Caleb Matthew Ven 12 Mar 2010 - 17:38
Famille.Sa mère biologique, une prostituée, assassinée.
Son père biologique, non renseigné, probablement en vie.
Son premier tuteur, un vieil ivrogne richissime et endetté, assassiné.
Son père adoptif, père de famille violent, en vie.
Sa mère adoptive, femme douce et élégante, tuée.
Son frère adoptif, aîné de Caleb, décédé.
Caleb. Seul.Histoire.Né dans la fange des beaux quartiers de Sannom et abandonné à sa naissance par sa mère, Caleb était destiné dès son plus jeune âge à la mort.
C’était sans compter sur ce vieil ivrogne.
Et Caleb survécut, au-delà de toute attente.~ Tell me what you want ~ - Caleb! Caleb, où es-tu? Allez, montre-toi!
Le Comte Jazz. Une voix caverneuse imbibée d’alcool, une vieille peau teintée par l’âge et flétrie par les ans, une fortune aussi imposante que la stature du vieil homme. C’était l’ivrogne qui avait élevé le petit « orphelin » pendant trois ans et demi.
- Caleb, on ne joue plus ! Ca fait cinq heures qu’on ne joue plus ! Tu as gagné, sors de ta cachette…
Il avait annoncé pendant plus d’un an qu’il allait amener le nourrisson à l’orphelinat mais en réalité, il n’en fit rien. En moins de temps qu’il n’en avait fallu pour le dire, ce dernier avait obtenu un prénom à la consonance sourde et une chambre aux couleurs du printemps.
- Caleb, si tu continues à te cacher, je ne te donnerais pas ce que j’’ai dans la main… !
Le canapé sans âge tressaillit et une petite tête brune apparut sous l’assise. Caleb.
Son père adoptif et lui-même avaient passé toute cette matinée de novembre à jouer à la cachette sous le regard implorant de l’enfant. Mais nous étions à présent en fin d’après-midi, Caleb venait tout juste de reparaître à la lumière et Jazz avait troqué son visage jovial du matin pour un masque d’angoisse qui ne s’altéra qu’à peine à la vue de son fils.
Une main passée sur cette nuque lisse de tout âge.
L’autre étroitement nouée autour d’un large morceau de papier.
- Allez, viens t’asseoir à côté de moi, il faut que je te montre quelque chose d’important…
Petites tapes sur le canapé. Le petit corps de Caleb enfonça imperceptiblement l’énorme coussin molletonné aux côtés de l’imposant vieillard. La main de Jazz se délia et libéra un parchemin bruni gratté d’encre noire. Les phrases aux courbes acrobatiques s’y succédaient, un certain d’objets surannées y étaient listées et le nom de l’enfant y revenait à de nombreuses reprises.
- Tu n’y comprendras peut-être pas grand-chose, mais à partir de maintenant, ce parchemin est à toi.
Un grand geste circulaire du bras richement habillé.
- Tout ici est à toi.
Silence.
Soupir.
Sourire.
- Il faudrait que tu parles, tu sais…
Silence.
Regard absent de l’enfant.
Il avait toujours été comme cela, absent. Sa langue n’avait jamais articulé un seul mot compréhensible quoiqu’il eut près de quatre ans et avait appris à marcher bien plus tard que les autres petits garçons de son âge.
N’importe quel parent en aurait été effrayé.
Sourire attendri.
- Non… Ne change rien… Reste comme tu es.
Pas Jazz.
~
C’est ce que Caleb fit tout sa vie. Ne pas changer.
Le testament du Comte resta enfermé dans un petit coffre en bois d’Océania et le petit garçon prit enfin la parole, deux mois après cet échange qui allait être un des plus décisifs de sa vie.
Un bout de papier comme destin.
Des mots comme arme.
Un testament comme ordre d’expulsion.
Son premier mot ? Caleb.
Sa première phrase ? Caleb a faim.
Une diction parfaite, une voix légère aussi claire que le son le plus pur d’un piano.
Une voix, une vie.
Mésaventures.
~
~ It’s over, look out below ~
- Non…
Rouge. Noir. Rouge à nouveau. Couleurs démoniaques d’une scène absurde. Blanc. Fausse pureté entachée de sang.
Evidence.
- Réveille-toi… Jazz !
Cris du cœur, pleurs de l’âme, caresses des mains vierges de l’enfant. Et toujours tout ce sang.
Ils n’avaient même pas pris la peine d’utiliser la magie…
Pas encore tout à fait conscient de ce qui se passait, Caleb secouait avec toute la force de son jeune âge les épaules sans vie de feu son tuteur.
Mort.
Un terme encore dont Caleb venait de faire la connaissance et qui allait l’accompagner toute sa vie durant. Peut-être avait-il été maudit, le jour où sa propre mère l’avait livré à lui-même dans le froid et l’horreur du monde extérieur. Malédiction de voir périr avant lui tous ces gens auxquels il tenait…
Qui sait ? Peut-être était-ce réellement cela...
L’enfant s’assit misérablement sur le sol, laissant ses mains choir dans le sang, sirupeux écarlate maître de toute vie s’échappant de la gorge du vieil homme.
Faiblement, les larmes vinrent, légères d’abord puis allant crescendo à mesure que la clarté se faisait dans l’esprit de Caleb. Plus jamais Jazz ne le regarderait avec ces yeux attendris, plus jamais il ne le serrerait contre son cour dans les nuits noires, plus jamais il ne vivrait.
Caleb porta les mains à sa bouche.
Pour un garçon de quatre ans, la mort n’était plus une abstraction romanesque des livres que son tuteur avait bien put lui lire, mais une immense vérité, un monstre aux couleurs du sang et au goût du fer.
Visage barbouillé de vermillon.
Rien n’aurait pu laisser supposer que le vieux Comte avait des ennemis, encore moins des ennemis près à l’assassiner sans vergogne. Pourtant, le vieillard avait dû sentir venir sa mort car sur son testament récemment rédigé, il était fait clairement mention de sa mort prochaine.
Clairvoyance ? Menace ? Allez savoir…
Son testament, proprement plié dans sa main inerte était constellé d’hémoglobine. Un jour, Caleb s’était amusé à le sortir du précieux coffre où il avait été placé pour y attacher un ruban turquoise. Lubie d’un moment. Qui sauva la vie du parchemin puisque ce fut ce qui attira le regard du petit garçon. Eclat coloré dans cette pagaille de couleurs sinistres.
A travers les larmes amères et entre deux sanglots angoissés, il tendit sa frêle main ensanglantée vers le dernier cadeau que lui avait fait Jazz. Un cadeau empoisonné.
Je pense que nous pouvons le dire à présent.
Le Comte s’était endetté jusqu’à la fin de sa vie et son testament stipulait parfaitement qu’il léguait absolument tout ce qui lui appartenait à son fils adoptif, Caleb. Incluant les lourdes dettes amassées s’élevant à plusieurs milliers de Ryz.
Une somme considérable à rembourser lorsque l’âge de raison n’est pas encore atteint et que l’orphelinat vous terrifie.
Car Jazz avait dépeint l’orphelinat à Caleb comme un lieu de tortures atroces, la pire des geôles, un pur enfer au cœur de la capitale gamaëlienne. Un endroit où il ne fallait jamais aller.
Jamais.
Même après sa mort.
Alors, dans un dernier soubresaut de tristesse, l’enfant se leva et s’enfuit dans la rue, laissant son tuteur éteint, gorge béante dans son riche salon.
La rue, son lieu de prédilection. Là où il avait vu le jour.
Caleb, quatre ans, parcourant les allées de Sannom.
Peut-être une chance.
~
Si vous aviez le malheur de retourner dans le morbide appartement quelques heures après, jamais vous n’auriez su ce qui s’y était passé. Le cadavre avait été enlevé, la pièce nettoyer de toute trace de sang suspecte ainsi que le domicile intégralement vidé.
Comme si personne n’y avait jamais vécu.
Oubli.
~
~ Bring me to a sea of sugar and spice ~
Pour un enfant de quatre ans, la rue était un énorme monstre d’acier et de béton présentant sa large gueule avide de la peur infantile. Quoique Caleb fût un peu particulier quant à sa relation avec le monde de l’extérieur, il était un petit garçon comme un autre et tremblait de tous ses membres lorsqu’il arriva, seul, au milieu de la grande allée qui bordait l’appartement vide de Jazz.
Les larmes s’écrasèrent une à une sur le sol, accompagnées de lents et profonds sanglots dans une symphonie résonnant dans l’air à la manière d’un puissant requiem.
Caleb commença à comprendre la gravité de sa situation actuelle, bien trop lourd fardeau pour si jeune garçon. Il serra de toutes ses forces le testament du vieux Jazz dans sa petite main encore pleine de sang. Son visage avait d’ailleurs le même aspect que ses mains, triste messager de ce qui s’était passé au numéro neuf de la rue.
Cependant, personne ne s’arrêta, en fait, personne ne passa, comme si la présence inhabituelle de ce bambin au milieu de la rue avait quelque chose d’inquiétant… Ça l’était, mais qui aurait pu le dire ?
Après quatre d’attente immobile enfin, une femme passa et s’arrêta à sa hauteur, lui saisissant le visage à demain en pleurant.
Cette femme complètement folle était celle qui allait à la fois le sauver et le condamner.
Juliet Matthew.
« Lucrèce… Lucrèce… Tu es revenu ! J’ai toujours su que tu étais vivant, tu sais ! Que ton père avait fait enterrer un cercueil vide, tout ça, je le savais ! Viens, on rentre à la maison… ! »
Juliet saisit la main de l’enfant sans en voir la couleur cramoisie.
Résistance.
« Mais Madame… Moi, je m’appelle Caleb…
- Ne raconte pas bêtises Lucrèce ! Tu es mon fils, et tu t’appelles Lucrèce Matthew ! »
Caleb se laissa convaincre, curieux de cette femme étrange.
La singularité semblait lui convenir.
~
L’explication à ce comportement, Caleb ne l’eut que bien plus tard.
Le couple Matthew venait de perdre leur deuxième jeune enfant et il se trouvait que la ressemblance entre le défunt Lucrèce et Caleb était frappante et avait trompé l’œil torturé de Juliet. Evan, son mari, peu convaincu mais aimant plus que tout sa femme, avait accepté ce nouvel enfant qui n’était pas le sien.
Ils n’étaient pas pauvres après tout.
La première chose que fit Caleb fut de dissimuler le testament de Jazz.
Un bien.
Un mal.
Les années s’enchaînèrent, monotonie des jours, avec pour seule compagnie celle d’une mère folle, d’un père violent et d’un frère merveilleux.
Killian.
Lui, c’était une autre histoire.
~
~ ‘Cause you are my brother under the Sun ~
Les bougies furent soufflées et les cadeaux déballés.
Ce fut une belle fête.
Les sept ans de Killian, tout un événement en soi. La famille plus ou moins proche des Matthew s’était rassemblée dans une petite salle des fêtes louée pour l’occasion. Tout le monde avait passé son plus beau costume.
Oh oui ! C’était vraiment une bien belle fête d’anniversaire !
Killian gisait, un sourire béat aux lèvres, au milieu d’une montagne de cadeaux. Il avait été proprement gâté. Chaque personne invitée lui avait fait un présent et dans ce petit trois-pièces flambant neuf et un poil trop grand, il était fier ! Très fier… Cependant, il cherchait des yeux quelque chose, comme si quelqu’un avait oublié de lui offrir son cadeau d’anniversaire. Pourtant, tout le monde était passé devant lui pour le féliciter, après tout, c’était ses sept ans !
Tout le monde ? Pas vraiment. Dans un coin sombre, posé là par sa mère et oublié de tous, Caleb attendait, rouge de honte, un papier froissé dans sa main. Les larmes étaient sur le point de se déverser en deux cascades silencieuses sur ses joues et ils fixaient à travers ces perles salées son « grand frère » qui recevait tous les honneurs.
Cela faisait deux ans qu’il avait été adopté par la famille Matthew et on fêtait son anniversaire à lui le 7 mars, jour de son adoption. Cette dernière n’avait jamais été officialisée et on avait toujours présenté Caleb comme le véritable deuxième fils de la famille.
Ce fut le cas à cet anniversaire.
Killian repéra son jeune frère et alla, sautillant, vers lui.
L’amour fraternel qui unissait ces deux là était bien plus puissant que n’importe quel amour, de quelque catégorie qu’il soit.
Le plus âgé des deux sera son cadet contre lui et prit son cadeau d’une main émue. Caleb pleura, Killian le suivit et personne, dans cette foule, ne remarqua les enfants, dans ce coin sombre, se tenant l’un contre l’autre, larmoyant.
Dans cette famille, peu faisait attention à Caleb. Tout le monde savait parfaitement qu’il était un enfant de la rue, trouvé par cette femme folle qui servait d’épouse au riche héritier des Matthew. On l’appelait Lucrèce, on le traitait comme l’un des leurs, mais au fond, tout ceci n’était que pure comédie.
Killian recevait bien plus d’intérêt, après tout, il était celui destiné à hériter de l’entreprise familiale et de toute la fortune.
Triste destinée.
Paralysie des avenirs.
Et s’il fallait simplement un enfant pour bouleverser ce cours des choses ?
~
Ce manège ne dura encore que trois petites années.
Juliet s’enfonçait de plus en plus dans la folie, Evan continuait d’exprimer sa frustration en maltraitant sa famille, comme d’habitude…
Vraiment ?
~
~ I got a fight, another fight ~
Les coups s’abattaient en pluie diluvienne, tristesse de la condition féminine.
Lequel des deux était le plus fou ?
Juliet se recroquevilla un peu plus et endura une fois de plus un violent coup de pied dans les côtes.
Craquement sinistre.
A quelques mètres de là, Killian et Caleb se tenait, haletants, serrés l’un contre l’autre, rouges encore de la ceinture qui les avait giflés. Leur père, dans accès de fureur démente, se démenait contre sa femme et ses fils, plein de cette ivresse rageuse qui le gagnait lors des trop longues soirées familiales.
C’était ainsi que finissait la plupart des anniversaires, des dîners entre eux, des sorties au parc, des voyages un peu partout sur Gamaëlia : en terrible massacre qui touchait plus particulièrement son épouse.
Deuxième craquement.
Juliet, qui jusqu’ici étouffait ses cris dans son poing pour ne pas énerver plus son mari qui faisait cette fois preuve d’une violence inouïe, hurla de toutes ses forces. Elle roula sur le dos, totalement offerte à Evan qui contracta une fois des plus son visage en un rictus tout simplement horrible.
« Mais tu vas la fermer, oui !! Les voisins vont t’entendre ! Ferme-la, espèce de dingue ! »
Enième coup.
Le mariage de Juliet et Evan avait été un mariage d’amour mais il semblait que toute la passion qui existait dans le couple avait été consumée par la folie de madame et la forte inclination pour l’alcool de monsieur.
Les nombreuses disputes qui survenaient avaient des motifs divers et variés. Celle-ci ? Killian avait fait tomber un crayon alors qu’il dessinait en compagnie de son frère qui venait tout juste de fêter ses neuf ans. Le bruit insupporta le paternel qui regardait les informations gamaëliennes à la télévision et la télécommande atteint le petit garçon de dix ans à la tempe. Caleb, plein de bonne volonté et débordant d’amour pour Killian, se leva et se jeta sur son père adoptif.
Ce fut le départ de cet épouvantable bouleversement. La ceinture fut débouclée et les coups distribués en cadence. Son vrai fils échappa de peu à la cécité et l’autre fut atteint si profondément sur l’épaule qu’il lui subsiste aujourd’hui une longue et fine cicatrice blanche.
Juliet s’en mêla et Evan n’eut de cesse de s’en prendre à elle.
Inconscience. La jeune femme d’une trentaine d’années à peine tomba dans l’inconscience.
Dans un accès de délire encore un peu plus prononcé, il alla resserrer ses deux mains autour du cou blanc de sa femme évanouie sous le coup de la douleur et des multiples fractures.
Mort.
Pour la deuxième fois dans sa courte vie, Caleb vit la mort en face.
Les enfants hurlèrent. Se turent à la vue de leur père rouge de colère, de honte, de remords.
« Vous ne direz rien à qui que ce soit, d’accord ? »
~
Le corps fut brûlé et les cendres enfermées dans une boîte scellé par magie.
On raconta que Juliet, dans sa folie naïve, avait quitté son mari et été partie vivre sur Terre.
Tout le monde y crut.
Pendant encore un an, Caleb vécut dans l’horreur de ce meurtre.
Killian, lui, dut attendre ses seize ans pour être débarrassé du tyran.
Leur père était un assassin.
~
~ Give it with dedication ~
La rue.
Dit comme ça, on pense immédiatement à de grandes allées lumineuses, bordées d’arbres et de bonheur, passants souriants et couleurs chatoyantes.
La rue. Les rues. Ruelles sombres et décrépites. Décadence des murs, déchéance de l’âme.
Un univers dur pour un enfant de dix ans. Un monde plein de possibilités et de risques, attrayant et repoussant à la fois.
Et puis Caleb au milieu de tout ça.
Il avait fuit la maison des Matthew et la violence oppressante du père après la mort de Juliet, laissant son cher frère sous le joug du tyran. Peut-être aurait-il plus de chance que lui. Un mal pour un bien, son malheur pour sa liberté conditionnelle. Pourtant, Caleb aimait beaucoup Killian, mais son amour pour lui-même l’emportait sur tout.
Égoïsme, très certainement.
Ou alors était-ce son instinct de survie, encore en fonction à ce moment-là ?
Et puis le monde extérieur lui avait tendu les bras, l’avait accueillit dans son giron malveillant.
Il avait couru, beaucoup couru, au hasard, au hasard des rues, au hasard de la pensée, comme il le pouvait, comme il l’entendait. Aussi loin que le portaient ses trop jeunes jambes, c’est-à-dire en fait, pas très loin. Au bout d’une vingtaine de minutes, Caleb s’arrêta, essoufflé, en sueur, le cœur lançant sa petite poitrine à intervalles irréguliers.
Douleur. Il se sentait puissant et faible en même temps, plein de l’ivresse de sa course et revenu à son point de départ. Car il avait tant et tant couru que son propre instinct l’avait ramené sur le seuil marbré de la demeure des Matthew qu’il voulait quitter à tout prix.
Le premier acte d’une longue liste.
Totale soumission à la puissance.
Luttes et conflits s’étaient achevés avec la mort de Juliet. Evan était le plus fort, il fallait s’y soumettre.
Plus doucement, Caleb s’éloigna à nouveau de son ancien domicile.
Il avait choisi de fuir et il allait fuir, jusqu’au bout, comme si c’était lui avait tué sa mère.
Il tourna, vira, fit de nombreuses fois demi-tour, mais gagna enfin son but, les ruelles délabrées de Sannom, où les rebuts de la société gamaëlienne se rassemblaient une fois la nuit venue.
Son cœur d’enfant ne pouvait s’empêcher d’être attiré par ce cloaque d’ivrognes, de prostituées et autres victimes des substances illicites que ses parents adoptifs lui avaient proprement dissimulé.
Lorsqu’il arriva en vue de tous ces gens, ce fut comme un coup de poing reçu en plein visage. Dans leurs yeux plus ou moins vitreux, on y lisait la même souffrance que dans les yeux dépareillés de Caleb.
Soudain, une voix l’interpella, quelque part dans son dos.
« Hey petit, qu'est-ce que tu fous là? La rue, c’est pas pour les mômes... Alors va-t-en! Ou alors, reste... »
Son interlocuteur était un homme sans âge, assis contre le mur de pierre décrépi, un mégot de cigarette coincé entre ses doigts crasseux. Caleb fit volte-face et regarda cet homme sans comprendre. Il se planta devant lui, s’assit : il semblait avoir encore des choses à dire.
« …
- Tu sembles pas bien bavard… Bha… C’est bien. T’as l’air un peu paumé, non ? Ça te dirait pas que je te guide dans ce monde de fous qu’est la rue ?
- Ca m’intéresse. »
Caleb avait décidé de ne plus accorder sa confiance à n’importe qui mais cet homme, devant lui, lui en paraissait digne. Et même s’il se trompait peu, il aurait mieux fallu pour lui ne jamais adresser la parole à ce drogué.
Mais le mal était fait et cette conversion allait décider de la vie du petit garçon. Oh ! Comme il l’ignorait encore !
« Pour survivre dans ce monde de chiens, faut t’imposer. Ici, c’est « Marche ou crève », je t’offre une alternative, ne la refuse pas, petit, « Suce ou crève ». Sois fort, fier et tu y prendras peut-être goût. Comment tu t’appelles ?
- Caleb.
- Tu me plais, toi ! Tu acceptes ma proposition ? »
Même si le petit garçon n’était pas particulièrement précoce, il avait plus ou moins compris de quoi il retournait ici.
« J’accepte. »
Poignée de main.
Sourire.
~
Vendre son corps, n’était-ce pas la chose la plus facile à faire pour gagner rapidement de l’argent ici-bas ?
Caleb allait vite le comprendre. Plus vite qu’il ne l’avait escompté.
Dernière édition par Caleb Matthew le Sam 3 Avr 2010 - 21:03, édité 9 fois