Roxas ne présenta pas la moindre trace de magie. Quelque part, ce fut un soulagement ; au moins, il ne risquait pas une condamnation pour le simple fait d'exister. Très vite, Diane décida de cacher son propre don à son fils, craignant peut être tout au fond d'elle une autre trahison de la personne qui comptait alors le plus à ses yeux – et, pour une fois dans sa vie, elle fit preuve de prudence dans le climat délétère qui régissait leurs vies.
    Elle avait aussi décidé de préserver le secret sur l'identité de Kenneth et sur le fait qu'il était soldat : si son fils lui posait des questions sur l'identité de son père, elle trouvait des astuces pour le distraire et les éviter.

    Elle avait conscience qu'il était sans doute dangereux pour son fils de le laisser se lier aux enfants de sa meilleure amie qui, eux, avaient développé leurs dons. Mais elle n'avait pas le cœur de les séparer et de tourner le dos aux seules personnes qui l'avaient soutenue à travers les années. Et, outre son souci de préserver ses liens avec Peter et Hannah, la petite Liana et Roxas étaient devenus vite tellement proches que les éloigner l'un de l'autre briserait bien des cœurs. Les deux enfants avaient aussi décrété qu'il était de leur devoir de protéger Maniel, le petit frère de Liana.

    Après tout, Hannah avait garanti à Diane qu'elle enseignait le secret à ses enfants, comme elles avaient dû l'apprendre elles-même enfant ; qu'elle leur avait fait promettre de ne le répéter à personne, même pas à Roxas. Et pour protéger son fils, Diane avait elle-même essayé de piéger Liana pour la pousser à la confession, sans succès alors qu'elle la considéraient presque comme une seconde mère.

    Alors, tout irait bien, n'est-ce pas ?

    2. Liana

    Être une adolescente Maga sur l'île d'Arkan n'avait rien d'évident.

    Liana avait appris depuis sa plus tendre enfance à garder le secret sur une nature qu'elle n'avait jamais recherchée. Ses parents l'avaient aidée à l'embrasser, tout comme ils avaient pu aider beaucoup d'autres enfants magas à avoir un contrôle rudimentaire de leurs pouvoirs, toujours cachés.

    Liana savait que c'était ces écoles clandestines qui avaient tuées ses parents.

    Oh, ils avaient beau dire qu'il s'agissait d'un accident, elle n'était pas dupe. Ses parents avaient bien conscience des risques qu'ils encourraient, et elle se savait chanceuse de ne pas avoir été entraînée dans leur chute. Elle avait encore du mal à apprivoiser les sentiments qu'elle ressentait depuis leur mort. Il y avait de l'admiration, pour cette générosité envers d'autres âmes perdues qui les avaient menés à leur perte, mais il y avait aussi une forme de colère. Pourquoi avaient-ils dû s'impliquer à ce point, pourquoi est-ce qu'elle était devenue orpheline ?

    Mais si elle avait de la colère et de la peine pour la situation dans laquelle elle se retrouvait avec Maniel, ça n'était rien par rapport aux sentiments compliqués qu'elle éprouvait pour Roxas.

    Sa mère, Diane, n'était en aucun cas impliquée dans les actions illégales d'Hannah et Peter. Et pourtant, le même « accident » l'avait fauchée elle aussi : au mauvais endroit, au mauvais moment, sans aucun doute. Déjà dépourvu de père, Roxas était maintenant orphelin de mère, et c'était de la faute de ses parents. L'adolescente ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable, quelque part. C'était l'une des raisons qui l'avait poussée à supplier son oncle Tony de recueillir son frère de cœur.  Bien entendu, sa demande avait aussi été motivée par l'affection profonde qu'elle portait au jeune homme. Ce n'était pas la première fois que des enfants se retrouvaient soudainement orphelins dans le quartier C ; et si aucun membre de leur communauté ne se dévouait pour les prendre en charge, ils disparaissaient. Sans doute transférés vers un autre quartier ou directement à la caserne, pour les plus âgés. Elle ne voulait pas perdre son meilleur ami.

    Cette dernière année avait été loin d'être facile : son oncle, qu'elle ne connaissait que très peu, avait dû renoncer à son train de vie de célibataire endurci pour assumer trois enfants qui n'étaient pas les siens. Liana le voyait à peine, entre son travail dont il ne parlait d'ailleurs jamais et les différentes activités auxquelles toute la famille devait participer. Et les rares moments où il était chez lui, Tony n'était pas très loquace et leur adressait à peine la parole ; c'était presque comme vivre chez un fantôme. Comme s'il leur reprochait la perte de leurs parents, sa perte de liberté. Bien qu'elle lui était reconnaissante de leur avoir ouvert son foyer, elle ne pouvait s'empêcher, tout au fond, d'être en colère face à cette injustice. Ils n'avaient pas choisi d'être orphelins.

    Ce sentiment de colère, elle le cultivait seule. Maniel était encore trop jeune, et trop choyé par Roxas et Liana, pour comprendre tout ça. Et Roxas avait fait son devoir d'aider Tony à s'occuper d'eux ; distributions de tracts publicitaires pour de nouvelles activité dans le quartier, collecte des ordures aux aurores, plonge du réfectoire de leur école, tonte et rabattage des moutons d'Arkan dans les hauteurs, même quelque passages dans les mines : aucun travail n'était trop dur pour l'adolesent, rien n'était en dessous de lui. Alors, lors de leurs moments volés quand il rentrait tard d'un autre petit boulot et que Liana finissait de préparer le canapé sur lequel son ami passerait la nuit, elle n'osait pas lui partager son indignation par rapport à leur situation. En réalité, elle avait presque honte de sa propre amertume alors que le jeune homme faisait tant d'efforts pour leur rendre la vie plus agréable. Alors ils se contentaient d'aborder des sujets légers, des conversations d'adolescents de quatorze ans presque normaux, comme si leurs vies n'avaient pas été chamboulée par une tragédie sur laquelle ils n'avaient aucun contrôle.

    Sauf que cette soirée-là serait différente, et Liana l'ignorait complètement.

    Comme d'habitude, elle avait bordé son petit frère de six ans, lui promettant de ne pas tarder à le rejoindre dans le lit qu'ils devaient partager. Comme d'habitude, elle avait accueilli son oncle après une longue journée de travail, lui avait servi sa soupe et s'était ensuite chargée de débarrasser et nettoyer l'espace commun, alors qu'il partait récupérer quelques précieuses heures de sommeil. Comme d'habitude, elle avait conclut son ménage en ajustant le plaid du canapé et sorti l'oreiller de Roxas du placard. Comme d'habitude, elle avait préparé du thé, qu'ils savoureraient lors de leur réunion secrète.

    Et cette soirée commença comme toutes les autres. Roxas ouvrait doucement la porte d'entrée, soucieux de ne réveiller personne, rangea ensuite son manteau un peu trop court sur le crochet qui lui était dédié et vint s'installer sur le canapé. Liana servit le thé avant de s'installer à ses côtés, s'enquit de sa journée  avant de raconter la sienne et d'enchaîner sur une conversation plus triviale.
    Jusqu'à ce qu'un sujet maintes fois abordé fut remis au goût du jour.

    « Tu sais, l'autre jour, quand j'ai bossé à la laverie ? Rappela Roxas.
    - Dis moi ?
    - J'ai pas mal discuté avec Allana. Son mari travaille avec ton oncle. Elle m'a dit qu'ils avaient parlé de moi. Apparemment, son mari disait des trucs, genre, que plus de jeunes du quartier devraient se défoncer pour aider chez eux comme je le fais...
    - Oui, on le sait que tu es le jeune travailleur le plus méritant de la Nation, un vrai héros ! Répliqua Liana d'un ton moqueur qu'ils employait souvent. »

    D'ordinaire, ce ton provoquait une réplique bien sentie chez Roxas, qui ne manquait pas d'ironiser sur le rôle de femme au foyer parfaite qu'avait pris Liana. Elle fut donc surprise que sa taquinerie soit abordée avec impatience par son interlocuteur ;

    « C'est pas où je voulais en venir, laisse-moi finir ! »

    Face à l'air interdit de la jeune blonde, Roxas repris avec un sourire léger, amusé ;

    « Même si je dois avouer que t'entendre reconnaître que je suis un héros me flatte, ça n'est qu'un fait, tu le sais ? »

    Cette raillerie fit naître un petit rire de connivence chez Liana, qui encouragea donc Roxas à poursuivre son récit :

    « Ce que je voulais dire, donc, c'est qu'Allana m'a dit qu'apparemment, les louanges que son mari m'a fait n'ont pas eu l'air de ravir ton oncle. 'Paraît qu'il a juste grommelé quelque chose du genre que c'était le moins que je puisse faire vu qu'il m'a accueilli quand je n'avais personne. Pas que je m'attendais à plus de sa part, hein, vu comme il est grognon, et c'est pas comme si je cherchais à tout prix à ce qu'il fasse mon éloge... Mais je maintiens, ton oncle me déteste. »

    Cette affirmation fit naître un nouveau rire chez l'adolescente. Liana avait eu cette conversation mille fois avec Roxas, et ils ne tombaient jamais d'accord. Elle lui servait du coup toujours le même argument, bien décidée à le convaincre à l'usure.

    « Roxas, c'est ridicule. Pour la centième fois – il est grognon avec tout le monde. Tu n'as jamais rien fait de mal, pourquoi est-ce qu'il te détesterait ? Et si c'était le cas, pourquoi est-ce qu'il te garderait chez lui ?
    - Je sais pas, répondit Roxas avec un haussement d'épaule nonchalant. Il veut peut être protéger son image dans la communauté ? »

    Un nouveau rire chez Liana, alors qu'elle levait les yeux au ciel.

    « Comme s'il se souciait de sa réputation ! Cet ours adresse à peine la parole à ses voisins.
    - Je maintiens qu'il nous traite différemment. Je comprends, hein, je suis pas sa famille, s'empressa d'ajouter Roxas. Et je lui suis reconnaissant de m'avoir ouvert sa porte. Mais malgré tout ce que je fais pour ne pas être un poids pour lui, il me déteste. Il doit savoir... »

    Le ton de Roxas avait changé, subtilement. La nonchalance avait laissé place à une forme d'inquiétude, un sentiment de mystère. Et pour la première fois, Liana se rendit compte qu'elle n'était pas la seule à avoir des secrets. Se pouvait-il que son meilleur ami, de qui elle pensait tout savoir, lui cachait lui aussi son don ?! Que depuis leur petite enfance, ils partageaient sans le savoir un secret qui les mettaient tous les deux dans l'illégalité ? Une pointe d'excitation dans la voix à l'idée d'avoir enfin quelqu'un avec qui partager ses inquiétudes, Maniel étant trop jeune pour la comprendre, elle s'enquit ;

    « Savoir quoi?!
    - Il doit savoir que je t'aime. »

    Le ton solennel de Roxas fit naître un doute chez Liana, qui répondit pourtant tout naturellement.

    «  Bien sûr qu'on s'aime, bêta, Maniel, toi et moi, on est une famille.
    - Tu ne comprends pas...
    - Qu'est ce que tu essaies de me dire, Roxas ? S'agaça la jeune fille alors qu'un sentiment de malaise s'installait rapidement. Tu sais que tu es comme mon frère, tu peux tout me dire. »

    La Liana du futur aurait, bien plus tard, tout fait pour ne jamais prononcer ces mots. Elle n'avait alors aucune idée des conséquences qu'auraient ces paroles, pourtant anodines à ses yeux. Roxas se leva soudainement, posant sa tasse sur la table basse non sans brutalité. Blessé, agacé, il fit quelque pas en silence avant de se retourner brusquement vers la jeune femme.

    « C'est ça, le problème ! Je ne veux PAS que tu me vois comme un frère, j'suis pas ton frère. Putain, Liana, je t'aime. Je ferais tout pour toi, et ça me tue que tu me vois comme un frère.  »

    Les mots étaient crachés avec une violence que Liana ne lui reconnaissait pas. Interdite, confuses, les pensées tourbillonnant à cent à l'heure dans sa tête et son cœur battant la chamade, Liana ne sût quoi dire face au regard blessé de Roxas. Un silence suivit cette déclaration, que Liana essayait d'appréhender. Silence lors duquel Roxas se détourna d'elle pour se diriger vers l'entrée. Ce ne fut qu'alors qu'il attrapaît son manteau que Liana ouvrit finalement la bouche, sa voix tremblante lui faisant comprendre qu'elle était toute tremblotante d'émotion :

    « Roxas... »

    Il se tourna vers elle, brusquement encore. Ses yeux clairs lui lançaient un regard noir de colère. Sa réponse fut sèche, claquante.

    « C'est bon, Liana, j'ai compris. Je vais juste prendre l'air. Va te coucher. »

    Elle ne put rien dire alors qu'il enfilait son manteau, lui tournant à nouveau le dos. Et ce ne fut que lorsqu'il claqua la porte derrière lui que les premières larmes se mirent à couler, plus fort qu'elle ne s'y attendait. Recroquevillée sur le canapé, à sangloter, sa tasse tiède contre son cœur, elle avait l'impression qu'elle venait de perdre ce qu'elle avait de plus précieux.

    3. Maniel

    L'excitation était née dans le cœur du petit Maniel alors qu'il avait appris que les Castors passeraient deux heures par jour pendant toute une semaine auprès de la toute fraîche division 64 pour leur apprendre certains rudiments de survie et de rigueur militaire et les inspirer à, plus tard, rejoindre à leur tour cette armée qui faisait la force et la fierté de la nation. C'était normalement une voie qui attirait naturellement les petits scouts, et tout ses petits camarades avaient hâte de rencontrer les soldats qui les protégeaient au quotidien. Le sentiment de Maniel était plus complexe ; à vrai dire, toute autre division que celle-ci aurait probablement généré chez lui une certaine forme de terreur.

    Car à dix ans seulement, Maniel portait déjà un lourd un lourd secret sur ses frêles épaules. Maniel avait un don, et il avait appris trop tôt que ce don pouvait le condamner. C'était injuste, il n'avait jamais rien fait pour rechercher ces pouvoirs, il était juste né avec. Sa grande sœur avait bien sûr pris soin de lui apprendre à le dissimuler de tous et avait essayé de lui faire comprendre les conséquences tragiques que la révélation de leur secret pourraient avoir, tout en tentant de préserver au mieux son innocence. Un rôle pour lequel l'adolescente n'était pas prête, des responsabilités sans doute trop lourdes pour une jeune femme qui devait panser ses propres blessures. Heureusement, Maniel était un bon gamin et il s'était efforcé de suivre ses instructions, comme s'il pouvait de ce fait alléger la peine qui semblait l'encombrer depuis le décès de leur parents.

    Liana s'efforçait d'enseigner un contrôle rudimentaire de son don à son petit frère, craignant qu'il ne l'utilise par mégarde et révèle de fait sa nature. Mais outre le fait qu'elle même n'ait qu'un contrôle très relatif de ses propres pouvoirs, les occasions pour eux deux de se retrouver seul à seul étaient rares ; entre l'école, la chorale de la commune dans laquelle ils participaient et les différentes activités « proposées » par le gouvernement, le temps libre était chose rare. Oh, Maniel avait bien suggéré à sa sœur de laisser tomber les Castors et de passer plus de temps à explorer ces pouvoirs qui l'effrayaient autant qu'ils le fascinaient. Après tout, aucune des activités auxquelles ils se soumettaient n'étaient obligatoires. Mais Liana avait insisté, il était important qu'ils fassent partie de la communauté et qu'il se fasse plein d'amis parmi les Castors. Alors il avait suivi les conseils de sa grande sœur et, pour être honnête, il se sentait bien parmi les autres gamins du quartier, malgré ce secret qui pesait trop lourd sur ses épaules... Un secret qui pourrait lui coûter la vie si quelqu'un, et surtout un soldat, l'apprenait.

    Mais pourquoi alors était-il si excité à l'idée de passer du temps auprès de la division 64, si l'armée représentait un tel danger pour son existence ?
    La réponse, c'était une personne. Un soldat. Roxas Jefferson.

    Maniel était très jeune au décès de ses parents, et Liana avait à peu près pris un rôle de mère de substitution depuis sa tendre enfance. Quant à Roxas,il avait vécu avec eux un moment, aussi longtemps que le petit garçon s'en souvenait, et Maniel le considérait comme le grand frère qu'il n'avait jamais eu. Roxas l'avait protégé, encouragé, amusé. Il avait pu compter sur lui, inconditionnellement, pour n'importe lequel de ses problèmes d'enfant.

    Mais Roxas l'avait abandonné.

    C'était arrivé progressivement. L'amorce de son éloignement était sournoise ; bien qu'ils partageaient toujours le même toit, Maniel peinait à trouver un moment auprès de son frère de cœur. Et quand il était physiquement présent et que Maniel lui racontait ses problèmes, il sentait bien que Roxas n'était pas vraiment là. Il avait eu l'impression que c'était sa faute, et il s'était vite mis en tête qu'il avait dû faire quelque chose de mal ; bien sûr, il ne pouvait pas savoir qu'il n'était qu'une victime collatérale de l'implosion du cœur de Roxas, puisque Liana comme Roxas ne parlèrent plus jamais des sentiments du jeune homme envers elle et, évidemment, n'en parlèrent jamais à Maniel, trop jeune pour comprendre de toutes façons.

    Malgré l'inéluctabilité de son départ, malgré le fossé qui se creusait entre eux, le véritable abandon choqua Maniel au plus profond de son petit être alors que Roxas quitta l'appartement de leur oncle pour partir vivre à la caserne. Son initiation de soldat pris la majeure partie de son temps et ils ne firent plus que l'apercevoir, rarement, alors qu'il était entraîné à patrouiller ou qu'il se présentait à la chorale, non pour les accompagner au piano mais pour s'assurer que tout s'y passe bien cette fois. Roxas était devenu parfaitement inaccessible, et ça brisait le cœur du petit garçon qui perdait alors – encore – l'une des personnes les plus importantes de sa vie. Et plus que sa propre peine, Maniel sentait aussi que cette distance affectait profondément sa sœur, qui se montrait plus renfermée ; et plus d'un soir, il s'était réveillé alors qu'elle avait quitté le lit qu'ils partageaient pour essayer de cacher ses larmes dans le salon, lovée sur le canapé que Roxas occupait auparavant.

    Alors lorsqu'il sût qu'il allait passer quelque temps auprès de la division 64, il était ravi ; il avait perdu le compte des mois depuis la dernière fois qu'il avait pu parler à Roxas. Et Liana et lui même vivait si mal son absence qu'il était inconcevable pour lui que Roxas soit heureux sans eux. Non, quelqu'un devait l'avoir poussé à faire tout ça, ils le retenaient peut-être même contre son gré. Ou peut-être agissait-il ainsi par vengeance ? Peut-être qu'il avait compris que le frère et la sœur lui cachaient quelque chose, quelque chose d'important et, heurté par leur manque de confiance, il avait décidé de leur tourner le dos. En tous cas, Maniel était bien décidé à confronter Roxas et à le pousser à quitter les rangs de l'armée, ou au moins la caserne, et de le faire revenir vivre avec eux. Ce projet, il n'en avait parlé à personne, comme s'il sentait qu'il ferait naître la suspicion ou qu'on tenterait de le convaincre d'y renoncer pour ce qu'il avait d'irréalisable. Était-ce seulement possible de quitter les rangs de l'armée ? Le petit garçon était en tous cas bien décidé à tout faire pour que son grand frère revienne au sens commun et retourne à la maison.

    Il lui fallut du temps pour mettre son projet à exécution ; Roxas avait fait tout son possible, toute la semaine durant, pour ne pas se retrouver seul avec Maniel. Blessant un peu plus le cœur du petit garçon, il était évident qu'il ne voulait pas se confronter à lui et à son passé. Mais l'avant-dernier jour, Maniel eu l'occasion qu'il attendait ; ils avaient divisé les Castors et les soldats en groupes de quatre, et le hasard des affectations avait voulu que Roxas et son coéquipier, Ronan, se retrouvent avec Maniel et un de ses meilleurs amis chez les Castors, Josh, seuls dans la forêt aux abords de la montagne. C'était l'occasion parfaite ; alors, tout en gardant le secret sur son projet, Maniel avait comploté avec Josh pour qu'il éloigne Ronan et qu'il se retrouve seul avec Roxas. Le petit garçon savait qu'il avait peu de temps alors, dès que les deux autres furent hors de portée de voix, il n'hésita pas et se jeta sur l'arc et le carquois de flèche que Roxas avait déposé à côté de leur feu de camp et commença à courir pour s'enfoncer dans le bois.

    Cette arme n'était pas ordinaire, et Maniel l'avait deviné au soin tout particulier que Roxas semblait lui accorder. Il avait aussi écouté attentivement le colonel qui leur avait fait l'honneur de leur expliquer la longue formation que poursuivaient les soldats et avait été intrigué de ce qu'il avait pu leur expliquer sur cette récompense qu'obtenait certain des plus méritants soldats... Des armes particulières, des armes aux propriétés uniques. Le mot « artefact » n'était pas prononcé, mais Maniel sentait quelque chose d'inexplicable entre son don et l'objet, comme une forme de résonance. On leur avait aussi expliqué que, du fait que ces armes étaient uniques et accordées à l'élite, les soldats qui recevaient l'honneur d'en porter une se devait de les protéger de leur vie. Le plan de Maniel était donc simple ; il emmènerait cet arme chez son oncle pour y attirer Roxas et, aidé de sa grande sœur, le convaincrait là-bas de renoncer à sa carrière militaire, tout en lui révélant le don qu'ils avaient tous les deux pour lui prouver que les magas n'étaient pas les monstres qu'on lui dépeignait.

    Le plan échoua.

    Maniel était naïf ; comment pouvait-il espérer que ses petites jambes sèment un soldat surentraîné, surtout alors que le petit garçon luttait à se frayer un chemin parmi les branches et les ronces alors que Roxas se déplaçait avec l'aisance de l'homme habitué à cet environnement.

    Ce fut alors qu'il rejoint une clairière que Maniel fut surpris de voir Roxas à l'autre bout, le tenant de toute évidence en tenaille. Il voyait dans ses yeux une expression nouvelle. De la colère ? Il ne lui parla pas ; il gronda :

    « Maniel. Arrête ton petit jeu, repose mon arme et rentrons au camp. »

    La crainte gagna le cœur de Maniel, presque malgré lui, une proie piégée par son prédateur. Il était tenté d'obtempérer ; mais le souvenir de sa sœur prostrée sur le canapé, en larme, le gagna et sa prise sur l'arme se raffermit.

    « Roxas, arrête ! S'exclama-t'il, le désespoir dans la voix.  Il faut que tu rentres à la maison.
    - Que je rentre?! Une inflexion moqueuse s'était glissée dans la voix du jeune homme. Mais Maniel, je suis chez moi, maintenant. Pose donc cette arme, et je te ramène à la caserne, ils te ramèneront chez toi.
    - Roxas... Tu lui manques. A Liana. »

    Cette remarque parut troubler un instant Roxas, qui s'avança cependant vers Maniel, la main tendue ; Maniel recula aussitôt d'un pas, puis deux, surtout alors qu'il aperçu la dague qui s'était glissée dans la main de Roxas sans qu'il ne sache comment ou quand. Son protecteur était soudain devenu dangereux, et l'instinct lui soufflait de fuir encore.

    « Roxas... Je sais que tu nous en veux de te l'avoir caché. Mais si tu rentres, Liana t'expliquera, on voulait pas te blesser. On voulait te protéger. Nous protéger aussi... »

    La supplique sembla piquer la curiosité de Roxas, qui s'arrêta puisqu'il était évident que Maniel avait, au moins pour l'instant, décidé d'arrêter sa course.

    « De quoi tu parles, Maniel ? Qu'est ce que vous me cachez ?
    - Ils mentent, Roxas, ils ont toujours menti. On est pas des monstres. »

    L'incompréhension  passa sur le visage de Roxas, alors Maniel décida de formuler plus clairement le secret qu'il révélait à son grand frère de cœur.

    «On peut faire... on peut faire de la magie, Roxas.»

    Le soldat eut d'abord l'air parfaitement incrédule, comme si Maniel venait de lui sortir l'énormité du siècle ; mais cette expression laissa vite la place à une férocité prédatrice qui glaça le petit garçon d'effroi.

    Le reste se passa très vite.

    Roxas s'élança vers Maniel qui, pris de peur, lâcha l'arc et le carquois qui retombèrent à ses pieds ; par pur réflexe, commandé par sa peur, il activa son don. Avec une rapidité effarante, une racine vient enserrer la taille de Roxas, stoppant net sa course sans qu'il n'y comprenne rien ; et avant que Maniel n'eut le temps de réflechir à s'enfuir, il fut saisit de douleur. Il voulut hurler mais un gargouillis misérable s'échappa de sa gorge, la dague du blond figée dans son cou, alors que Roxas était libéré soudain de son sortilège.

    Roxas accouru pour essayer de le sauver, de l'aider, mais c'était trop tard. La dernière chose dont se souvint Maniel, ce furent les yeux embués du blond qui le regardait dans l'incompréhension de ce qu'il venait de se produire et le cri effrayé de son ami Josh.

    4. Ronan

    Il y avait chez Roxas quelque chose d'inaccessible. Depuis leur rencontre, alors qu'ils faisaient leurs classes ensemble, Ronan s'était pris d'affection pour l'adolescent un peu trop sérieux qu'il était alors. A force d'effort, il avait réussi à se sentir proche de Roxas et un regard extérieur les aurait sans doute jugés amis. Mais bien qu'il sache que le lien qu'il entretenait avec Roxas dépassait la simple camaraderie créée par leur appartenance à la même division, il savait aussi que Roxas restait très secret et ne se livrait pas. Ronan était plutôt populaire au sein de leur groupe, bavard, peut être un peu insolent, il était aussi toujours volontaire et chacun de ses camarades savaient qu'ils pouvaient compter sur lui. Au contraire, on se méfiait de Roxas qui semblait toujours un peu ailleurs.... Jusqu'à l'événement qui marqua clairement un tournant dans la dynamique de la relation entre les deux jeunes hommes.

    Roxas avait tué un enfant dont ils avaient la charge, dont ils devaient assurer la sécurité.

    Ronan avait d'abord été choqué de retrouver son coéquipier avec ce petit corps sans vie, le sol écarlate de tout le sang que l'enfant avait perdu si vite. Il était arrivé alors que l'action se finissait, trop tard pour pouvoir intervenir ; la dague quittait la main d'un Roxas piégé avant de se ficher dans la gorge du garçon, un tir par ailleurs surprenant d'adresse. Et le hurlement du gosse qui rejoignait Ronan, juste derrière lui, le ramena à la réalité et lui fit pleinement réaliser ce qu'il s'était passé, alors que son camarade se ruait vers le corps de l'enfant. La stupeur et la confusion face à cette scène passée, il compris que le gamin était Maga et qu'il avait agressé Roxas. Roxas n'avait fait que se défendre, protégeant alors son pays d'une menace naissante. Le soldat n'avait fait qu'accomplir son devoir, et c'est ce que rapporta plus tard Ronan lorsque son témoignage fut demandé. Il n'avait pas dans l'idée de protéger Roxas, juste de décrire ce dont il avait été témoin. Dans l'urgence, Roxas avait agit de la manière la plus extrême, mais la finalité, c'était bel et bien qu'il avait éliminé une menace. Et Ronan avait appris ce jour-là que les monstres pouvaient prendre les visages les plus innocents.

    Après cet incident, Roxas disparut un moment ; c'était la première fois qu'il tuait pour son pays, la procédure voulait donc qu'il soit placé en isolement pour subir un examen psychologique profond. Car ils avaient beau ne faire que défendre le pays et exécuter les ordres qu'on leur avait donné, tuer n'avait rien d'évident, surtout pour la première fois, et surtout lorsqu'il s'agissait d'un enfant...

    Il fallut attendre plusieurs semaines avant que Roxas ne retrouve le reste de son équipe. D'abord totalement renfermé, un changement soudain s'opéra chez lui une dizaine de jours après sa réinsertion. Soudain, Roxas était devenu plus caustique, plus imprudent aussi. Ce magnétisme étrange des personnes à la dérive, qu'il dégageait déjà avant cet événement, s'était amplifié. Roxas afficha dès lors une attitude plus mordante, plus insolente peut-être aussi.

    Quelque part, cette nouvelle attitude plaisait à Ronan, elle avait quelque chose d'exaltant. Et en même temps, alors qu'ils partaient ensemble pour une mission de reconnaissance, la première depuis la réinsertion de son camarade, il ne pouvait secouer le mauvais pressentiment qui l'animait. Seul pendant six heures avec Roxas, au cœur de la nuit à surveiller une baraque abandonnée du quartier C, il passa le plus clair de la soirée à tenter de se raisonner : la plupart du temps, ces missions ne donnaient rien. Et après deux heures de calme plat, à attendre dans le froid alors que l'essentiel de la ville s'endormait, Ronan commença à se détendre et essaya plus franchement de pousser Roxas à la confidence, en particulier sur les sentiments qu'il éprouvait suite à sa première exécution. Mais, sans qu'il ne s'en rende vraiment compte, Roxas évita de lui répondre sincèrement et détourna vite la conversation pour pousser Ronan à parler plutôt de lui, de sa famille et de ses amours. Roxas se permit quelques commentaires piquant et Ronan ne pu s'empêcher de s'en amuser. Les heures défilèrent et leur mission s'approchait de sa fin sans qu'il n'y ait quoi que ce soit à signaler...

    Soudain, juste avant l'aube, ils perçurent un mouvement. Une silhouette s'approchait de l'endroit qu'ils surveillaient depuis leur coin de rue. De loin, l'on devinait qu'il s'agissait d'une jeune femme blonde, qui n'avait pas encore vingt ans. Ronan se tourna un quart de seconde vers son sac pour en décrocher les jumelles, dans l'espoir d'identifier leur premier suspect de la soirée....

    Il n'eut pas le temps de les porter à son visage. Soudain, Roxas n'était plus à ses côtés ; le jeune homme s'était élancé à la poursuite de la jeune femme, qui avait évidemment commencé à prendre la fuite en voyant le militaire se ruer vers elle.

    Un juron s'échappa de la bouche de Ronan alors qu'il attrapa son fusil, qu'il avait laissé à ses pieds pour pouvoir le saisir plus rapidement en cas de besoin. Il connaissait très bien la marche à suivre : il ne fallait jamais qu'ils se retrouvent seuls. S'ils étaient séparés, ils devaient contacter la base et demander des renforts, peu importe la raison de leur séparation.

    Oui, il devait contacter la base.

    Ronan n'en fit rien et se lança à la poursuite de son camarade et ami, sachant bien que cette désobéissance lui vaudrait un châtiment. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Si leurs suspicions étaient correctes, il craignait pour la vie de Roxas : cette jeune femme, aussi frêle et angélique soit-elle, pouvait être maga. Et s'il appelait des renforts, il n'avait aucune garantie qu'ils arriveraient à temps pour sauver Roxas. Prendre le temps de les appeler, de leur expliquer la situation, c'était prendre le risque de perdre la piste des deux blonds, qui approchaient déjà la lisière du bois. Des deux soldats, Roxas avait toujours été le plus rapide, en plus d'être équipé plus légèrement. Et même si les poursuivre tenait d'un réflexe, qu'il ne réfléchit pas alors qu'il se mit en mouvement, il y avait aussi une forme de curiosité inavouée dans l'action de Ronan : pourquoi diable Roxas avait-il soudain agit de manière aussi impulsive et compromis leur mission ?

    La course parut interminable alors que Ronan se frayait tant bien que mal un chemin entre les ronces et les branches. Durant sa course, il se maudit d'avoir suivi sa première impulsion en poursuivant Roxas et la jeune inconnue ; et alors qu'il devenait de plus en plus difficile de retrouver leurs traces, malgré les premières lueurs du jour qui pointaient le bout de leur nez, il regretta de ne pas avoir suivi la procédure, de ne pas avoir appelé des renforts. C'était trop tard, maintenant. Son talkie-walkie était resté dans son sac, dans leur planque abandonnée, comme la plupart de son équipement d'ailleurs. Iil avait été réprimandé avant pour sa tendance à agir avant de réfléchir mais, cette fois, il en craignait vraiment les conséquences...

    Un éclat de voix fit ralentir sa course. Il ne pouvait pas encore comprendre ce qu'ils se disaient, mais il devinait qu'ils avaient arrêté leur course et discerna la voix de son ami. De ce qu'il pouvait comprendre, Roxas était toujours seul avec la jeune femme. Ronan décida alors de se rapprocher de leur position aussi furtivement que possible, pour être prêt à agir tout en surprenant la suspecte si jamais Roxas avait besoin de son aide.

    Il parvint bientôt à les apercevoir entre la cime des arbres, et c'était une scène surprenante qui s'offrait à lui. Les deux adversaires s'observaient en chien de faïence, comme s'ils n'attendaient qu'un geste de l'autre pour se sauter à la gorge... Mais il y avait quelque chose d'autre dans le regard de la jeune femme, quelque chose d'indescriptible et Ronan, bien que son ami lui faisait dos, sentait bien que Roxas lui adressait le même regard brûlant. Du reste, Ronan était totalement impuissant depuis sa position ; s'il tentait de tirer sur la femme, il courrait le risque de blesser Roxas ou d'alerter la suspecte d'un déplacement malheureux – les deux à la fois, peut-être.

    «  Tu n'aurais pas dû me suivre. »

    La jeune femme avait craché ces mots, pleine d'une haine qui faisait légèrement trembler sa voix. Roxas laissa échapper un ricanement, presque cruel.

    «  Voyons, Liana... Serait-ce une menace?
    - Tu sais très bien ce que c'est. Tu as assassiné Maniel! »

    Ronan n'eut pas vraiment besoin d'en entendre plus pour saisir la situation : de toute évidence, la jeune femme – Liana, donc – avait été proche du gamin que Roxas avait exécuté. Il aurait sûrement dû intervenir à cet instant, interrompre cet échange qui n'annonçait rien de bon ; mais c'était plus fort que lui, quelque chose l'empêchait d'agir, fasciné par la scène qui se jouait sous ses yeux et désireux d'en savoir plus sur ce qui liait la jeune femme et son camarade. Elle ne faisait pas partie des listes de suspects qu'on leur avait présentés durant le briefing... Roxas savait-il a l'avance qu'elle pourrait se trouver là-bas ? Retenait-il des informations qui seraient utiles à l'armée ? Et dans quel but, si c'était le cas ?

    «  Ha, Maniel....
    - Je t'interdis de prononcer son nom !, protesta-t-'elle alors que Roxas s'avançait d'un pas vers elle, qui recula de même.
    - Un regrettable accident. Mais tu aurais dû savoir que ça allait arriver... C'est de ta faute, Liana, si tu n'as pas sû le protéger. »

    Les mots étaient très durs et touchaient clairement une corde très sensible pour Liana. Plus que la colère ou la haine, ce fut alors la tristesse qui domina dans sa voix.

    «  Alors on en est arrivés là, Roxas ? Tu essaies de me punir, c'est ça ?  »

    Et la peine de la jeune femme sembla trouver la douleur chez Roxas. Ronan dû tendre l'oreille pour entendre sa réponse, prononcée d'une voix nettement plus basse.

    « Liana... Je t'aime trop pour vouloir te punir. »

    La déclaration transpirait la sincéité et pourtant, elle ne rencontra que la colère...

    « Espèce de crétin ! Si t'étais resté, si tu n'étais pas devenu un monstre... »

    Que la colère ? Non, il y avait aussi autre chose, quelque chose de presque désespéré dans ces mots-là...
    Ils se heurtèrent au ton cassant de Roxas, qui avait retrouvé son masque moqueur après cet instant de sincérité :

    « Quoi, tu aurais voulu construire quelque chose avec moi ? Laisse-moi rire.
    - Oui. »

    La réponse avait fusée, sincère. Si les circonstances n'avaient pas été contre eux, elle leur aurait donné une chance. Un silence poursuivit cette déclaration d'amour déguisée, Roxas s'approcha d'un pas vers Liana, qui ne recula pas cette fois. Ronan ne pouvait toujours pas voir l'expression qu'affichait son ami, mais sa voix prit une inflexion terrible, quelque part entre la douleur et l'affront.

    « Quel dommage que tu sois un monstre toi aussi, et que je doive te tuer. »

    Ronan put lire la blessure sur le beau visage de la blonde qui faisait face à son coéquipier, avant que ses traits ne se déforment pour afficher un sourire carnassier qu'il n'aurait jamais imaginé possible sur ces doux traits :

    « A moins que je ne te tue avant.  »

    Soudain, des racines prirent vie et foncèrent droit vers Roxas, le forçant à faire un bon en arrière pour les éviter. Au même moment, Roxas tira une des dagues qu'il portait à sa ceinture. C'était le signe que Ronan attendait : il surgit de sa cachette pour se placer aux côtés de Roxas, le canon de son arme pointé vers la jolie blonde alors qu'il s'écria :

    « Halte! »

    L'action de figea ; Roxas et Liana ne s'attendaient clairement pas à être interrompus.Quelque part, Ronan en était presque étonné. Roxas avait toujours été si doué pour sentir quand on l'épiait, il avait presque attiré la suspicion sur lui durant leurs classes... Mais au final, Ronan pouvait le comprendre. Il était évident que cette femme face à lui l'avait ébranlé. Ils avaient cependant un devoir à accomplir, alors Ronan prit la parole, profitant de cet instant de flottement dans le conflit ;

    « Liana, c'est ça ? Tu es un danger pour la population, et tu viens de t'en prendre à l'un de ses protecteurs. Et pour ça, tu dois être exécutée. »

    Les yeux rivés sur Roxas, la jeune femme ne sembla pas prendre conscience de la condamnation à mort que Ronan venait de prononcer. Et alors même qu'il levait la sécurité de son fusil, la voix de la jeune femme s'éleva, presque plaintive ;

    « Roxas... »

    Un mot. Une voix douce.

    La douleur qui paralyse.

    Ronan baissa les yeux sur sa poitrine soudain imbibée de sang en même temps qu'il baissa son arme, malgré lui. Sa vision troublée, les force le quittant trop vite à cause de ces coups trop rapides, trop précis. Ronan leva les yeux pour trouver le regard de son frère d'arme, qui venait de le condamner. Il n'y déchiffra aucune expression alors qu'il rendait son dernier souffle.

    5. Lt. Collins

    L'interrogatoire avait duré des jours.

    Lorsque le soldat Jefferson était rentré de mission au petit matin en transportant tant bien que mal le corps sans vie du soldat O Shea sur ses épaules, la caserne était entrée en ébullition. La mission qui était assignée aux jeunes recrues n'était qu'une mission de reconnaissance. Les deux jeunes hommes étaient censés contacter la caserne si le moindre problème survenait, et il n'y avait eu rien à signaler à quatre heure du matin, lors de leur dernière prise de contact. Comment étaient-ils passés d'une nuit sans histoire à la mort d'une recrue prometteuse ?

    On retira vite le corps de Ronan des bras d'un Roxas à l'air confus et à qui il manquait la plupart de son équipement. Sans lui laisser le temps de se débarrasser du sang de son camarade qui séchait sur ses mains et sur ses vêtements, on l'entraîna immédiatement en salle d'interrogatoire pour lui demander d'expliquer sa version des faits. Et les faits fusèrent, confus d'abord, avant qu'il ne soit rappelé à l'ordre pour que son rapport soit plus clair.

    Les deux jeunes soldats étaient donc en pleine observation lorsque se dessina la silhouette d'une femme au loin. On lui demanda de la décrire, tout ce qu'il pu dire était qu'elle était plutôt menue, semblait assez petite et portait les cheveux longs, châtain clair ou peut être blond, Jefferson n'en était pas vraiment sûr. Il avait été trop loin pour identifier les traits de son visage. Il avait voulu se saisir de ses jumelles pour mieux l'observer, mais c'était sans compter sur l'impulsivité du soldat O Shea, qui lui intima de ne pas bouger avant de s'élancer vers cette femme.

    Roxas avait alors hésité sur la marche à suivre, alors même qu'il savait qu'il aurait dû contacter la caserne pour demander des renforts. Mais il avait craint que les renforts n'arrivent pas à temps : alors il était parti à leur poursuite. Il s'était donc enfoncé dans la forêt à leur poursuite, mais les perdit vite de vue. Et à force d'errer dans la direction qu'ils avaient dû prendre, il avait pu retrouver Ronan, poignardé par l'une de ses propres armes. Aucune trace de la femme qu'il avait poursuivit. Ronan était encore vivant lorsque Roxas l'avait trouvé, mais il n'en avait clairement plus pour longtemps. Et Roxas avait fait l'erreur d'avoir laissé sa radio derrière lui, avec le reste de son paquetage. Il décida alors d'essayer de ramener Ronan à la caserne, espérant être assez rapide pour qu'il ne soit pas trop tard...

    On plaça le soldat Jefferson en cellule d'isolement à la suite de son témoignage, où il put au moins laver ses mains couvertes de sang à défaut de pouvoir se changer. Le lieutenant Collins, qui avait mené ce premier interrogatoire, consulta alors avec son sous-lieutenant. Il avait la désagréable sensation que Jefferson lui cachait quelque chose. Il avait eu l'air confus, perdu, mais il y avait autre chose dans son regard. Quelque chose d'infiniment plus sombre... Le soldat O Shea avait toujours été une tête brûlée, son sous-lieutenant, qui avait passé plus de temps que lui auprès de la division 64, le confirma. Mais pourquoi diable le soldat Jefferson n'avait-il pas pris quelques minutes pour reporter l'incident à la caserne, pourquoi n'avait-il pas saisit sa radio alors qu'il s'élançait à la poursuite d'O Shea ?

    Le sous-lieutenant argumenta en faveur de Jefferson : la fougue de la jeunesse, une inexpérience des missions de terrains, une simple erreur de jugement... Mais quelque chose dérangeait encore le lieutenant Collins, sans qu'il ne puisse définir ce dont il s'agissait. Il décida de garder Jefferson en cellule d'isolement, et refusa qu'on lui amène de quoi se changer. Il envoya une équipe pour fouiller la forêt, à la fois pour observer le lieu du crime mais aussi dans l'espoir de retrouver la femme qui aurait tué son soldat... Si toutefois elle existait.

    Son équipe, aidée par les indications données par Roxas lors de son témoignage, retrouva vite la scène du crime : on retrouva au sol des traces de sang et des preuves qu'un ou une maga était passé.e par là. Le lieutenant Collins n'était toujours pas satisfait. On passa le bois au peigne fin, mais c'était évidemment trop tard. Si une jeune femme blonde s'était trouvée là, elle était de toute évidence partie depuis longtemps.

    Le lieutenant concentra alors ses efforts sur Jefferson. Des heures après le premier interrogatoire, il le fit sortir de cellule pour le faire à nouveau interrogé, par son sous-lieutenant cette fois. Il espérait qu'un visage plus familier pousserait Jefferson à confesser ce qu'il lui cachait... Sa version ne changea pas d'un iota. La seule différence avec sa première interrogation fut sa conclusion, alors que Jefferson demanda qu'on le laisse prendre une douche et se changer, l'air de trouver insupportable maintenant d'être encore couvert du sang de son camarade. Le sous-lieutenant promis qu'il ferait ce qu'il pourrait et le renvoya dans sa cellule.

    Le lieutenant Collins refusa cette requête, pourtant raisonnable. Il ordonna aussi que l'on empêche le soldat de dormir plus de vingt minutes, si d'aventure il cherchait le sommeil. A la quatrième interrogation, plus de vingt-quatre heures plus tard, le soldat Jefferson, après avoir inlassablement délivré sa version des faits, toujours identique, demanda pourquoi on le traitait comme un criminel. Il n'eût pas de réponse alors qu'on l'enferma à nouveau.

    Le jour suivant, le lieutenant ordonna qu'on laisse enfin le soldat se laver et qu'on lui donne des vêtements propres avant de l'interroger à nouveau, de lui demander de raconter ce qu'il s'était vraiment passé dans la forêt. Le soldat Jefferson avait l'air hagard, le manque de sommeil commençait à l'atteindre profondément, mais il délivra encore la même version des faits.

    Le lieutenant Collins laissa passer le reste de la journée, prêt à conduire un nouvel interrogatoire au petit matin, après une nouvelle nuit sans sommeil réparateur pour le soldat. Cependant, cette soirée-là, il eu l'immense surprise, l'incroyable honneur d'être visité par le colonel Marshall.

    Le colonel Marshall était une véritable légende auprès de ses subalternes. Il était connu pour sa poigne de fer et son ambition sans commune mesure, qui lui avait valu d'être l'un des plus jeunes colonels de l'histoire d'Arkan. Certaines mauvaises langues prétendaient qu'il ne devait son ascension qu'à s'être bien marié, presque vingt ans auparavant... Mais le lieutenant Collins n'était pas de ceux-là. Il avait entendu ses prouesses à l'époque de ses classes déjà, et il avait le plus profond respect à l'égard de son colonel. Alors il fût tout bonnement interdit lorsque son modèle lui annonça l'objet de sa visite :

    « J'ai entendu dire que vous avez des problèmes avec la division 64, lieutenant... »

    Le lieutenant ne s'attendait franchement pas à ce que le colonel Marshall se déplace en personne à cause d'un problème en cours dans la division 64. D'ordinaire, il laissait ses lieutenants s'en occuper, envoyant parfois un subalterne chercher des informations pour les cas les plus préoccupants. Mais la place du lieutenant n'était bien évidemment pas de questionner son supérieur ou de discuter ses décisions ; il lui expliqua alors la situation, ne lui épargnant pas ses doutes concernant le témoignage du soldat Jefferson, bien qu'il soit toujours identique.

    Le colonel écouta attentivement son rapport, sembla prendre le temps d'y réfléchir un instant en silence puis s'exprima enfin ;

    « Laissez le soldat... Jefferson, c'est ça ? Laissez le soldat Jefferson dormir, ce soir. Je l'interrogerai moi-même demain. »

    L'ordre – car c'était un ordre – était prononcé d'un ton sans appel, et le lieutenant se garda bien de le contester. Mais il ne le comprenait pas : depuis quand le colonel Marshall s’intéressait-il aux soldats en bas de l'échelle ?

    Le lieutenant Collins ne put assister à l'interrogatoire dirigé par le colonel. Tout ce qu'il su fût que Roxas Jefferson livra encore la même version au colonel, et que le colonel décida à la suite de cette entrevue d'intégrer le soldat à un programme interne réservé à l'élite, qui vouait certains soldats à accompagner des personnalités politiques et commerçants influents hors de l'île, officiellement pour les protéger, en réalité pour les surveiller. Et cette décision, qu'il ne pouvait évidemment ni contester, ni questionner, n'avait pas de sens aux yeux du lieutenant Collins : au minimum, Roxas Jefferson aurait dû être sanctionné pour ne pas avoir respecté la procédure et avoir peut-être en partie causé la mort de son coéquipier : alors pourquoi avait-il l'impression que Jefferson était récompensé ?




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    Histoire



    6. Alexiel

    Glacé jusqu'aux os, ses vêtements trempés lui collant à la peau, Alexiel guettait dans l'angoisse et l'obscurité les bruits alentours. Pour l'instant, tout ce qu'il percevait, allongé inconfortablement dans sa cache étroite, c'était le bruit des vagues contre la coque, le craquement du bois autour d'eux, et la respiration angoissée de la jeune femme contre lui, son souffle réchauffant vaguement son visage à intervalles réguliers. Elle tremblait, sans doute autant de froid que de peur. Ils étaient tous les deux trop épuisés pour utiliser leur don pour quoi que ce soit, qu'il s'agisse de se défendre ou même simplement de se sécher...

    « Alex... J'ai peur. »

    Il posa une main sur son bras, se voulant rassurant malgré ses propres craintes, sans pour autant trouver les mots qui la soulageraient. Aucune de leurs réunions secrètes, aucune de leurs conversations, aucun des rêves de liberté qu'ils avaient discuté n'avaient pu les préparer à la situation dans laquelle ils se trouvaient aujourd'hui.

    Tout avait commencé avec le retour de Roxas Jefferson dans la vie de Liana. Alexiel n'avait jamais fait que le croiser avant ce jour-là, aux scouts alors qu'ils n'étaient que des enfants dans des unités différentes, adolescents et jeunes adultes alors que Jefferson patrouillait en uniforme et qu'Alexiel faisait ce qu'il pouvait pour éviter son regard, comme s'il craignait qu'il pouvait déceler son don en posant simplement ses yeux sur lui. Il ne savait rien de l'histoire complexe qui liait Liana et ce soldat : il pensait que la tension qu'il ressentait chez elle dès qu'il patrouillait dans leur quartier naissait dans la crainte qu'il découvre leurs activités illicites. S'il avait été un peu plus observateur, pourtant, Alexiel aurait pu remarquer que la jolie blonde semblait plus détendue lorsque d'autres soldats parcouraient leurs rues, ou que les rares fois où elle s'était adressée à Roxas en sa présence, à voix basse de sorte que personne ne pouvait entendre leur conversation, il ne s'agissait pas simplement de la requête d'une citoyenne au soldat qui avait le devoir de s'assurer de leur sécurité.

    Faute d'avoir compris ce qui les liait, Alexiel ne comprit pas non plus la morosité soudaine de Liana quand, un jour, sans prévenir, le soldat Jefferson ne fut plus partie des rondes du quartier C. Les rumeurs ne tardèrent pas à parvenir aux oreilles de ceux qui s'y intéressaient : il avait pris un peu de grade, il avait apparemment réussi à intégrer un programme spécial qui le conduirait à escorter des personnages importants hors de l'île, à s'assurer de leur sécurité alors qu'ils commerçaient avec l'étranger. Il passerait donc le plus clair de son temps en dehors de leur île maudite, ne revenant que quelques semaines de temps à autres pour récupérer de nouvelles marchandises ou pour s'occuper d'un nouveau personnage important. Comme beaucoup, Alexiel enviait beaucoup la situation de Roxas : en même temps, il s'imaginait être loin de Liana pendant des mois et soudain, il se disait qu'au final, il n’était pas si malheureux, malgré le danger qui planait constamment au-dessus de leurs têtes.

    Le souvenir de Roxas ne se rappela à Alexiel que plusieurs années plus tard, alors que le gouvernement leur avait distribués des tracts avec la photo du jeune soldat, sans doute prises avant qu'il ne parte à la conquête du monde : des avis de recherches. Bien entendu, le document était vague : on parlait de désertion, de traîtrise à la nation, mais personne ne savait vraiment ce qu'il s'était passé pour qu'on offre soudain tant de récompenses à toute personne qui pourrait fournir des informations sur cet individu. Les rumeurs ne tardèrent pas à suivre, bien sur, mais que croire ? Le seul point sur lequel les histoires semblaient s'accorder, cependant, c'était que le soldat avait profité d'une permission en territoire étranger pour disparaître. Comment avait-il bien pu accomplir cet exploit ? Alexiel ne doutait pas un seul instant que les soldats qui étaient envoyés à l'étranger étaient sans doute surveillés par d'autres soldats, et que la tension entre eux devait être suffisante pour dissuader quiconque de déserter. Les rumeurs les plus folles rapportaient que Roxas avait été assigné à des missions pour lesquelles la sécurité était particulièrement faible... Des missions où des anciens amis du général Marshall étaient un peu plus libre de leurs affaires que l’État voulait bien l'admettre... Si Alex était sceptique, le fait était que Roxas était devenu l'ennemi de la Nation. De fait, il était aussi devenu un possible allié de leur mouvement contestataire secret.

    Les mois défilèrent et l'on cessa de parler du soldat Jefferson. Sa légende s’effaça rapidement face à l'angoisse de leur quotidien : de toutes façons, ils n'avaient aucune chance d'avoir quelque information que ce soit sur le renégat, même s'ils avaient voulu le livrer. Il faudrait être fou pour revenir sur Arkan après être parvenu à s'échapper...

    Ce fut donc la première impression qu'Alexiel eut de l'ancien soldat alors qu'on le lui présenta un soir, en chair et en os, au beau milieu d'une réunion secrète. Quoi que reconnaissable, il n'avait plus grand chose à voir avec le beau jeune homme qui posait stoïquement sur la photo de son avis de recherche. Cet homme-là avait perdu de sa musculature, il paraissait presque maladif. Ses cheveux avaient poussé et il avait clairement négligé son sommeil, à en croire son teint blafard et les poches sombres sous ses yeux hagards. Mais plus que son apparence, c'est son attitude qui inquiétait Alex. Il avait tout de la bête traquée, entre ses regards fréquents vers la porte qui le séparait d'une fuite, cette façon qu'il avait de gratter la cuticule de son pouce d'un geste clairement anxieux, et les micros expressions de son visage que le maga n'arrivait pas à déchiffrer. Le renégat ne parla pas beaucoup :
    Dave s'occupa de répondre à la plupart des questions qui se posaient. Roxas avait déserté en découvrant le monde, un monde dans lequel les magas n’étaient pas pourchassés pour le simple fait d'avoir un don, et qui se portait beaucoup mieux que leur île. Il avait passé un certain temps à découvrir d'avantage ce monde, à déconstruire cette idée qu'on lui avait inculquée depuis tout petit que la magie devait être éradiquée. Une fois sa curiosité plus ou moins assouvie, il avait commencer à repenser à ces magas cachés sur l’île, et l'injustice de leur situation l'avait poussé à revenir dans leur pays maudit pour leur prêter main forte. C'est comme ça qu'il avait traqué Dave, sur lequel il avait eu des soupçons lors d'une ronde des années auparavant, soupçons qu'il n'avait jamais partagé avec l'armée pour des “raisons personnelles” que Dave n'expliqua pas. Dave était méfiant, il n'avait pas tout de suite présenté Roxas au reste du groupe ; d'abord, il lui avait demandé des informations, sur la base, sur leur formation, tout ce qui pourrait potentiellement leur être utile même s'il n'ignorait pas que les informations dont disposait Roxas pouvaient être devenues obsolètes avec les années. Dave était persuadé depuis longtemps que leur petit groupe devait faire des actions plus fortes, s'en prendre directement aux soldats et à la base, s'ils voulaient un jour espérer vivre libres. Il disposait déjà d'un certain nombre d'informations avant l'intervention de Roxas, fournies par d'autres soldats déserteurs ou des employés de la base qui n'avaient pas fait long feu. Il avait donc pu vérifier de nombreuses informations délivrées par Roxas, conclut qu'ils pouvaient lui faire confiance et que l'ancien soldat serait un grand atout pour leur groupe.

    La plupart des autres magas s'échangèrent des regards vaguement mal à l'aise ou curieux lors du récit de Dave, naturellement méfiants envers cet homme qui avait porté l'uniforme qui hantait leurs cauchemars. Liana, quant à elle, ne quitta pas Roxas des yeux, mâchoire crispée, Elle lui adressait un regard brûlant qu'Alexiel ne savait pas interpréter, mais il savait qu'il n'aurait pas pu soutenir ce regard comme le renégat le faisait, la tension palpable entre ces deux-là. Il ne comprit pourquoi que bien plus tard, à l'issue de cette réunion où tous se mirent d'accord pour ne pas dénoncer Roxas aux autorités, bien qu'ils étaient nombreux à exprimer leurs réserves quand à cet inconnu. Et alors que tout le monde commençait à partir, Alexiel surpris une conversation à voix basse entre celle qui faisait battre son cœur et l'ancien soldat :

    «Tu es devenu complètement fou ?! Qu'est ce que tu fais ici ?»

    Roxas lui adressa un sourire insolent, sourcil levé :

    « Tu n'as pas suivi le briefing ? Je viens donner un coup de main, me rendre utile...
    - Oh, ne te fous pas de ma gueule
    , répliqua Liana, exaspérée.»

    Roxas baissa encore un peu la voix, poussant Alex à tendre d'avantage l'oreille, presque malgré lui :

    « Applique-toi tes propres conseils. Tu sais très bien pourquoi je suis revenu.»

    Et, face à l'air interrogatif de Liana, il compléta :

    «Pour toi, Liana, c'est toujours toi. Je suis venu te sortir de son enfer.»

    Le visage de Liana afficha alors une expression qu'Alexiel ne lui connaissait pas. Il comprenait bien que c'était censé être un sourire, mais il n'avait rien de beau, rien d'amusé, rien de tendre.

    « Ah, tu t'es acheté une conscience quand tu étais à l'étranger ? Roxas, je préfère crever ici plutôt que te suivre où que ce soit.
    - Tu n'es pas sérieuse ?!
    »

    Alexiel n'avait pas pu s’empêcher d'intervenir, et il comprit combien c'était malvenu alors que les deux blonds le fusillaient du regard de concert. L'ancien soldat prit la parole le premier :

    « T'es qui, toi ?
    - Alexiel Donnelly. Je suis...
    »
     
    Les mots lui manquèrent, et Liana en profita pour se fendre d'un nouveau sourire mesquin tout en glissant sa main dans celle d'Alex ;

    « Mon ami. Si tu vois ce que je veux dire...»

    Roxas fronça le nez, clairement dégoûté de ce qu'elle sous-entendait. Il secoua ensuite la tête :

    « ... On en reparlera plus tard.
    - Pourquoi ? On a plus rien à se dire.
    »

    La réplique de Liana avait claqué, sèche. Roxas ne la prit pourtant pas au sérieux ; il se contenta de lui adresser un sourire parfaitement insolent avant de retrouver Dave pour quitter avec lui le lieu de la réunion.

    Le fait est que Roxas avait raison ; ils en reparlèrent beaucoup. Liana était d'abord inflexible, ce que Roxas avait de toute évidence anticipé puisqu'il n'avait pas l'air pressé de la convaincre, malgré la précarité de sa situation. Alexiel ne comprenait pas la position de la jeune femme ; ils avaient longuement parlé de la possibilité de fuir l'environnement de peur constante dans lequel ils évoluaient depuis qu'ils étaient enfants. Comment pouvait-elle refuser cette opportunité ? Alexiel pensait qu'elle finirait bien par lui expliquer les raisons de son refus s'il la questionnait assez à ce sujet : il réalisa bien vite qu'elle était déterminée à les garder pour elle. En revanche, il parvint à s'introduire dans plusieurs de ces conversations, constatant de lui-même que Roxas était parfaitement insupportable, même alors qu'il se mettait clairement de son coté et tentait lui aussi de convaincre Liana de partir. Et outre son hostilité maintenant évidente envers Roxas, Liana avait un argument fort ; elle ne voulait pas abandonner toute sa communauté derrière elle, sauver sa peau et laisser les autres se battre pour le droit de vivre.

    Finalement, après de nombreux débats, de nombreuses disputes, Roxas parvint à la convaincre de sauver sa peau. À une condition, cependant, qui était loin de ravir l'ex-soldat : Alexiel viendrait avec eux. Ce fut évidemment la source de nombreuses autres disputes : ça n'était pas dans son plan, il avait payé des gens pour faire sortir deux personnes, pas trois, plus ils étaient nombreux, plus l'entreprise serait risquée, et surtout, Roxas affirmait qu'il ne supporterait pas longtemps la présence de l'amant de Liana, et il présentait ce fait comme l'argument ultime. Mais Liana restait inflexible ; si Roxas voulait se présenter en héros, il devrait les sortir de là tous les deux. Sinon, il n'avait aucune chance de la convaincre de le suivre où que ce soit.

    Roxas finit par céder et leur donna rendez-vous une semaine après que la décision était prise. Ils n'auraient pas de deuxième chance, il était donc capital que le plan de l'ex-soldat fonctionne et qu'ils parviennent en effet à quitter Arkan ce-soir là.  

    Quitter l'île, même préparés, n'était pas une mince affaire. Il fallait éviter les rondes des soldats, se glisser sur la plage sans se faire repérer par les tours de guet et s'assurer qu'aucun voisin n'ait eu vent de leur projet et ait décidé de les dénoncer en échange de quelque privilèges. Mais ces risques-là, Roxas ne semblait pas tant les craindre : ce qui l'inquiétait vraiment, c'était ce rempart naturel qui les séparait du continent. L'océan glacé, de nuit, sans lumière parce qu'ils ne voulaient pas attirer l'attention des tours de guets, avec le risque de tomber sur la flotte Arkanienne ou de voir le courant les entraîner loin du bateau qui leur offrirait leur salut. Et tout ce que Jefferson avait à leur offrir, en gage de sécurité, c'était une corde pour qu'ils puissent couler ensemble plutôt que seuls, et la boussole attachée à son poignet pour les guider jusqu'au bateau en question... Il était fou, Alexiel en était maintenant persuadé.

    Pourtant, il le suivit dans ce plan suicidaire, et s'attacha aux deux blonds. Pour elle, parce qu'il avait l'espoir qu'il saurait lui porter secours si les choses tournaient mal dans leur tentative de fuite... L'océan était un adversaire féroce, les vagues qui se fracassaient contre leurs corps, le froid qui lui donner l'impression de suffoquer, qui engourdissait ses muscles, Alex eut vraiment l'impression distincte qu'ils feraient mieux de renoncer alors qu'il luttait avec l'impression que la côte ne s'éloignait jamais. Roxas ne se contentait pas simplement de les guider, le jeune arkanien avait la sensation que le soldat les tirait même vers leur destination, faisant preuve d'une force et d'une résilience impressionnante. Et comme Roxas l'avait prédit, il y eu un accroc. Arrivé sur le navire qui devait leur apporter leur salut, ruisselants et glacés jusqu'aux os, tentant de reprendre leur souffle et incapable de tenir sur leurs jambes, les deux magas ne comprenaient pas les mots échangés dans une langue étrangère entre Roxas et le capitaine, mais il était évident qu'ils se disputaient à leur sujet. La conversation leur parut durer une éternité, et Alexiel était terrifié à l'idée que ceux qui devaient les aider changent d'avis, qu'ils les mènent jusqu'à leur gouvernement... Jusqu'à leur exécution... Mais Roxas finit par les conduire jusqu'à la cale, et les pousser à se cacher dans cet endroit exigu qui pouvait à peine contenir deux adultes. Et avant de s'y glisser la première, Liana eu l'air de comprendre quelque chose, fronça les sourcils et se tourna vers Roxas :

    « ... Et toi ?»

    Un sourire sans joie se dessina sur le visage de Roxas, et Alex comprit. Cette cache, elle était censée être pour Liana et Roxas. Le caprice de Liana, en exigeant qu'Alexiel viennent avec eux, que Roxas le sauve lui aussi, pourrait coûter la vie de celui qui tentait de les tirer de leur enfer.

    « Parce que maintenant, tu t'inquiètes pour moi ? Comme c'est mignon...»

    Ce ton passif-agressif déplut évidemment à la jeune femme, qui leva les yeux au ciel :

    « Tu as raison, je ne devrais pas. Pas après ce que tu m'as fait.»

    Le rictus de Roxas s'élargit encore sur son visage en un sourire cruel et Alex su qu'il n'avait même pas besoin de prononcer une parole pour la blesser. Alors il se glissa dans le trou à la suite de Liana, et laissa le renégat les y enfermer sans oser prononcer la moindre parole pour ce qui lui parut être des heures.




    Et soudain, l'inondation de lumière, aveuglante. Alexiel tenta de concrétiser quelque chose, mais l'épuisement, le froid, l'aveuglement, tout le distrayait trop pour qu'il puisse leur créer une défense correcte alors qu'il essayait de définir si c'était un allié ou un ennemi qui venaient les sortir de leur planque. Et il n'aurait jamais cru être soulagé de voir le grand sourire moqueur de Roxas Jefferson, qui lui tend la main pour l'aider à extirper ses membres ankylosés de leur planque, avant d'aider une Liana tremblante à son tour. A la jeune femme d'abord, il tend une serviette et des vêtements secs. Lui-même s'était déjà changé. Elle les saisit sans un mot, et il lui indique un coin, plus loin, où elle pourra se sécher à l'abri des regards. Ensuite seulement saisit-il une seconde serviette et des vêtements d'homme, qu'il tend à Alex sans cependant les relâcher. Il profite de l'opportunité d'être en tête à tête avec lui pour souffler, menaçant :

    « Soyons clair : la seule raison pour laquelle j't'ai laissé nous accompagner, c'est parce que j'avais plus l'temps de la convaincre. Dès qu'on débarque, tu disparais de sa vie. Compris ? »

    Et malgré la menace claire, malgré le fait que l'homme qui lui fait face vient de lui sauver la vie en le menant hors d'Arkan, Alexiel sait qu'il ne peut lui offrir qu'une seule réponse:

    « Non. »

    Roxas lève un sourcil, incrédule face à cette réponse à laquelle il ne s'attendait pas :

    «  Comment ça, non ? Quoi, t'as b'soin que je te fasse un dessin? »

    Alexiel secoue la tête pour lui répondre posément :

    « Non, j'ai compris ce que tu me demandes... Mais il est hors de question que je disparaisse de sa vie. Je l'aime. »

    Roxas ricanne :

    « Tu ne sais pas ce que c'est que de l'aimer. »

    Et sur cette conclusion, il lâche serviettes et vêtements pour tourner les talons.

    7. Liana

    On aurait pu croire que son nouveau départ signifierait pour Liana qu'elle vivrait une vie heureuse, apaisée et sécurisante et, pendant un temps, ce fut le cas. Alexiel resta un moment à ses côtés avant qu'elle lui fasse comprendre qu'elle avait besoin d'espace pour profiter de cette liberté nouvelle que Roxas lui avait offerte et qu'il décide donc d'en faire de même, seul. Roxas, quant à lui, se faisait rare : sans doute parcce que chacune de leurs interractions se concluaient par des menaces de morts de la part de l'un ou de l'autre, voire même de réelles tentatives de se blesser mutuellement. Il hantait son quotidien comme un fantôme, à coups de visites intempestives et sporadiques. Ses sentiments à son égards étaient confus. Evidemment, elle lui était reconnaissante de cette chance qu'il lui avait offerte. Mais elle ne pouvait pas simplement faire une croix sur le fait qu'il avait tué un enfant, tué son petit frère. Et ça n'était pas comme s'il s'en était excusé ou lui avait montré la moindre trace de remords.. Alors elle préfèra s'isoler, même de ces deux hommes qui l'aimaient tous les deux si profondément, chacun à leur manière.

    Au départ, elle profita vraiment de cette liberté nouvellement acquise. Aucune attache, personne qui ne la connaissait vraiment, personne pour lui rappeller la vie de peur qu'elle avait vécu jusque là. Elle découvrit qu'on pouvait sortir faire les magasins sans voir un soldat à chaque coin de rue, sortir le soir sans se soucier de couvre feu ou d'autorisations spéciales à brandir, qu'on pouvait dépenser avec frivolité sans avoir à présenter sa pièce d'identité pour chaque transaction non-alimentaire. Surtout, elle découvrit que l'on pouvait utiliser son don librement ou, au moins, sans la crainte d'être condamnée à mort pour le simple crime d'en avoir un. Bien sûr qu'il y avait aussi des règles à suivre, des lois pour assurer la sécurité du plus grand nombre... Mais Liana avait grandit dans un pays tellement opressif que le simple fait de pouvoir suivre des cours du soir pour cultiver son don lui parut être la chose la plus merveilleuse au monde.

    L'ivresse de la liberté ne dura pas. Et finalement, après quelques mois avec l'impression d'être devenue reine du monde, l'effervescence commença à redescendre. Il y avait la difficulté de la langue qu'elle maitrisait mal. La difficulté de trouver un emploi, avec l'obligation de changer de logement pour faute de moyens. La difficulté même de finir le mois et de gérer un budget sans les rations fournies par le gouvernement. Mais plus que ces difficultés matérielles, c'est finalement la solitude qui finit par la ronger le plus. Elle avait du mal à vraiment se lier avec ces personnes qui ne comprenaient pas vraiment son histoire ou l'horreur qu'avait été son quotidien, qui ne saisissaient pas combien elle était miraculée, qui ne la prenaient parfois même pas au sérieux quand elle leur révélait venir d'Arkan. Parfois, elle se demandait si elle avait fait le bon choix. Elle se sentait encore coupable face aux amis qu'elle avait abandonnés sans même un au revoir, qui devaient maintenant se débrouiller sans Alexiel et elle. Et ces enfants qu'elle s'était jurée de protéger pour qu'ils ne connaissent pas le même sort que son petit frère... Bien sûr, elle savait que nombre d'entre eux auraient fait le même choix qu'elle. Ca ne le rendait pas moins difficile à supporter.

    Cette solitude qui commençait à lui peser, elle aurait pu la soigner en contactant Alexiel ou Roxas. Mais elle ne pouvait pas s'y résoudre. Le premier, parce qu'il avait lui aussi le droit de se construire une vie normale, parce qu'il avait tant donné pour elle qu'il ne lui paraissait pas juste de simplemenet lui demander de revenir, et aussi, sentiment nettement moins assumé, parce que l'idée qu'il reviendrait lui inspirait du mépris. Elle s'en voulait pour ce sentiment qu'elle ne comprennait pas : mais l'idée qu'il oublie toute fierté pour revenir à ses côtés ne lui insipirait que du dédain. Roxas... Roxas, au contraire, ne se laisserait pas charmer aussi facilement, et c'était peut-être pour ça qu'elle ne souhaitait pas le contacter non plus. Lui, il ricannerait à son visage, la mettrait face à  ses contradictions, hors d'elle, aurait sûrement quelques railleries injustes envers Alexiel et la relation qu'elle avait entretenue avec lui... Non, il lui ferait trop de mal si elle le laissait vraiment revenir dans sa vie. Il chercherait à la détruire, c'était sûr. Leurs dernières entrevues avaient été trop violentes. Il n'était pas devenu le héros qu'il aurait pu prétendre être en la tirant de leur pays maudit : au fond, il était toujours ce soldat cruel qui avait tué son petit frère. Elle fermait naturellement les yeux sur sa propre hostilité à son égard, les remarques acides dont elle avait parfois l'initiative : le fait est que Roxas tirait le pire d'elle, et qu'elle ne voulait pas être cette personne-là.

    Que lui restait-il alors ? Elle ne pouvait pas être la seule réfugiée dans tout Sombréa. Elle avait entendu d'autres histoires comme la sienne, qui lui avait semblait être de simple fabulations désespérée quand elle vivait encore sur Arkan, surtout lorsqu'elles étaient raportés par des proches de disparus qui préfèraient sans doute penser que leurs êtres chers avaient trouvé une vie meilleure plutôt que la mort ou les camps de travail. Maintenant, elle savait qu'au moins certaines de ces histoires devaient être vraies. Alors elle se mit en quête des autres. De ceux qui, comme elle, étaient ou avaient été un peu perdus dans cette vie si étrange, si libre qu'elle leur paraissait plus artificielle que la fausse impression de sécurité avec laquelle le peuple nomag d'Arkan pouvait parfois vivre.

    Elle ne savait pas qu'en postant quelques petites annonces dans le journal, elle signerait son arrêt de mort.



    ***



    Même ouvrir les yeux était difficile. L'afflux de lumière, la lourdeur de ses paupière, chaque mouvement qui lui paraissait être un effort hérculéen... Elle essaie de prendre une inspiration, une bouffée d'air, et quelque chose la gêne, l'étrangle même. Elle panique, elle lève une main qui pèse une tonne pour essayer de se débarasser de cet appareil qui l'aidait à respirer pendant qu'elle était plongée dans le coma, mais une main ferme et grande, une main d'homme arrête son geste. Confuse, effrayée, elle essaie de faire appel à son don, sans succès, elle glisse aussi son autre main jusqu'à sa hanche à la recherche d'un couteau et n'y trouve que le contact rugeux des draps et de sa chemise d'hôpital.

    «  Doucement, ceci t'aide à respirer. Tu comprends ce que je te dis ? »

    La voix qui s'élève se veut clairement apaisante, à peine plus qu'un souffle. Elle est épuisée et confuse, elle tourne vaguement la tête alors que sa vision se précise... Son coeur loupe un battement en apercevant ces cheveux blonds. Roxas. Non. Ca n'est pas sa voix, et puis le bleu de ces yeux-là est si vif... Trop vif ? Elle ne se pose pas la question, se contente de hocher la tête pour répondre et s'acharne à tenter de retirer son aide respiratoire. La main qui l'a arrêtée l'y aide, avec des gestes doux, délicats. Ca n'est pas suffisant pour la mettre en confiance : son esprit engourdi, elle ne se souvient pas de cet homme. Les souvenirs de ce qui l'a menée jusqu'ici, eux, reviennent doucement... Le piège. Les soldats qui ont tenté de l'arrêter. Sa résistance, et l'artefact qui l'empêche d'utiliser son don... La douleur, et la perte de conscience. Et si c'était un piège ?

    « Tu te souviens de qui tu es ? »

    L'inconnu a repris la parole, toujours avec douceur. Quel serait le but d'un piège ? Elle est une abomination sur Arkan... Ils la préféreraient sans doute morte. A moins qu'ils ne veuillent des informations d'elle, sur sa fuite, sur Roxas. Elle ouvre la bouche, qu'elle trouve effroyablement sèche, et elle n'avait jamais auparavant eu conscience des efforts qu'il lui fallait faire pour faire intervenir ses cordes vocales. La voix qui sort de sa gorge lui paraît étrangère, enrouée.

    « Toi, t'es qui ?
    - Liven. Un... ami. Même si tu ne me connais pas vraiment. Tu te souviens de qui tu es ? »

    Cette réponse vague est loin de la satisfaire ou de la rassurer, mais elle est tellement faible et tellement fatiguée qu'elle ne se sent pas la force d'insister, d'exiger des réponses plus précises. Il est évident qu'il sait qui elle est, sinon quoi il ne formulerait pas sa question de cette façon-là. Alors lui donner son identité n'est sans doute pas trop en révéler :

    « Liana Katel. Combien de temps ?»

    Elle économise ses mots. Depuis combien de temps est-elle inconsciente sur son lit d'hôpital ?

    « Plusieurs mois.»

    L'homme se redresse, disparaît un instant de son champ de vision pour revenir avec un verre d'eau avant de glisser une main dans son dos, sécurisante, pour l'aider à se redresser. Elle saisit le verre d'eau avec gratitude, et l'impression qu'elle porte à bout de bras tout le poids du monde.

    « Ton état est encore fragile, je ferais mieux d'aller prévenir les médecins. Personne n'avait parié que tu te réveillerais. »

    Et sur ces mots, alors que tant de questions envahissent son esprit à peine éveillé, il tourne les talons et quitte la pièce.

    Les médecins ne tardent pas à débarquer dans sa chambre pour lui faire passer une batterie de tests, tous plus étonnés les uns que les autres de son rétablissements soudain. On parle vite de miracle. On parle d'elle comme si elle n'était pas là, parfois dans des termes techniques, souvent juste pour s'émerveiller du fait qu'elle se soit réveillée. Et vite, elle comprend qu'ils n'ont aucune idée des raisons de l'amélioration soudaine de son état... Elle commence à avoir des réponses alors qu'on la laisse à nouveau se reposer dans sa chambre et que Liven revient avec une dame plus âgée qui lui offre un semblant d'explications. A priori, c'est à elle qu'elle doit son retour au monde des vivants... Pas exactement docteur, elle a clairement des connaissances en magie de soin qui dépassent celles de la médecine traditionelle. Liana sait qu'elle devrait se montrer reconnaissante, mais quelque chose la dérange. Qui sont ces inconnus qui l'entourent ? Pourquoi est-ce qu'ils ont décidé de l'aider ? Et surtout... Où est-il ?

    Roxas. Plus les heures passent et plus elle est convaincue qu'il a quelque chose à voir avec son rétablissement soudain. Elle a demandé plusieurs fois à Liven d'ailleurs si c'est lui qui l'a envoyé, sans cependant obtenir de réponse... Cet homme est presque aussi irritant que son compatriote, à toujours trouver une excuse pour éviter de répondre aux questions qu'elle lui pose... Finalement, elle est trop épuisée pour continuer de se battre contre lui et le laisse s'esquiver... Le temps d'une journée.

    Comme Liven revient le lendemain de son réveil, elle reprend son interrogatoire. Et, à force d'insistance, il finit plus ou moins par lui offrir les réponses qu'elle recherchait. Et plus encore...

    Roxas s'est lié à Liven d'une façon singulière et, peu étonamment quand on connait le personnage, absolument dramatique. Leurs premières rencontres n'avaient pas été forcément plaisantes, mais leur première impression l'un de l'autre s'est vue transformée alors que Liven a pu venir en aide à un Roxas grièvement blessé. Sans qu'il ne donne trop de détail, Liana comprend que les deux hommes en sont ensuite venus à se comprendre, à défaut de se faire forcément confiance. Et apparemment, Roxas a finit par s'ouvrir à Liven ; sur son passé, sur ses crimes sur Arkan... Surtout, sur cette nouvelle qui lui a broyé le coeur alors qu'il pensait que l'amour de sa vie était morte. Liven ne lui donne pas de détails sur les raisons pour lesquelles il en a été longtemps persuadé : il lui explique cependant que la nouvelle a eu un impact dévastateur sur la vie de Roxas, qui s'est réfugié dans le whisky et la vengeance avant de se mettre en tête de faire ni plus ni moins que la faire revenir d'entre les morts. Il ne se serait arrêté à rien pour une chance de la sauver... Et c'est dans cette entreprise qu'il a finalement appris que les miracles existent. Elle n'était pas morte. Elle était plongée dans le coma, certes moins vivante qu'on aurait pu l'espérer, mais il y avait encore un espoir. Espoir qui s'est vite vu balayé par les semaines sans améliorations, par les jours passés à tenter sans succès de la réveiller. Jusqu'à aujourd'hui... Et jusqu'à Roxas qui a exigé de Liven qu'il ne révèle rien et qui s'est absenté on ne sait où. Elle ne peut pas s'empêcher d'esquisser un petit sourire à cette mention, un peu sombre. Il est venu la sauver sur son cheval blanc et, pile au moment où elle revient à elle, il disparaît dans la nature...

    Et plus que ce que Liven lui révèle, elle devine ce qu'il ne lui dit pas. Les excès de Roxas alors qu'il la croyait perdue à jamais. La cruauté de sa vengeance. Les jours passés à son chevet, à laisser le désespoir le consummer tout en s'accrochant à la possibilité de la ramener un jour, parce que sans ça, il n'a rien. Les crimes qu'il a pu commettre, et ceux qu'il était prêt à accomplir, pour la chance d'un jour la revoir sourire... Et elle ne peut pas s'empêcher d'avoir peur. Pas de tout ce que Roxas a d'extrême et de dangereux. Du fait qu'elle l'aime tellement pour tout ça, malgré elle. Qu'est ce qui ne va pas chez elle ?

    Liven veut savoir ce qu'elle compte faire, maintenant. La vérité, c'est qu'elle n'en a aucune idée. Elle a besoin de temps pour réfléchir, pour remettre de l'ordre dans ses pensées, pour digérer ce qu'il vient de lui révéler aussi... Alors elle s'efforce de ne pas répondre à ses questions, peu importe combien il peut insister. Et il ose aller jusqu'à lui conseiller de pardonner à Roxas, d'enterrer la hâche de guerre au nom de tout ce qu'il a fait pour la ramener parmi eux... De tout ce qu'il était prêt à faire. Cette impudence... Que Roxas ait décide de se confier à lui ou non, ça ne le concerne en rien. C'est leur conflit, et elle n'est pas prête à lui pardonner. Le crime qu'il a commis est trop grand... La perte, trop douloureuse. Finalement, et après une conversation qui ne mène à rien, il lui laisse un téléphone, avec son numéro mais surtout, celui de Roxas... Et avant de la laisser, il plaisante :

    «Pense à dire quelques mots gentils sur moi à mon enterrement. »

    Le fait est que Roxas lui en voudra sans doute pour avoir trahi ses secrets... Mais Liana doute qu'il lui en veuille assez pour que leur relation prenne un tournant si dramatique. Après tout, si Liven n'avait pas eu cette conversation avec elle, elle n'aurait sans doute jamais sû ce qu'il avait fait pour elle... Elle n'aurait sans doute jamais exigé son numéro pour pouvoir le contacter et lui en parler. Et malgré son besoin de réponse, elle hésite. Depuis longtemps déjà, ils ont perdu la capacité de communiquer de façon normale et raisonnable. Leurs interractions tournent toujours au conflit, et elle n'est pas certaine d'avoir la force de lui tenir tête, pas alors qu'elle se sent plus faible que jamais sur son lit d'hôpital. Pas alors que tout ce qu'elle voudrait de sa part est un peu de réconfort. Qu'est ce qui ne va pas chez elle? Si elle veut du réconfort, Roxas ne devrait pas être celui vers lequel elle devrait se tourner, elle le sait pertinemment. Pourtant, elle ne veut que sa présence à ses côtés alors même qu'elle se sent si vulnérable, malgré toutes les blessures qu'il lui a fait subir.

    Elle se décide finalement à l'appeler. Plusieurs sonneries passent avant qu'il ne décroche. Il y a un peu de bruit en fond, des voix, une langue qu'elle ne comprend pas.

    « Allô ? »

    Cette voix chaude, le ton interrogatif faute de connaître le numéro... Elle a l'impression de se sentir plus elle-même rien qu'à l'entendre.

    « Roxas... C'est moi. »

    Silence au bout du fil. Il lui faut sans doute un instant pour comprendre que c'est bien elle. Elle sait que Liven lui avait dit qu'elle était éveillée, mais il ne s'attendait sans doute pas à ce qu'elle prenne l'initiative de le contacter. Le silence s'étire et elle entend un bruit sourd, comme une porte que l'on ferme, et le bruit de fond s'évanouit. Et il y a de l'émotion dans la voix qui s'élève finalement, une émotion nue, forte, qui ne s'embarasse pas de faux semblants pour ne pronnoncer qu'un mot... Son nom.

    «... Liana. »

    Un léger silence suit ce nom et finalement, il reprend, avec quelque chose qu'elle n'a plus entendu dans sa voix depuis qu'ils étaient adolescents : de la douceur.

    «Je suis content de d'entendre.»

    Elle est destabilisée. Et comme toujours quand elle est déstabilisée, sa meilleure défense semble être l'attaque, même si elle n'est pas convaincue elle-même de ses paroles :

    «Ah bon ? La dernière fois qu'on s'est vus, il me semblait pourtant que tu m'avais promis que tu me tuerais de tes mains...

    Roxas garde le silence un instant et elle s'attend à ce qu'il lui lance une réplique bien sentie, quelque chose de blessant et de sournois. Et puis il soupire :

    «Liana... J'en ai fini avec cette idée stupide de mettre fin à tes jours. Même si je le voulais vraiment, je ne le pourrais pas, je pense l'avoir assez montré.»

    C'est bizarre. Elle pensait que ça lui ferait du bien, d'entendre ces mots. Et pourtant, ça l'angoisse. Comme si ça n'était pas dans l'ordre des choses. Pire encore, elle sent qu'il y a plus que l'idée de cesser à chercher à lui faire du mal derrière ces mots. Elle est un peu hésitante alors qu'elle lui demande :

    « Et qu'est ce que tu comptes faire, alors, maintenant ?
    - Par rapport à toi ? Plus rien. Essayer de t'oublier. Te laisser faire ta vie.»

    C'est bizarre. Elle qui n'attendait que ça, elle a l'impression que le monde s'écroule sous ses pieds. Comme si ça ne devait surtout pas se faire, finalement. Elle est cruelle, parce qu'elle aurait voulu qu'il ne laisse jamais tomber pour eux deux quand bien même savait-il que c'était perdu d'avance. Elle ne sait pas quoi lui répondre, et c'est peut être son silence qui le pousse à s'expliquer d'avantage.

    « Ca fait près de quinze ans déjà. Près de quinze ans que je t'aime à en mourir, Liana. Soyons sérieux. Quinze ans que je sais que c'est impossible et que je m'acharne. Aujourd'hui, tu me hais autant que tu m'aimes, sinon plus... Alors quel espoir je devrais garder pour nous deux ? Ca n'arrivera pas, jamais, il est temps que je m'en rende compte... Et je suis vraiment désolé que tout ça nous ait mené où nous en sommes.»

    Elle est estomaquée. Depuis quand est-il devenu raisonnable ? Pire, depuis quand est-ce qu'il s'excuse ? Elle nage en plein rêve. Ou en plein cauchemar, elle ne sait pas trop. Elle n'arrive même plus à savoir si ça lui fait plaisir ou si ça la terrifie. Elle a envie de lui dire d'arrêter de lui dire toutes ces choses qu'elle aurait pourtant juré vouloir entendre, de lui donner plus de raisons de le haïr en se mettant soudain à ricanner et à lui dire qu'elle prend ses rêves pour la réalité à croire qu'il n'y a ne serait-ce qu'une once de sincérité dans ses paroles. Mais elle le sent bien, que sincère, il l'est...

    « Tu sais que ça ne change rien pour...
    - Je sais. Et crois moi, si je le pouvais, je le ferais revenir. J'ai fait pas mal d'erreurs dans ma vie, celle-ci est sûrement la plus belle. Mais j'peux rien faire pour l'arranger... Et tu sais que je n'étais pas vraiment moi-même...»

    Ah, ça y est. L'argument qu'elle attendait. L'armée qui l'aurait manipulé, qui l'aurait conditionné pour le pousser à l'acte. Elle le sait, au fond d'elle, que ça n'est pas un mensonge, qu'il n'a pas vraiment eu le choix, que les reflexes qui lui ont été inculqués par l'armée ont juste pris le dessus. Cependant, elle garde jalousement cette raison ultime pour alimenter ce sentiment noir tout au fond d'elle. C'est tellement plus confortable de continuer entretenir cette haine qu'elle nourrit depuis un tier de leur vie. C'est plus simple que de se poser les questions qu'elle devrait quand à sa propre part de responsabilité quand à ce qu'il s'est joué avec Maniel, ou concernant les sentiments qu'elle éprouve malgré tout pour son assassin... Elle ne peut pas faire table rase du passécomme ça, et lui non plus. Son ton est dur, surtout pour tenter tant bien que mal de faire bonne figure et ne pas révéler ce que ce semi-aveu de culpabilité éveille en elle.

    « Ca ne change rien. Que l'armée t'y ait poussé ou non, tu as toujours tué mon petit frère. Maniel. On... Il te considérait comme sa famille. »

    Elle sait qu'elle lui fait mal en lui mettant l'évidence sous le nez, surtout alors qu'il se montre si étonament raisonnable, presque vulnérable. C'est maintenant, Il va se mettre à rire, faire bonne figure, prétendre que rien ne l'atteint...

    « Je sais. »

    C'est la réponse la plus courte et la plus riche de sens qu'il aurait pu lui fournir. Oui, il sait. Il sait parfaitement tout ce qu'elle lui repproche, et combien elle ne pourra jamais le lui pardonner. Et il comprend. Dix ans déjà et la blessure n'est toujours pas refermée...

    « Je sais que tu ne me pardonneras jamais. C'est pour ça que je vais disparaître de ta vie, et tu pourras enfin etre tranquille. Te reconstruire. Vivre de façon un peu plus normale... »

    Quelque part, au fond d'elle, elle est horrifiée de l'entendre dire ces mots qui auraient dü la soulager. Il la laisse tomber ? Ca doit finir comme ça ? Il n'y a pas d'autres solutions ?

    « ... C'est le seul moyen, Liana. J'ai longtemps essayé de me convaincre que ça serait différent, qu'on pourrait y faire quelque chose, que ça s'arrangerait... Mais ça ne fait qu'empirer. »

    Elle a un vertige, qui a peu à voir avec son éveil encore trop récent. La vérité, c'est qu'elle ressent exactement la même chose. Pourquoi faut-il toujours qu'ils soient en accord sur le pire?

    Et d'avoir cette conversation au téléphone, si loin d'elle, si certain qu'elle ne puisse pas l'atteindre, sans qu'elle ne puisse deviner ce qu'il ressent derière toutes ces belles paroles... Lâche. Il est si lâche. Et pourtant, elle n'arrive pas à lui en vouloir, pas alors qu'il dit ce qu'il faut, qu'il agit comme il faut, qu'il lui ait sauvé la vie et qu'elle aurait voulu qu'il lui donne toutes les raisons pour continuer à lui en vouloir... Peut-être qu'elle le préfère salaud, en définitive. Non. Elle préfère mille fois ce visage qu'il refuse de lui révéler tout à fait... Et c'est tellement plus facile de le haïr lorsqu'il le cache.

    Elle laisse passer un silence, choquée. Finalement, elle murmure un mot.

    «... Roxas... »

    Une inspiration au bout du fil, et le silence. Elle n'a pas besoin de le voir pour le sentir tendu comme un arc...

    «Je t'interdis d'arrêter de m'aimer. »

    Et elle peut l'entendre dans sa voix, ce sourire moqueur, insupportable.

    «... Il faudra bien, pourtant. Tu es la première à dire que toi et moi, ça n'arrivera jamais... Ca fait près de quinze ans que tu piétines mon coeur, et on en est toujours au même point.»

    Il a raison. Il a raison  et ça lui fait du mal, parce qu'elle veut être égoïste et lui dire qu'elle s'en fout, qu'il ne peut pas la laisser tomber. Mais elle doit le laisser partir, maintenant. Quinze ans déjà...Quinze ans qu'il l'aime désespérément. Quand elle y réfléchit, elle se dit que c'est peut être de sa faute à elle, s'il est devenu aussi malsain. Mais elle refuse de porter cette responsabilité. Alors elle pince les lèvres, retiens une inspiration autant que ses larmes, fière, digne. Elle sait que ce qu'elle dira va régir leur relation future. Elle aimerait tellement pouvoir lui pardonner, lui dire qu'elle l'aime plus que de raison, qu'elle ferait cramer le monde pour lui... Elle ne peut pas. Un souffle.

    «... Alors, ne me reviens jamais. »

    Pourquoi est-ce qu'il ne raccroche pas ? Il veut l'entendre s'effondrer ? Elle ne peut pas se raviser, pas avec ce qu'ils ont traversé, alors qu'il raccroche avant qu'elle ne le supplie de parcourir des kilomètres et des océans pour la retrouver... Il la rend folle, dans tous les sens du terme.

    Enfin, il raccroche.
    Enfin, c'est fini.


    [TO BE CONTINUED]



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