Maman, c'est moi!
Le soleil se couchait. En une froide nuit d'automne, Narahin était assis dans la véranda. Hina, sa sœur était allongé à ses côtés. Leurs corps frissonnaient légèrement malgré la grosse couverture qu'ils avaient trouvé au fin fond d'une armoire. Le ciel commençait à se recouvrir de sa robe sombre et étoilée. La petite véranda où ils se tenaient n'était pourvu que d'une simple plante dans un coin. Celle-ci ne survivait que par
miracle. Contemplant le ciel, la fillette affichait un sourire triste, emplit de mélancolie. Ce fameux sourire présent habituellement sur le visages de vieilles femmes.
Sur leur visages, on ne voyait déjà plus les rondeurs de l'enfance. Du haut de leur 8 ans, on apercevait sous leurs peaux la forme de leurs os frêle. Leurs peaux blanchâtre luisaient sous les rayons de la lune. Narahin avait attaché ses longs cheveux alors que sa sœur les avait laissés lâche. Les cheveux longs de sa sœur ondulait dans la fine brise du crépuscule. Ses yeux pétillants luisaient de malice. Et sa voix. Une voix de petite fille certes mais une voix froide et cristalline comme une eau de source naissant d'un glacier. Une voix qu'on prenait plaisir à entendre. Surtout ses rires. Rires carillonants qui réchauffaient les cœurs. Son corps laissait apparaître plusieurs marques bleus dont l'une plus prononcée sur son épaule gauche. Lui aussi en avait, l'habitude les laissait impassible à ce qu'ils vivaient au quotidien. Un vent glaciale mordait leur chair. Un vol d'oiseau nocturne les fit sursauter.
La nuit était totalement tombé. Les bruits de la ville avait cessé dans ce quartier de la ville. Une moto au loin grondait. Dans le ciel, une étoile filante traversa l'étendue sombre du ciel. Une bouffée d'espoir apparu dans les yeux de sa sœur. Un sourire joyeux sur ses lèvres, elle murmura une demande.
-Na', quand on sera grand, on ira dans un endroit au soleil, près de la mer. On sera heureux tous les deux, n'est-ce pas?Dans ce genre de cas, les enfants rêvent d'un pays imaginaire, magique, fantastique, ils rêvent d'un certain Peter Pan, de celui qui vivait des aventures merveilleuses dans les livres. Mais que pouvait bien savoir Hina de tous ça. Elle ne connaissait pas Peter Pan ni aucun autre conte, elle ce qu'elle voulait c'était de vivre heureuse, sans les coups, sans les pleurs, sans les cris, sans le froid mordant de la nuit dans ce petit appartement en plein Paris, sans chauffage l'hiver. Leurs vêtements les recouvraient à peine, si on pouvait appeler vêtement ce qu'ils portaient sur eux. Le seul et unique rêve qui hantait les nuits de cette petite fille c'était la mer dont elle avait entendu parler, la mer et le soleil. Cette étoile filante qui n'était désormais plus visible transportait en elle le désir immense et insatiable d'une enfant malheureuse
-Oui, Hina. On ira dans le sud. Là où le soleil brille tous les jours et où on entend la mer, les oiseaux marins et les bateaux quittant le port.Narahin sourit. Il apprenait. Il travaillait dur. Les rares fois où il avait pieds à l'école, il avait compris que c'était le seul endroit qui lui permettrait de réaliser le vœu de sa sœur. C'était son vœu aussi. Il en avait assez de cette vie qu'il menait. L'impression que même les gitans dehors avait une vie meilleure lui tiraillait l'estomac. Les rêves sont beaux mais l'espoir est vain. Le hurlement soudain de leur mère déchira l'atmosphère paisible de la soirée. Ramenant par la même occasion, les deux enfants à l'amer réalité de la vie. Narahin soupira. Ils se levèrent et entrèrent dans le salon.
La lumière était éteinte mais on devinait la silhouette de leur mère. Maria, leur mère pleurait dans un coin. Sa tête était soutenue par ses mains. Cette comédie tragique, étrange spectacle, se jouait quotidiennement dans leur vie. Cette femme aux cheveux sombres, aux yeux bleus assombris par les drogues et l'alcool, à la peau si pâle était d'une beauté impersonnelle. Les rayons lunaires la frappant accentuaient sa beauté, rehaussant l'irréalité du moment. Des larmes perlaient sur ses joues blafardes. Ses lèvres rosées murmurait des mots inaudibles. Après les cris, les pleurs. Le tableau devant eux aurait pu paraître beau, cependant, cette femme était leur mère. Cette femme aurait du être une puissante mère pouvant les rassurer, leur montrant son amour pour eux. Mais de sa part ce n'était qu'utopie et rien ne changerait. Narahin soupira et s'approcha de sa mère.
-Maman! Calme-toi! Tout va bien, pourquoi tu pleures?La femme tressauta et planta son regard vide dans ceux de son fils.
-Qui êtes-vous? Ne me touchez-pas? Éloignez-vous de moi? De quel droit êtes-vous ici?Sa main fut très rapide et gifla l'inconnu devant elle. Une marque rouge apparut sur la joue de Narahin.
-Calme-toi, Mama! C'est moi Narahin!-Non, je ne sais pas qui vous êtes! Monstre, monstre, monstre, monstre...Maria devenait hystérique. Elle frappait, encore et toujours, cherchant à faire mal. N'écoutant pas les demandes implorantes de son fils pour qu'elle arrête. Hina, elle, était terrorisée. Des larmes coulaient sur ses joues. Alors dans une bouffée de courage ou encore d'un je-ne-sais-quoi, elle se rua sur sa mère.
-Mama, Arrête, arrête.La scène se déroula très rapidement. La femme plus forte, d'un coup de la main envoya le jeune garçon contre un mur, sa tête se heurta au mur et il s'écroula inconscient. Sa sœur reçu un bon nombre de coup. Son arcade sourcilière était ouverte, elle pleurait. Maria avait cessé d'hurler. Elle observait la scène et s'écroula. Tremblante, elle se dirigea en rampant vers son fils.
-Mon petit, mon petit, mon petit....De ses bras fins, elle entoura la tête de Narahin et le berça. Des larmes se remirent à couler.
-Pardon, mon chéri, pardon. Mama a été méchante, pardon.Hina sécha ses larmes et approcha. Elle s'assit près de sa mère et prit la main de son frère. Elle laissait son esprit sourd, elle ne voulait pas réfléchir à la situation. Ces conditions étaient insupportable. Son monde était si instable. Pourquoi eux, ne pouvaient-ils donc pas être heureux? Le soleil du bonheur ne se lèverait-il pas sur leur cœur assombrit depuis si longtemps!
Là c'est fini!
La cloche sonna. Le bruit des chaises raclant le sol se fit entendre une seconde après. Narahin était debout au fond de la salle, attendant patiemment le départ de ses camarades pour ne pas être bousculé. Le maître se tenait près de la porte, il regardait ses élèves passer. L'expression d'un vieil instituteur fatigué, aimant toujours son travail malgré tout sur le visage. Son regard s'arrêta sur le visage du jeune garçon au fond. Un léger sourire, avant de s'avancer conciliant.
-Narahin, tout ce passe bien? -Oui Monsieur! -Vous semblez ailleurs ces derniers temps!A ces mots il rajouta un geste. Approchant sa main de l'épaule du jeune garçon. Immédiatement et instinctivement, Narahin sursauta et s'éloigna de peur. Son visage pâle blêmit, lui donnant une apparence de mort. Ses yeux exprimèrent un terreur sans fin. Le vieil homme fut surpris d'un tel geste et le détailla puis se reprenant dis d'une voix calme et qui se voulait gentille.
-Ça va! Je ne voulait pas vous faire peur! Qu'est-ce qui se passe? Un problème! Vous êtes si....souvent absent...je... -Rien Monsieur, rien!La voix de Narahin tremblait, il était terrorisé.
-Ne me dites pas ça! Vous n'allez pas bien! Quelqu'un vous as fait du mal? Mangez-vous correctement au moins? Votre sœur aussi ne semble pas très bien! -Laissez ma sœur tranquille! Laissez nous tranquille!Narahin s'enfuit de la salle de classe, les larmes aux yeux. Les couloirs de l'école semblait sans fin. Les portes se succédant les uns aux autres. Et enfin la sortie apparut. Le symbole de sa liberté. La lumière puis la sortie. La cour, petite cour de récréation où un gigantesque arbre s'érigeait au milieu. L'espace était vide. Se dirigeant vers le portail, il réfléchit à la peur qu'il venait de ressentir. Ne devrait-il pas retourner vers le prof et lui demander pardon? S'excuser de ce comportement étrange! Le courage lui manquait. Ses pas se dirigèrent vers l'entrée. Il s'en approcha lentement, calmement. Au dehors la rue, les voitures, les bruits de la ville, les chiens, les vieilles dames et les mères avec leur bébé dans leur poussettes. N'était-ce pas agréable, si réel! Au coin de la rue, un groupe de collégien. Le même groupe que d'habitude. Son cœur se serra. Une pellicule de sueur le recouvrit. C'était le chemin qu'il devait prendre. Sa sœur l'attendait devant son école et plus loin l'appartement où leur mère était surement endormie ivre morte. Il prit une profonde inspiration. Prenant son courage à deux mains, il s'avança tranquillement, priant pour que les pré-adolescents ne l'interpellent pas. Mais la chance n'avait jamais été avec lui. Le groupe l'aperçu très rapidement. Des sourires sadiques animèrent les traits des jeunes voyous. Immédiatement, il fut entouré. Des gouttes de sueur froide parcouraient son dos. Il déglutit difficilement. Son cœur s'affola par l'excès d'adrénaline dans son sang dû à la peur qu'il ressentait à chaque fois à ces jeunes.
-Alors, la petite vieille, tu as des choses pour nous aujourd'hui! -Non, je … -Quoi, qu'est-ce qu'il y a morveux? T'as un problème! Y faut pas oublier qu'ici c'est nous qui dirigeons et protégeons. Tu dois nous payer, l'oublie pas! -Je sais, mais … là j'ai rien. Je... Demain j'aurais quelque chose, mais là.... -Tss...menteur!Les collégiens se rapprochèrent de lui et l'un deux attrapa violemment son épaule. Un premier coup partit et atterrit sur sa joue. La douleur le submergea très rapidement. Les coups se succédèrent. Les rires augmentèrent. Une pluie de coups s'abattit sur son corps frêle, le blessant, le brisant, tant physiquement qu'émotionellement. Malgré la douleur, il ne ressentait rien, l'habitude sans doute... N'était-ce pas toujours la même chose? Ils le battraient jusqu'à ce qu'ils en aient marre. Ils en rigoleraient encore pendant une semaine. Les bleus ne disparaîtront que dans un mois, mais ceux-ci seraient très vite remplacés par d'autres. Défaitiste, oui, il l'était. N'était-ce pas normal. Tous les jours ou presque, il recevait des coups semblables. L'hôpital avait l'habitude de ses visites. Tous le monde le connaissait. Ses visites chez l'assistante sociale se faisaient journellement. Enfin les coups s'arrêtèrent. Les rires s'éteignirent. Néanmoins la sensation des mains sur son corps ne disparut pas. Il le fouillait, il fouillait ses affaires. Cherchant quelques pièces afin de l'utiliser à des fins peu recommandables. Narahin eut un petit sourire triste. La douleur irradiant ses membres était devenue si intense, si douce. Il avait fini par aimer cette douleur, la désirait même. Mais il ne l'avait jamais provoqué. Il attendait, il savait qu'elle viendrait, toujours, le sauvant du néant qu'était son esprit. De longues minutes s'écoulèrent, son corps glacé et meurtrit, gisait sur le sol froid et dur de la ruelle. Lentement et grimaçant, il se releva. Il constata les dégâts subit : son sac était en lambeau, tout comme ses vêtements recouverts de sang, il n'avait plus de chaussures. Un soupir s'échappa de ses lèvres bleuit. Pourquoi ce genre de choses lui arrivait-il? Son regard se porta sur les environs. L'atmosphère était calme. Son regard fit un rapide tout d'horizon pour trouver une borne téléphonique. Dans ce genre de cas, il appelait sa tante Elisa Reaves. Elle était toujours d'une grnade aide. Il prit l'argent qu'il avait caché dans le revers de son sous-vêtement en cas de force majeur. Le téléphone était au bout de la rue. Alors, les pas traînant, il s'en approcha. Ses dents grinçaient à force de ne pas vouloir les desserrer pour ne laisser échapper aucun gémissement. Il arriva lentement près du téléphone et il composa les chiffres qu'il connaissait par cœur. Le téléphone à son oreille brisait la paix relative de son esprit. La réalité lui faisait mal au cœur,. Ce cauchemar n'avait-il pas trop duré? Dans le monde des milliers d'enfants vivaient dans des conditions similaires voire pire et pourtant rien ni personne ne fait en sorte que tout ceci cesse! Une telle ignominie! Ce problème sans fond dans lequel se berçait l'humanité toute entière. Des larmes ruisselèrent à ses joues. Le désespoir refit surface, l'horreur de sa vie passait en boucle dans son esprit. Méritait-il d'exister? Une voix douce et mélodieuse retentit à ses oreilles.
-Allo! Bonjour Elisa Reaves à l'appareil! -Tata, … c'est moi ... Narahin.Sa voix tremblait. La douleur était trop forte.
-Je...suis dans la … rue. Je vais...à l'hôpi...tal, tu pourrais aller chercher... Hina... S'il te plaît? -..... Bien sûr mon cœur! Je viendrais te chercher à l'hôpital plus tard, d'accord! -Merci...Il raccrocha. La conversation n'avait plus lieu d'être. A la place, ses doigts composèrent un autre numéro. Le centre hospitalier de Paris. Sa seconde maison. La voix basse d'un homme. Une voix reconnaissable entre tous, celui du standardiste de l'hôtel-dieu. Celle de Frank.
-Frank, c'est...moi! -Nara... tu es où? -A l'angle de la rue du collège. -J'envoie une ambulance. -Ok, je vous attends.
A l'instar de sa tante, il raccrocha aussi sec. Son corps s'effondra dans un bruit mat. La douleur submergeait ses veines. L'une de ses côtes devait perforé son poumon. Sa respiration était très difficile. Des larmes plus grosses ruisselèrent sur ses joues qui devenait de plus en plus pâle. Ce moment lui rappela deux années auparavant où il avait atterrit à l'hôpital à la suite d'un forte dispute avec sa mère. Nous n'étions cependant pas en automne mais en hiver. Il avait froid, le ciel était d'une forte grisaille. N'y tenant plus, il ferma les yeux. Il ne devait pas le faire mais les léger flocons qui s'étaient mis à tomber l'endormirent. Il n'entendit donc pas le bruit de l'ambulance, le bruit des infirmiers se pressant autour de lui. La sensation des mains sur son corps le transportant, rien de tout cela ne lui parvint.
Son réveil se fit dans une chambre blanche. A juste titre, on pouvait l'appeler SA chambre. Un soupir traversa ses lèvres. Ce qui provoqua une vague de douleur dans ses membres. Une conversation attisa son intérêt. La voix de sa tante, d'un médecin, de l'assistante sociale et de SA mère. Sa mère était là. Il ne l'avait presque pas vu depuis plus de deux mois déjà. Elle semblait apparaître et disparaître d'on ne sait où. Mais en ce moment, elle était là. Par l'intonation de sa voix, il semblait qu'elle était sobre et parfaitement calme, enfin façon de parler. Le fait est qu'aucune goutte d'alcool ni de drogue en tout genre ne se trouvait dans son sang. Une larme sortit de nulle part parcouru sa joue. Pour une fois ce n'était pas une larme de tristesse ou de douleur. Non, c'était du bonheur. Sa mère avait fait une cure de désintoxication. La vie n'était-elle pas belle? Depuis leur naissance à lui et sa sœur,, ses yeux n'avait jamais vu leur mère autre qu'une horrible femme. Lui avait tant souhaité n'avoir jamais vu le jour. Mais maintenant, juste pour ça, il était content d'être né.
Les voix se turent. Une porte coulissa. Une femme rentra. Sa mère.
-Mon chéri, tu es réveillé! -Oui, … Mama! -Ca va! -.... Ouui!Des larmes coulèrent abondamment sur ses joues.
-Pourquoi tu pleures? -Merci, Mama..... merci d'être ...làSa voix s'étouffa sous ses pleurs. Sa joie était profonde. Il sentit de mince bras l'enlacer. Il se perdit dans cette étreinte réconfortante.
-Là, c'est fini, dit-elle dans un murmure.
Enfin du bonheur! Il avait tant rêvé de ce moment. Mais ce n'était que la lune qui éclairait la pénombre de son âme, ce n'était pas le soleil. La vie était injuste après tout. Et elle n'avait pas décidé de rendre heureux Narahin, non loin delà.[/justify]