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    Déjeuner à haut risque [PV : Loghan]

    Liven Reaves
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    Déjeuner à haut risque [PV : Loghan] Empty Déjeuner à haut risque [PV : Loghan]

    Message  Liven Reaves Dim 21 Mar 2010 - 17:20

      Un congloméra de cendres, de lardons grillés et d'albumine encore liquide quitta à regret la poêle à laquelle il s'accrochait désespérément pour découvrir la quiétude d'une assiette innocente, prête à accueillir l'aberration culinaire qu'il représentait. Tâtée du bout de la cuillère, cette masse informe destinée selon toute vraisemblance à la consommation humaine, gonfla soudainement pour retomber et se ratatiner, dévoilant sur le côté une face calcinée et étonnamment solidaire. La cuillère souleva une vague forme molle et assez peu engageante, comme l'on en retrouvait un peu partout sur la surface suspecte de ce plat. Partiellement identifiable, l'on pourrait dire qu'il s'agissait d'un champignon mais vu la consistance caoutchouteuse on pouvait aussi raisonnablement hésiter avec un morceau de poulpe un peu grisé. Une pluie de poivre s'abattit alors soudainement sur la misérable...chose ?... qui émit un petit grésillement, comme si sa surface délicatement immonde souffrait d'un contact aussi agressif. D'ailleurs, c'est avec toute la méfiance possible qu'une petite patte velue s'approcha de la galette brulée pour l'effleurer, découvrant dans ce contact une masse homogène et molle qui ne se déchirait pas facilement. Se rapprochant comme si l'objet de son inspection soupçonneuse allait exploser soudainement sans autre raison qu'il s'agissait d'une invention chimique inédite, la genette la renifla en rassemblant tout son courage, découvrant des effluves suspectes d'huile, d'œuf, de beurre, de moule, de mie de pain et pour finir bien que ce fut l'odeur principale, de brûlé.


      - Je déclare officiellement la tentative d'omelette avortée.


      Ayant achevé de nettoyer l'outil de son forfait en matière de respect pour la cuisine ou pour sa propre santé alimentaire, à savoir la poêle, le prodige qui venait de donner naissance à cette expérience pour le moins intéressante en découpa un morceau pour l'observer plus à son aise.


      - Pas du tout. C'est juste un peu cuit.


      Le familier faillit s'étrangler mais il ne décida véritablement de passer à l'action pour sauver son humain de sa propre folie lorsque ce dernier se mit à mastiquer l'intéressante mixture d'un air indifférent. L'intoxication alimentaire étant la seule finalité qu'elle entrevoyait pour ce drame culinaire qu'elle suivait aux premières loges, Sabbat réagit donc vivement et efficacement. Un coup de patte envoya l'assiette porteuse de l'instrument de mort directement dans le précipice du lavabo au moment même où elle faisait couler une eau brûlante sur l'omelette diabolique qui prévoyait d'assassiner son humain, elle en était persuadée. Maintenant qu'elle venait de rappeler les tourments de l'enfer à la dîte omelette et par la même occasion d'en régler le sort, elle se retourna vers le suicidaire qui s'exposait volontairement à pareils dangers.


      - Voilà qui est réglé, essayons quelque chose de comestible maintenant.


      Liven posa sa cuillère en prenant une grande inspiration. Calme. Non, on ne massacre pas son familier même quand il vient de réduire trente minutes de travail en bouillie. Enfin en l'occurrence les trente minutes de travail avaient abouti à la dite bouillie mais à ce moment là il prévoyait encore de la manger. Nonobstant sa résolution de ne pas la pousser par la fenêtre ouverte, il la saisit par la peau du coup dans une détente qui témoignait d'une certaine habitude avant de l'emmener à bout de bras devant le frigidaire qu'il ouvrit.


      - Dis-moi ce que tu vois dans le frigidaire ?



      - Une bouteille de lait, un jus d'orange à moitié entamé, un quart de chou-rouge, une sauce en boite, un paquet de biscuit, une barquette de beurre et un oeuf.


      - Précisément. Donc tu en déduis ?


      - Qu'il n'y a rien dans le frigidaire.


      - Autrement dit, tu viens de me priver de mon seul repas possible.


      - Justement !


      Liven se demanda un instant ce que la boule de poil allait lui sortir comme ânerie mais franchement celle-là il ne l'avait pas senti venir.


      - Comme ça tu vas manger dehors et tu resteras sain et sauf !


      A nouveau l'envie de la balancer par la fenêtre le saisit.


      - Tu sais que je ne peux plus me permettre d'aller manger tout les jours dehors ?


      - Tu n'es pas obligé d'aller dans les restaurants les plus chers de la ville.



      Soupir de lassitude.


      - Sabbat 1, Liven 0.


      - Toi tu ferais mieux de ne surtout pas te faire remarquer.


      Il la jeta plus qu'il ne la posa sur le sol avant de filer dans sa chambre. Inutile de préciser l'humeur merveilleuse qui l'animait en cet instant alors qu'il adaptait sa tenue au temps abjecte qui régnait dehors. Depuis deux jours, Sannom ne vivait plus que sous la pluie. Une dépression orageuse s'était accaparée la ville, ne s'étant pas satisfaite de déverser son déluge sur la forêt à l'est de la ville et se retrouvant bloquée par les hauts plateaux et les montagnes de l'ouest. De plus, les températures encore fraîches n'arrangeaient rien à la situation, tout comme les rares éclairs et les grondements de tonnerre qui devenaient lassant à force d'avoir été trop fréquents ces derniers jours. Évidemment, ce n'était pas le temps rêvé pour mettre le nez dehors, et même si Liven ne se préoccupait guère de la météo pour vaquer à ses occupations, rien ne l'horripilait davantage que devoir en subir les inconvénients pour quelque chose d'aussi stupide que ce nourrir. Oui, Liven n'allait pas « manger » mais bien « se nourrir», différence primordiale si l'en est puisque l'un exprimait la notion de plaisir quand l'autre se contentait de la nécessité vitale que cela représentait. Non pas que, contrairement à ce que sa cuisine catastrophique laissait présager, le jeune homme n'apprécie pas les mets de qualité, bien au contraire, mais plutôt que, devant son absence complète d'appétit depuis à peu près une semaine, il se serait volontiers passé de ce qui était devenu une corvée.


      Il réapparut dans le salon pour y enfiler des chaussures noires et blanches à mi-chemin entre le mocassin et la converse. Se redressant, il fit retomber les plis volontairement froissées de son jean noir sur les dites chaussures. La matière en était plus souple qu'un jean traditionnel et la coupe quoique très classique, soulignait la longueur de jambes tels les pieds d'estale qui portaient son buste. Une chemise noire en coton disparaissait un peu plus bas que la taille sous le pantalon tout en gardant un air de décontraction en étant ouverte sur le haut de sa poitrine, le col et les manches relevés. Un ceinturon de cuir sombre accompagné d'une à deux chainettes maintenait par la même occasion son colt passé en travers de son pantalon, coincé dans son dos pour plus de discrétion. Finalement, il passa un long manteau d'un tissu noir et épais sur lequel l'eau coulait sans s'accrocher tandis que l'intérieur doublé lui assurait de ne pas être saisit par le froid qui régnait encore à l'extérieur. Les boucles figurant au dessus du coude et à la ceinture s'en trouvaient détachées mais il ne fit rien pour arranger leur sort, se contentant de se passer la main dans ses cheveux mi-longs pour y mettre un semblant d'ordre et laisser reposer ceux de l'arrière sur le manteau et non en dessous. Flinguant Sabbat du regard lorsqu'il s'empara de son portefeuille et le glissa dans une de ses poches intérieures, il sortit, s'apprêtant à accomplir cette corvée aussi vite que possible.


      Le pouvoir déprimant d'une ville par temps de pluie est impressionnant. Les silhouettes sont rares, pressées, soucieuses, le visage témoignant de l'agacement que les individus ressentent à devoir sortir de chez eux pour vaquer aux occupations qui ne pouvaient attendre un temps plus agréable. Les commerces étaient pratiquement vides et les commerçants guettaient le client par dessus leur comptoir quand ils n'avaient pas carrément fermés en attendant le retour du beau temps. La lumière surtout était affreuse, tellement faible, vague et misérable qu'en plein midi l'on avait le sentiment de se trouver bien près du crépuscule. La ville mouillée était affligeante, toute grise malgré les façades habituellement blanches et resplendissantes. Le ciel offrait certes un paysage distrayant par la succession de nuages aux formes grotesques qui s'étiraient vers l'intérieur des terres et par le camaïeu grisâtre et noir qu'il déclinait en artiste anarchique. L'on se doute que ces observations laissait Liven parfaitement indifférent, comme si de futiles préoccupations de ce genre étaient dignes de sa personne... Malgré tout, sans doute n'étaient-elles pas étrangères à la vague d'abattement résigné qu'il ressentit. La monotonie de la pluie fine qui s'intensifiait par moment, encourager par un tonnerre qui battait une mesure irrégulière, appelait à la mélancolie et en rasant les auvents des bâtiments, le jeune homme ne pouvait empêcher les pensées noires de l'assaillirent.


      Bien sûr, il n'avait pas besoin de chercher très loin les raisons de se montrer soucieux et énervé. Bien que sur son visage fatigué et cerné, ces sentiments se traduisent par une colère endormie, un agacement net et aigri. Aigri ? Oui, il l'était peut être. Il avait l'impression que sa vie n'était qu'une longue chaine de problème et qu'il était parvenu au nœud qui ne pouvait avoir de solution, celui qu'on ne pouvait démêler. Inutile de rappeler à quoi sa vie ressemblait à présent. Lorsqu'il n'enseignait pas ou ne préparait pas ses cours, il occupait son temps libre par ses recherches et trouvait encore le moyen de poursuivre son travail de CdP en ne se laissant qu'un vague répit pour dormir...quand il le pouvait. Il ne savait plus depuis quand il avait fait une nuit complète. Épuisé, il restait parfois une heure ou deux éveillé avant de trouver sommeil. Puis il se réveillait. Quelque fois, il n'en trouvait pas le motif, ne ressentant qu'anxiété, animé d'une crainte diffuse comme s'il sentait une menace imprécise qui l'avait tiré du sommeil. Mais le plus souvent, les cauchemars qui se répétaient sans fin le terrassaient et le rendait incapable de se rendormir. Ce qu'il y voyait ? Mieux vaudrait sans doute ne pas le savoir. Trop de honte et de douleur appartenait aux souvenirs qui apparaissaient déformés et amplifiés par son imagination. Était-il possible de décrire l'enfer ? Ce n'était que cris déchirants qui s'élevaient sous ses mains ensanglantées. Dans cette atmosphère qui le dégoutait, à la fois glauque et rassurante... rassurante oui... parce qu'il n'était jamais la victime. Lui n'était pas effrayé, lui n'était pas torturé, lui n'était pas mis à mort. Tout ce qu'il ressentait à ces moments d'horreur et d'agonie n'était qu'un frisson exalté de curiosité et de satisfaction. Un écho retentissant à la magie occulte à laquelle il s'abandonnait parfois. Plaisir de s'affranchir de la douleur, des doutes, des regrets... celui qu'il recherchait parfois si ardemment tout en sachant qu'en y succombant il finirait certainement par se perdre complètement. C'était à ce moment là qu'il se réveillait, terrifié. Lorsqu'il comprenait avec un effroi sans borne que ce n'était pas à un cauchemar à proprement parlé mais bien un rêve, l'expression inconsciente de ses désirs refoulés. Et ce n'était que revenu à lui qu'il se trouvait à ce point effrayé et dégouté de lui-même qu'il s'en rendait malade.


      S'il s'obligeait de temps en temps à prendre des somnifères, l'insomnie le guettait. Il se refusait parfois à dormir trop tôt pour espérer être tellement harassé qu'emporté dans un sommeil sans rêve, il n'aurait pas à revivre cette douloureuse comédie. Vœu pieu. Les migraines ne s'en faisaient que plus fréquentes. Parfois tellement violentes, qu'il était obligé de s'allonger en attendant que cela passe puisque l'effet des cachets qu'il prenait se révélait minime et donc inefficace. Mais ce qui l'inquiétait surtout, c'était le manque d'appétit. D'abord de façon erratique, il n'y avait pas porté attention mais depuis deux semaines, il n'avait rien avaler qui ne fut pris de façon forcée. Comme si la seule chose qui pouvait le nourrir n'était que cette soif de puissance qu'il ressentait de façon sporadique. Son intensité était variable mais par certain moment, l'envie devenait si forte de faire appel à la magie noire qu'il ne savait où il trouvait le courage de lui résister. Si. Il le savait. Dans le souvenir de Sorel sans doute. L'être même qui avait fait de son existence un enfer, le démon auquel il ne voulait surtout pas ressembler. Liven trébucha et se rattrapa d'un coude contre un mur. Allons donc, voilà qu'il se laissait aller à des divagations dangereuses. Hors de question qu'il puisse montrer ses faiblesses en public. Il n'avait déjà que trop faillit auprès de ses proches. Nuls ne devait savoir.


      Soudain, Liven redressa la tête brusquement alors qu'il se remettait en route avant de la rabaisser, plus naturellement. On le suivait ? Cette impression ne le quittait pas depuis une petite dizaine de minute mais il venait d'en être certain en repérant une chevelure bleue dans la vitrine vitrée d'un magasin. Qui ? Et pourquoi ? Immédiatement, la seule idée qui lui vint à l'esprit fut les quatre menaces de mort qu'il avait reçu en début de semaine. Il n'avait pas encore eu le temps d'enquêter sur chacune d'entre elles et l'inquiétude le saisit. L'on vous arrête tout de suite, certes la magie noire scellait ses pouvoirs conventionnels de manière rédhibitoire à partir d'un certain niveau de maîtrise, mais il était parfaitement capable de faire face dans un duel de manière efficace. Il ne sentait pas vraiment sa vie menacée. Tout au plus l'expérience serait une effroyable perte de temps et un bon moyen de tester ses nouvelles et horripilantes limites en matière de magie conventionnelle. Ce qui l'inquiétait c'était de savoir que l'on pouvait l'attaquer en pleine rue. S'il devait se préoccuper de la sécurité des passants, les choses risquaient de se compliquer. Sans varié son allure où laisser croire qu'il l'avait repéré, il modifia son itinéraire. Si c'était un simple curieux, il le sèmerait sans aucun problème. Quand on affrontait Rogers à ce petit-jeu là on devenait vite expert. Si c'était un assassin, il n'avait qu'à l'emmener à l'écart. Aussi c'est ce qu'il fit. Si Liven savait prendre des risques, il était aussi calculateur et prudent. C'est pourquoi il l'entraina dans une zone de vente en gros où les hangars et autres bâtiments n'offraient que portes closes à cette heure de la journée et comme prévu, pas un chat ne courrait dans les rues. Pour lui faciliter les choses, la pluie se fit de plus en plus drue, et la luminosité baissa encore. Dans ce dédale, il parvint à se retrouver derrière son agresseur mais sans pour autant parvenir à le mettre en défaut. C'était à celui qui attraperait l'autre en premier.


      Liven pénétra dans une ruelle, entendant des bruits de pas dans les flaques d'eau à l'arrière du bâtiments d'une entreprise de construction. Fluide et silencieux comme une ombre, il se déplaça derrière un contener, le corps ramasser, les mains jointes sur son colt, près à en faire usage. Maintenant il n'y avait plus qu'à attendre. Les pas se rapprochaient, son poursuivant ne tarderait plus à apparaître. Et dans l'obscurité, son son souffle s'arrêta sous la crispation que dictait l'anxiété. Et dans le silence, seul retentit le déclic d'une amorce... mais ce n'était pas la sienne. Liven sentit le canon froid de l'arme contre sa tempe. Surprise et colère mêlée lorsqu'un quidam ouvrit la porte arrière d'un bâtiment. Il s'était fait avoir ? Lui ? Une seconde de trop, perdue dans ces réflexions. Puis réaction, enfin. Liven frappa violemment l'avant bras de son poursuivant contre le mur, éloignant l'arme de sa personne avant de se reculer en le mettant en joue, entouré d'un bouclier magique de protection.


      - Qui es-tu ?



      Question prononcée avec le fiel de sa frustration. Qui était ce type en effet ? Non content de l'avoir eu, il ne l'avait pas tuer. Oh oui, Liven était conscient qu'il l'avait épargné. Trop confiant, il avait relâché sa garde et il réalisait d'ailleurs à peine qu'il aurait pu perdre la vie d'une façon tellement stupide. Attendez. Minute. Était-ce vraiment...involontaire ? Il posa ses yeux durs et infiment glacé sur la silhouette longiligne qui lui faisait face, prêt à ne pas faire preuve de la même mansuétude s'il se révélait être une menace. S'il l'était déjà ? Certes il l'avait menacé d'une arme...mais il n'avait pas tiré. Dans tous les cas il était stupide...
    Loghan Rasal
    Loghan Rasal
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    Message  Loghan Rasal Lun 22 Mar 2010 - 23:54

      Le crépitement de la pluie résonnait agréablement à ses oreilles. Il leva le nez en l’air, pour sentir les gouttes d’eau froide s’écraser sur la peau de son visage, un instant, puis un sourire étira doucement ses lèvres. Il aimait ce temps. Il aimait la grisaille, il aimait ce rideau de pluie qui tombait en continu, il aimait ce ciel plombé, il aimait ces nuages sombres, il aimait ces flaques d’eau sur le chemin, il aimait le grondement du tonnerre, il aimait les rues désespérément désertes. Que valait le soleil banal et le beau temps si fade face à pareille merveille des sens ? Loghan Akalenkov se le demandait.

      Loghan, arrête de planer et concentre-toi un peu.

      Le jeune homme sourit de nouveau, alors qu’il abaissait la tête. La voix mentale de son Familier lui parvenait aussi distinctement que si la petite tortue était là, dans une de ses poches. Pourtant, elle était restée dans le centre ville de Sannom, dans la petite chambre de l’Auberge que Loghan avait loué en débarquant en ville, il y avait peu. Elle avait rechigné à laisser son humain partir seul, surtout qu’elle voyait cette fameuse Auberge d’un mauvais œil depuis qu’ils y avaient entendu des vociférations masculines complètement hors de propos, l'autre jour, et vu une espèce d'asperge blonde aux allures déjantées se faire courser par un gosse qui, aux yeux de Loghan, ressemblait étrangement à un petit chat noir tout mignon qui crachait et qui griffait au lieu de parler. C’était quoi, cet établissement de fous ? Pire, cette ville de fous ?

      Ne panique pas, Samhain, çà va être cool ici.
      Excuse-moi mais croire les paroles d‘un drogué… J’espère que tu ne planes pas littéralement parlant, là, rassure-moi ?
      Non, maman, j’ai un entretien d’embauche, je ne suis pas idiot au point de me faire un shoot juste avant.
      … C’est quoi, ces pensées que je perçois ? Tu y as vraiment pensé, petit crétin ?
      Oh, je n’ai plus beaucoup de réseau, on va passer sous un tunnel, au revoir Sammy ♥
      Espèce de… Evite de te faire tuer, au moins !
      T’inquiètes.

      Loghan coupa la communication, ou mit fin à la conversation mentale purement silencieuse, fit mine de s’étirer, là, en pleine rue, puis reprit sa route. Ses bottes cloutées noires produisaient un clapotement qui le faisait tripper, à chaque fois qu’il marchait dans une flaque plus ou moins grosse, sur les pavés. Il tourna la tête du côté pour observer un instant son reflet dans une vitrine, cette silhouette longiligne et efflanquée, cette maigreur affolante plus ou moins dissimulée sous un jeans d’un bleu foncé, déchiré au niveau du genoux gauche et d’où pendait un ensemble de chaînes hétéroclites en guise de ceinture, une chemise blanche simple dont on ne voyait que les pans pendre nonchalamment et un gilet noir à capuche passé par-dessus, cette silhouette qui était la sienne. Il avait rabattu le capuchon noir sur ses cheveux artificiellement bleus, mais des mèches rebelles perçaient tout autour de son visage. Il sourit de nouveau, devant la vitrine, et rajusta sur son nez les lunettes de soleil noires qui dissimulaient une bonne partie de sa figure, et qui ne devaient pas forcément se trouver là vu le temps orageux qu’il faisait. Mais si vous vous interrogez, sachez que porter des lunettes de soleil de star alors que le tonnerre gronde et que la pluie diluvienne trempe vos vêtements est tout à fait normal, pour quelqu’un comme cette espèce de machin bleu en pleine filature.

      Ah tiens, d’ailleurs, en parlant de filature, où était passé le blondinet que Loghan suivait, justement ? Le Chasseur de Primes, qui trouvait terriblement plus fun de jouer au jeu du chat et de la souris avec cette proie et non des moindres avant de lui annoncer la nouvelle du siècle, fronça les sourcils derrière les écrans noirs de ses lunettes, puis se remit en marche d’un pas plus pressé. Merde, s’il perdait le type qu’il était maintenant censé protéger et surveiller alors qu’il n’avait techniquement même pas encore prit ses fonctions, çà craignait. Ah non, voilà un éclat blond qui disparaissait à l’angle d’une ruelle. Cà ne pouvait être que lui. La démarche nonchalante et désabusée de Loghan se muta en quelque chose de plus vif, de plus silencieux, de plus assuré, de plus implacable, de plus professionnel. A votre avis, pourquoi on appelait les Chasseurs de primes des chasseurs ? Tout juste.

      Loghan ignorait totalement où Liven Reaves l’emmenait au juste, vu que ce dernier l’avait très probablement remarqué, maintenant. Mais il s’en foutait. Des ruelles encore plus désertes, des bâtiments, un dédale, un labyrinthe, un plateau de jeu. Un lieu parfait pour semer un poursuivant, ou même mieux, le coincer avant qu’il ne vous coince, et le tuer proprement et simplement. Un fin sourire s’étira de nouveau sur les lèvres de l’anorexique. S’il s’éclatait, si son esprit perturbé prenait son pied dans des jeux tordus à défaut d’avoir une seringue d’héroïne dans la main ? Vous n’avez même pas idée… Il glissa la main dans son dos, tira un des deux colt noirs de sa ceinture, et enleva le cran de sécurité du geste mécanique de l’habitué. Il poursuivit sa course au même rythme, sans perdre Liven Reaves des yeux. Enfin, quoique, il disparaissait vite à l’angle d’un bâtiment ou d’un container, le blondinet. Sauf que Loghan était une personne d’une perspicacité proprement effrayante et d’une anticipation à toutes épreuves. Lorsque le jeune homme blond disparu de nouveau dans une ruelle, Loghan n’hésita qu’une fraction de seconde avant de tourner dans une autre. Il accéléra le pas, mais sans faire un seul bruit, évitant cette fois les flaques d’eau devenues traitres. Prendre à revers, tout un art. Tourner, encore. Longer le mur. Oui, le voilà, contre ce container. Blond, fringues classes, allure dangereuse, aux aguets, arme à feu en main. Loghan retint son souffle et avança à pas de loups. La discrétion, le silence et l’invisibilité incarnés. S’arrêter. Sourire. Lever le bras. Braquer le canon de son flingue sur la tempe du blond. Tenir en joue celui qu’un certain Gamazine surnommait la Bête. Se délecter de la victoire. Juste un instant. Et tirer. Enfin non, pas tirer, pas ici. Il était vrai quand dans la logique des choses, tirer et tuer n’étaient que le point final d’une poursuite, d’un jeu, d’un travail. Or, ici, la situation était différente. Liven Reaves, c’était juste le type auprès duquel il avait été assigné comme garde du corps sur ordre du Conseil, il y avait de cela peu. Enfin, juste… Façon de parler. Donc non, même s’il avait le doigt sur la gâchette, Loghan n’appuya pas sur la détente. Tuer celui que vous étiez censé protéger, ce serait con, non ? Pour sûr.

      De toutes façons, la réaction de son vis-à-vis ne se fit pas attendre. Une douleur tout à fait justifiée transperça le bras de Loghan lorsqu’il percuta le mur, mais il n’y prit pas garde. Non, il se contenta de regarder Liven s’écarter de quelques pas, se contenta d’observer d’une manière curieuse complètement inappropriée le flingue braqué sur lui. Il abaissa le bras, mais garda son colt dans sa main fine aux doigts recouverts de bagues, puis sourit de nouveau de manière amusée lorsque la voix grave de son nouveau compagnon de jeu s’éleva. Qui il était ? Qui il était ? Oh mais voyons… Loghan Alekseï Akalenkov, fils de Vladimir Akalenkov, frère d’Adam Akalenkov, 20 ans, presque 21, russe d’origine qui se considère comme un américain, Chasseur de Primes, anorexique qui aimerait qu’on lui foute la paix à ce sujet, drogué qui aimerait tout autant qu’on lui foute la paix à ce sujet, mignon, déjanté, dérangé, perturbé, charmant, attachant, techniquement assassin, juste Loghan, ou bien encore Lo. Il était tout cela à la fois. Mais ce n’était pas ce qui comptait, dans l’immédiat. Le sourire de Loghan s’élargit alors qu’il effleurait sa propre tempe du canon de son colt, inclinant légèrement la tête par soucis de style. Et sa voix fusa, légère, frivole, amusée mais néanmoins vraie.

      - Je suis le garde du corps. Pour vous servir, mon seigneur.

      L’air de se foutre royalement de sa gueule alors qu’il n’en était parfaitement rien, Loghan abaissa de nouveau son bras, une main sur la hanche, le sourire flottant toujours aux lèvres. S’il s’amusait ? Toujours.

      Bienvenue dans un enfer haut en couleurs, Liven mon chou.
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    Message  Liven Reaves Mar 23 Mar 2010 - 16:47

      S'il le détesta dès les premières secondes de leur rencontre ? Vous n'avez pas idée...
      Rien que la dégaine déjà, suffisait à laisser sa suffisance transparaître dans le mépris figé par la glace de son regard. Sans remord ni hésitation, ce type ne pouvait être décrit que comme un grand machin bleu vaguement humanoïde. Vous savez, le genre punk, limite squelette ambulant, qui aurait trouvé ses vêtements quelque part dans une poubelle du voisinage. Une sorte de dingue à la maigreur affolante qui se dissimulait mal sous les guenilles qui recouvraient son corps, un jean qui donnait l'impression d'avoir vécu une vie ou deux et un gilet recouvrant une chemise qui, s'il semblait en meilleur état, ne s'en trouvait que plus misérable de par sa teinte sombre. Une couleur qui avait le malheur d'en faire ressortir une autre, beaucoup plus aberrante compte tenu qu'il s'agissait de celle de ses cheveux. Qu'on lui explique ce qui pouvait passer par la tête de types de sa catégorie pour se teindre les cheveux en bleu ? Non, parce qu'il était prêt à admettre que l'estime de certain pour eux-même pouvait côtoyer les verres de terre, mais de là à se balader avec un corps pratiquement décharné en sommet duquel culminerait des mèches d'un bleu certes assez commun mais néanmoins choquant par sa seule existence, il devait y avoir des limites à la connerie. Et pour couronner le tout, que pouvait-on voir sur son visage ? Des yeux qui agressaient ceux de qui les regardait et actuellement cette personne était Liven. Des yeux gris clair, assez fins qui se trouvaient très certainement entourés de l'intégralité d'une ou deux palettes de far à paupière. Essayez un peu d'imaginer un visage maigre entouré de mèche bleues qui darde sur vous des yeux maquillés à l'extrême, le moins que l'on puisse dire c'est que ce n'était pas banal. Mais le pire c'est que ça osait avoir une considération esthétique... Le grunge ne voyait aucun problème à arborer ici et là boucle d'oreille, pendentifs, bracelets, ceintures qui laissaient entendre que non, il n'avait pas ramasser tout ceci dans la rue mais que sa tenue découlait bien d'une préoccupation réfléchie et prise en toute conscience.


      Quoiqu'il ne fallait pas en avoir beaucoup de la conscience pour se comporter comme il le faisait. Le machin bleu abaissa son arme, un signe qui en plus de l'absence de réaction face à son bras malmené traduisait l'abandon de toute velléité d'attaque. Cependant, cela n'empêcha en rien le jeune homme qui le tenait en joue de réagir le plus naturellement du monde en tirant le chien de son colt, signe qui témoignait de la grande patience dont il comptait bien faire preuve face à quelqu'un qui avait failli rendre crédible la similitude entre sa matière grise et l'omelette à cause de laquelle il se retrouvait dans cette situation. Une certaine genette allait avoir de ses nouvelles d'ailleurs... Liven fit un effort surhumain pour ne pas appuyer sur la gâchette lorsqu'un petit sourire stupide se glissa sur les lèvres de l'anorexique. On pouvait savoir à quoi il jouait ? Sa seule envie était de s'assurer que ce déchet de l'espèce humaine, que ce petit crétin, ne reparaîtrait plus jamais dans son champs de vision. De toute évidence il s'agissait d'un désaxé sans doute avilis par une quelconque substance comme il s'en vendait dans les quartiers mal famé... D'ailleurs, il rêvait où il donnait l'impression de s'amuser ? Cette dégradante décontraction, cette insolente assurance, cet horripilant amusement qui semblaient s'emparer de sa personne... Liven ne le connaissait pas depuis plus d'une minute que tout chez lui le dégoutait. Sans doute que s'il tirait sur l'homme – non, l'idée qu'il puisse avoir trait à l'humanité lui semblait être une insulte à lui-même. Comme s'il pouvait être de la même espèce que lui... – s'il tirait sur la chose donc qui lui faisait face, nul ne pleurait ce corps et la personnalité qui l'avait abrité.


      - Je suis le garde du corps. Pour vous servir, mon seigneur.


      La jolie gueule de Liven se pencha insensiblement vers le punk tandis qu'un sourcil se sentait immanquablement attiré par les nuages. Non mais qu'est ce qu'il lui chantait là ? Pourquoi diable fallait-il qu'il attire systématiquement tous les tarés de la capitale ? S'il entrait dans le champs des possible voire de la simple éventualité que Liven puisse accorder le moindre crédit à ce qu'il venait de dire ? Non mais vous plaisantez ? D'une part, n'oublions pas qui il était s'il vous plaît, soit un être supérieur ayant concéder à cette terre de porter sa merveilleuse personne. Même à seulement vingt quatre ans, on n'avait plus besoin de faire ses preuves lorsque l'on a été à la tête d'une guilde réputée et influente, ni après avoir libérer une ville entière d'envahissants nuisibles qui s'étaient crus capables de s'y installer. Soyons sérieux, il n'était même pas envisageable qu'il ait un garde du corps, il n'en avait pas besoin. Sitôt qu'il eut décréter cette vérité comme inébranlable, voilà que Liven se mit à en douter. Il n'était pas prêt d'oublier qu'il avait failli se faire flinguer par un truc non-identifié trainant dans les rues de Sannom. Et puis, s'il était arrogant et prétentieux, il n'était pas stupide et il savait aussi que fasse à un combat sérieux en magie conventionnelle il risquait gros et ce avec tous les sous-entendus que l'on pouvait y trouver. Bien sûr en générale les menaces qui planaient sur lui n'étaient pas bien sérieuse mais c'était uniquement grâce à sa prudence et aux enquêtes qu'il menait pour les prévenir, une perte de temps effarante. De toute façon la question était réglée : la magie noire. Si quiconque du conseil ou de la commission apprenait qu'il n'y avait pas renoncer, il était persuadé d'être désigné hors la loi par un gouvernement pour la deuxième fois en moins d'un an. Avec toutes les guildes à sa trousse encore une fois et cette fois-ci unanimes, ce serait une autre paire de manche... Il préféra ne pas s'arrêter à ce point de détail, ou qu'il préférait considérer comme un détail. Il se contenta d'un regard éminemment méfiant qui tombait sur le détritus – à savoir Loghan, on aura tous saisit la subtilité – de toute la superbe de sa grande taille avant de renforcer son bouclier par prudence puis de baisser son arme à son tour. C'était peut-être un fou dangereux bon pour l'internement mais il n'était pas bien méchant. Tout au plus, si cela lui faisait plaisir de croire que des puissances impalpables lui avait assigné pour mission de le protéger Liven se contenterait de le faire arrêter pour harcèlement et on n'en parlerait plus.


      - Mais bien sûr...



      Murmure parfaitement audible dans un soupir de lassitude... ses semblables étaient bien souvent véritablement désespérants.


      - Maintenant tu me fiches la paix et tu vas aller protéger quelqu'un qui en aura vraiment besoin si ça peut te faire plaisir.


      Se retourner en gardant son arme à la main, juste au cas où et renforcer encore le bouclier autours de lui. Puis se sentir grisé, comme à chaque fois qu'il utilisait la magie depuis quelque temps, comme s'il en avait besoin, comme s'il s'agissait de l'unique chose pouvant apaiser son esprit et son corps harassés de fatigue. Enfin, lâcher encore quelques mots pour s'assurer de s'être bien fait comprendre, de cette voix grave aux sonorités un peu enrouées et profondes qui lui était propre.


      - Oh ! Et si je te recroise je te fais interner alors tu ferais mieux d'éviter.


      S'il s'agissait d'une menace ? Mais quel sens de l'observation ! Liven ne supportait pas l'idée que quelqu'un puisse épier ses moindres mouvements, que quelqu'un puisse le côtoyer suffisamment longtemps pour comprendre les mécanismes qui dictaient ses choix et sa conduite. Liven était toujours enfermé dans sa tour d'ivoire et s'il avait confiance en de très rares personnes dont à bien y réfléchir la totalité ou presque avait un grain, il était toujours aussi radin à l'accorder. Surtout pas à quelqu'un qui lui serrait imposer de force. Sa seule réaction dans ce cas de figure serait la haine et le mépris viscéral. De vous à moi, Loghan allait avoir du fil à retordre...
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    Message  Loghan Rasal Sam 27 Mar 2010 - 23:17

      Liven Reaves tira le chien de son colt, le doigt sur la gâchette, prêt à tirer à n’importe quel moment, mais cela perturbait-il un tant soit peu notre dérangé de Loghan Akalenkov ? Pas le moins du monde. La preuve, il souriait, l’air décontracté au possible, annonçait la nouvelle comme une bombe de manière absurdement détachée, ne cherchait pas à se défendre, souriait encore. Il s’éclatait, oui, comme un esprit aussi perturbé que le sien pouvait si bien le faire. Si la possibilité que le blond puisse lui tirer une balle entre les deux yeux et en finir d’un coup lui avait traversé l’esprit ? Bien entendu. Loghan avait beau être original ou excentrique comme les gens le disaient si souvent, il n’empêche qu’il n’en était pas moins intelligent. Au contraire, il était même d’une perspicacité presque hors du commun, d’une intuition proprement intéressante. Et puis même, pas besoin d’être un certain Einstein terrien pour comprendre que vous jouez votre vie, lorsque vous avez le canon d’un joli petit flingue braqué droit sur vous. N’est-ce pas ? En tous les cas, même si le jeune Chasseur de Primes s’en doutait très bien, ce n’était pas pour autant qu’il allait arrêter d’être lui, ou qu’il allait se montrer plus prudent, comme n’importe quelle personne de plus ou moins censée le ferait. Eh ! s’il était quelqu’un de plus ou moins censé et normal, nul doute qu’il aurait refusé ce poste de garde du corps d’une certaine « Bête » nommée Reaves, hein. Alors on ne pouvait pas franchement dire qu’il l’était, normal, le bonhomme bleu. Et puis, de surcroît, le fait de mourir ne l’effrayait pas. Tout le monde devait bien mourir un jour ou l’autre, non ? Dans son cas, soit il finirait par rendre l’âme d’une overdose, soit d’une balle dans la tête, alors… Que ce soit maintenant ou plus tard, quelle importance ? Bon il est vrai qu’il serait dommage de mourir dans l’immédiat, en sachant qu’il n’avait même pas encore pu prendre concrètement ses fonctions de garde du corps. Il y aurait une certaine forme de regrets au moment de mourir, et cela, ce n’était pas cool. Ouais, pas cool, c’était le mot. Mais Loghan n’était pas pour autant effrayé par la mort, non. La douleur, il avait déjà apprit à faire avec, alors la seule chose qui le faisait appréhender un tant soit peu quand il pensait à ce sujet, c’était le fait que l’on puisse retrouver certaines personnes après la mort - s’il y avait bien quelque chose après tout du moins. Ouais, là, çà l’embêterait. Une mort tranquille, brutale, soudaine, et le noir total, le néant. Cà, ce serait… trippant. Non ? Ouais bon, chacun sa manière de voir les choses, et somme toute que celle de Loghan pouvait parfois être particulière.

      - Mais bien sûr...

      Le soupir de Liven tira Loghan de ses divagations spirituelles, et son sourire qui avait disparu pour une fugace expression pensive s’étira de nouveau. L’ancien chef des Chasseurs de Primes ne le croyait pas ? Mais bien sûr qu’il ne le croyait pas. Comment cela pouvait-il en être autrement ? Prenez une espèce de squelette ambulant déglingué, posez-le devant un être fier et certainement pas connu pour sa faiblesse ou son faible potentiel, bien au contraire - surtout en sachant qu‘il était celui qui avait tué un certain Alia aux longues canines-, et faites dire le premier au deuxième qu’on vient lui coller un garde du corps dans les pattes, vous verrez ce que çà donnerait. Donc non, l’anorexique n’était pas étonné. Il s’y était attendu, après tout. Cependant, ce dernier ne perdit toujours pas le sourire, et cela même lorsque son vis-à-vis lui intima l’ordre de le lui foutre la paix et d’aller emmerder quelqu’un d’autre, ou du moins protéger une personne plus à même d’être protégée que lui, avant de se retourner, flingue toujours en main. Réaction à prévoir, encore une fois. Mais c’est qu’il avait vraiment la classe, ce mec. Comment çà, pensée complètement hors de propos ? Oh mais dans l’esprit de Loghan, c’était toujours ainsi, vous savez. Il divaguait, il délirait, il planait, encore et toujours. Quoique là, il allait faire un effort. Il fallait éviter de tripper sur un pavé pendant des heures, chose que monsieur avait déjà pu faire par le passé, et plutôt se concentrer sur ce grand type aux cheveux blonds trempés rendus de la sorte châtains, ce type qui se retournait dans l’intention évidente de s’en aller proprement et simplement, parce qu’il avait bien mieux à faire que d’écouter les élucubrations d’un déjanté. Sauf que dans ce cas précis, les élucubrations du déjanté n’étaient pas vraiment des élucubrations. Pas du tout, même. Et cela… Et bien Liven Reaves serait bien forcé de l’admettre.

      - Oh ! Et si je te recroise je te fais interner alors tu ferais mieux d'éviter.

      Le rire léger de Loghan fusa tout seul de sa gorge, à ces mots. Après, il n’était pas étonnant que des personnes le prennent véritablement pour un fou, ce cher Akalenkov, pour sûr. Mais bon, ce n’était pas comme s’il faisait des efforts pour briser cette image, bien entendu. En tous les cas, les mots de Liven le firent bien rire, alors qu’il n’y avait rien de drôle, en vérité. L’interner ? Mais en voilà une idée. Ce fut un rire bref, néanmoins, et le sourire toujours flottant aux lèvres, immuable, Loghan se remit en marche pour emboîter le pas à son interlocuteur, ensuite. Il glissa son flingue de nouveau dans son jeans, dans son dos, et tira sur sa chemise pour qu’elle le recouvre, d’un geste souple. Il tira ensuite sur ses lunettes de soleil, les releva pour les poser sur le sommet de son crâne, enleva une mèche de cheveux bleue qui s’était logée devant ses yeux, l’air désinvolte, indifférent à la pluie qui tombait encore, et leva ses yeux gris trop maquillés sur la nuque de Liven. De nouveau, le sourire.

      - Fais-moi interner tout de suite, alors, très cher.

      Ton frivole, un brin railleur, moqueur, mais encore une fois, il y avait cette vérité incontestable dans ses propos. Si le grunge sous-entendait par là qu’ils risquaient fort de se croiser de nouveau, tous les deux ? Pour sûr. S’ils étaient destinés à se recroiser plus d’une fois ? Et comment…

      Loghan glissa une main dans une des poches étroites de son jeans, calqua son pas sur celui du jeune homme que le Conseil tenait tant à avoir à l’œil, tout en restant quelques pas en arrière. Il leva un instant le nez en l’air pour plisser un œil face à la pluie, avant de baisser le menton et de se remettre à fixer la nuque de Liven, où des cheveux trempés se collaient. Il sentit le contact d’une feuille de papier froissée, dans sa poche, et il se rappela qu’il avait sur lui la preuve écrite de ce qu’il avançait. En effet, le Conseil avait eu la judicieuse idée de porter l’ordre d’affectation sur un papier officiel, comme on le faisait communément un peu partout. Loghan se rappelait de ce papier, maintenant. Il extirpa la feuille froissée et pliée en huit de sa poche, et la garda glissée dans la paume de sa main pour éviter que la pluie n’aggrave son état. Puis il sourit de nouveau, d’un sourire en coin, léger, amusé, assuré. Loghanesque.

      - Bref… Je suis sérieux. J’ai la preuve écrite de ce que j’avance, si çà t’intéresse. Le bout de papier signé, avec le blabla officiel et tout.


      Le jeune homme malingre s’avança un peu plus pour marcher à la même hauteur que Liven, et tendit la main qui tenait le papier plié vers lui. Il leva son autre main pour rajuster ses lunettes de soleil, sur sa capuche légère, et pencha la tête légèrement du côté en regardant Liven, le sourire flottant insatiablement aux lèvres.

      - On dirait que le Conseil s’intéresse de très près à ton cas, mon gars.

      Cela, c’était certain. Car si Loghan avait beau être comme il était, il avait très bien compris que le fameux Conseil l’avait engagé pour surveiller Liven, et cela même avant de le protéger. Du fait de toute l’ampleur médiatique que l’histoire du meurtre d’Alia avait prise, des méthodes que le sauveur avait utilisé que l’on trouvait finalement plus que discutables, du fait que l’on trouvait là-haut l’ancien chef des Chasseurs de Primes trop instable, on voulait maintenant le garder à l’œil. Attendre le moindre faux pas, peut-être ? Ouais, ce ne serait même pas étonnant. En vérité, Loghan ignorait tout des motivations du Conseil. Il avait fait ses propres déductions, à partir de ce qu’il avait pu voir, comme il le faisait toujours. Et il s’en foutait bien, de ce que les autorités voulaient réellement. L’engager, lui, comme espion pot-de-colle… Quelle idée. Ils allaient s’en mordre les doigts, c’était sûr.

      Loghan marqua un temps d’arrêt, dévia de nouveau son regard d'acier, un instant, comme si son esprit se remettait dangereusement à vagabonder ailleurs, mais se reprit, et dévia de nouveau la tête du côté de son interlocuteur blond et future victime. Il le fixa quelques secondes d’un air statique, étrange, puis soudainement, sourit de nouveau, d‘un sourire étincelant. Complètement dérangé, le bonhomme ? Oh mais bon sang, comme il était si facile de le faire croire…

      - Sinon, moi c’est Loghan.

      Une nouvelle fois, cette voix légère, cette voix qui s’envole, cette voix décalée, cette voix de la personne qui s’amuse ou qui s’éclate complètement. Changement plus ou moins radical de sujet, ou l’art et la manière d’avoir une conversation des plus décousues tout en suivant le fil tout de même. Du Loghan Akalenkov tout craché.
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    Message  Liven Reaves Dim 28 Mar 2010 - 19:53

      Menace qui s'envolait, douce, frivole, légère. Chantonnement d'une voix gaie et innocente qui n'exprimait que dangers, ne suscitait que craintes. Puis, meurtrissure. Celle qui enfermait la panique et la peur derrière le verrou de la raison. Prison profonde dans l'abîme des doutes, scellée d'un orgueil... qui s'émiettait. Celle qui aiguisait la lame effilée de sa colère, forgée par l'incompréhension et ce besoin de reconnaissance, gravée des remords et d'hésitations...qui l'ébréchaient. Celle enfin, qui nourrissait un peu plus de peines. Mauvaise herbe dans l'efflorescence d'un désespoir aride, ne laissant que le sol d'un bonheur tari... qui se morcelait. Silence d'un vertige, vacillement d'une certitude, jusqu'à ce qu'il recul et s'éloigne de ce vide qui l'effrayait tant, celui de l'impuissance et des hésitations, celui sur lequel il n'avait pas d'empire et qui le happait parfois. Abjecte angoisse qui lui serrait le cœur, comme un papier qu'on froisse. Tension perceptible dans tout son corps raide, arrêté, dans ce visage rude et fermé, dans ce regard dur et glacé. Culpabilité ? Non. L'impunité ne dictait certes pas sa conduite mais la responsabilité de ses choix était garante de sa bonne conscience. L'enjeu était élevé, les risques l'étaient tout autant. Mais nul besoin de cette crainte soudaine qui l'avait saisi et ne faisait que lui embrouiller l'esprit. Non. Réfléchir, calmement, posément. Réfléchir à toutes les éventualités, à toutes les possibilités. Réfléchir avec méthode et analyse, ne pas se fier à ses émotions traitres qui ne cessaient de le harceler. Liven s'était arrêté, soudainement, mais sans témoigner d'une surprise ou d'une inquiétude particulière, rigide de froideur et d'impassibilité. Délassée de l'arme qui avait retrouvé sa place initiale, sa main s'éleva, ferme, décidée, impérieuse. Il l'a tendait dans sa direction, réceptionna le décret qu'il lui présentait comme si ce n'était là que son dû, comme s'il venait de lui donner un ordre tacite. Chimère et illusion d'un ascendant qu'il ne possédait pas. Maîtrise imaginaire d'une situation qui lui échappait et dont ne ressortissait qu'agacement, effroi et méfiance. Lentement, et sans plus faire cas de la pluie qui s'était arrêtée bien qu'il fit encore sombre sous les lourds nuages qui oppressaient la voûte de la ruelle, il le déplia.


      Tout ce qu'il y avait de plus officiel, tout ce qu'il y avait de plus imparable. Aucun vice dans la forme, aucune lacune qu'il aurait pu faire valoir pour retarder l'échéance, l'abandon d'un espoir en détectant le sceau magique qui l'accompagnait et crédibilisait sa validité. Seuls se reflétaient dans le bleu brillant de ses yeux les mots criant d'une vérité incontestable mais tout aussi inacceptable. Si la preuve était irréfutable, elle n'était que l'indice qui le mettait sur la voie de l'affaire qui le concernait. Le conseil prenait des initiatives inquiétantes qui auraient tendance à corroborer l'existence de doutes persistants à l'égard du jeune homme. La suspicion n'était en rien apaisée malgré sa conduite calme et discrète de ces derniers mois, alors même qu'il se comportait docilement en se laissant tenir en laisse quand il ne demandait qu'à agir par lui-même, sans se préoccuper d'une inutile surveillance. Inutile ? Non. Ses principes avaient beau être fermes, sa moralité était mise à rude épreuve et la promesse qu'il avait faite, il l'a bafouait aussi régulièrement que son corps et son esprit avides l'exigeaient. N'était ce pas assez de torture ? Ne payait-il pas cent fois le prix qu'ils auraient été en droit d'exiger ? Futilités. Ils ne pouvaient avoir confiance en quelqu'un qui était prêt à aller aussi loin pour défendre ses vues, même à l'encontre de tous. Il les avait sauvé cette fois là, mais comment réagiraient-ils le jour où il estimerait les sauver en les oppressant ? Ils n'avaient que faire de la douleur qu'il pouvait endurer. Seul comptait les intérêts supérieurs pour lesquels il ne s'était déjà que trop sacrifié. Menace. Oui, il savait en être une...y comprit pour lui-même. Un tressaillement léger s'empara de sa mâchoire avant qu'il ne rejette la tête en arrière en prenant une longue inspiration, contemplant ce ciel qui lui aussi n'était que menace. Puis, il la rabaissa en un soupir agacé, repliant la feuille qu'il tenait entre les mains, donnant ainsi réellement l'impression de quelqu'un qui cherchait à se contrôler. Nonobstant, il n'y avait rien à contrôler. Cette mise à l'épreuve du conseil était légitime, sans doute à leur place en aurait-il fait de même. Si sa colère sommeillait encore dans un coin de son esprit, il en restait parfaitement maître alors qu'elle se muait en frustration. Celle de n'avoir encore aucune solution pour pallier ce délicat problème auquel il devait à présent faire face.


      Il ramena son regard infiniment méprisant et froid sur la misérable chose que l'on mettait officiellement à sa disposition mais qui n'était en réalité que les yeux et les oreilles du conseil des guildes. Assurément, Arya se serait opposée à cette décision. Mais une voix seule n'aurait pas suffi à contrer l'unanimité de la méfiance qu'ils lui portaient, d'autant plus que l'intimité de leurs relations discréditait fortement l'objectivité de la magassionnelle face aux autres membres. Liven savait qu'elle était son alliée, tout comme le serait Isuzu dont la nomination était maintenant imminente. Au moins n'était-il pas tout à fait démuni, il avait les ressources nécessaires pour se défendre contre eux. Dans cette lutte de pouvoir, d'intimidation et de domination, le jeune chasseur de prime qui lui faisait face n'était qu'un pion lancé sur l'échiquier. Espéraient-ils vraiment qu'il soit suffisamment naïf pour ne pas être conscient de son rôle d'espion dans toute cette histoire ? Prélude nécessaire pour anticipée les réaction de leur adversaire, était-il sacrifié ? S'agissait-il d'un test ? Liven n'avait pas le temps de jouer avec eux. Ces manières sournoises de politicien, il les avait abandonné de bonne grâce en même que son ancienne position. Si l'obstacle était de taille, le défi qu'il représentait aussi, l'heure n'était pas aux excès de confiance... Le fait est que ce n'était pas aujourd'hui et dans cette ruelle qu'il serait à même de régler le problème. Loghan, puisque la chose se trouvait étrangement affublée d'un nom, ne faisait que suivre les ordres bien qu'il fut évident qu'il prît un malin plaisir à venir troublée sa délicieuse solitude et son individualisme viscéral. Néanmoins, peut être pourrait-il se révéler être un avantage dans la partie qui s'engageait. Après tout, il appartenait à sa guilde et preuve était faite de sa compétence, souvenir ô combien humiliant, affront ô combien douloureux à sa fierté blessée. Non. Il était encore trop tôt pour s'avancer, mieux valait éviter les risques inutiles pour l'instant. Il lui faudrait un peu plus de temps et d'énergie pour savoir comment se tirer de ce mauvais pas. Du temps et de l'énergie... Deux éléments indispensables qui lui faisaient cruellement défaut.


      Sa migraine s'intensifiait au fil du cheminement de ses réflexions, rendant son analyse moins vive et houleuse. Mieux valait arrêter ici les spéculations. De toute façon, il était encore trop tôt pour prendre le recul nécessaire et a priori, il n'avait encore aucune raison de se trouver réellement inquiéter. Sa posture était critique mais pas encore intenable. Ce maigre encouragement dont l'optimisme l'étonnait ne parvint cependant pas à dérider la neutralité d'expression qu'il affichait, ni à imprimer un peu de vie et de chaleur dans ses mouvements ou son attitude. Seuls peut être les épaules en replies, les mains dans ses poches et le léger froncement de ses sourcils trahissaient quelque chose à mi-chemin entre la méfiance craintive et l'interrogation profonde, bien que cela reste difficile à percevoir pour qui ne le connaissait pas. En silence, attentif et distant à la fois, il observait celui qu'il allait au moins devoir supporter un petit moment, le temps qu'il trouve une parade quelconque pour contrer un coup fameux qui risquait fort de le mettre échec et mat. A nouveau un soupir désolé souleva sa poitrine tandis qu'il l'observait avec une acuité déstabilisatrice de ses iris effroyablement claires et étranges. Pourquoi l'avoir choisi lui ? De tout ce qu'il pouvait en voir, il n'était qu'une loque humaine doublée d'un crétin. Un crétin éventuellement compétent certes bien que l'avouer lui face mal, mais un crétin tout de même. Liven n'était pas réputé pour sa patience. Si les années en apportant la maturité avaient réussi à tempérer son impulsivité, il n'en demeurait pas moins facilement irritable, susceptible et intransigeant. Un caractère difficile à vivre pour quelqu'un qui en subissait les foudres alors même que cela n'était pas de son propre fait. Autant dire que l'idée d'une quelconque cohabitation même éphémère déplut totalement et irrévocablement aux jeunes hommes égoïste, arrogant et exigeant qu'il était. Après tout, il ne pouvait pas être autre chose qu'une asperge décérébrée. Qui de sain d'esprit aurait accepté pareille mission ? Non seulement il devait surveiller et accessoirement protéger un homme dangereux dont la réputation n'était plus à faire, mais en plus ce duo contraint partait sur les bases de la trahison puisqu'il devait rapporter ses faits et gestes au conseil. Connaissant la rancune que Liven vouait à quiconque pouvait le trahir, c'était en effet le choix d'un suicidaire. Cependant, ceux connaissant ce trait de son caractère ne figurant que parmi ceux à qui il accordait sa confiance, autant dire que la chose était inconnue de pratiquement tout le monde.


      Protéger, trahir... que de vains mots qui assiégeaient néanmoins son âme de tourments jour après jour. Réconfort et souffrance... Dualité des sentiments qui le déchirait perpétuellement, ne laissant de demi-mesure que pour la façade qu'il érigeait machinalement en face des autres. Dissimuler les faiblesses qui menaçaient de le trahir, de le faire souffrir, pour se protéger, pour se réconforter... Être continuellement seul pour mieux protéger ceux auxquels il tenait, pour tenter de se protéger de leurs tromperies éventuelles, n'accorder sa confiance qu'à ceux dont il ne peut plus se passer parce qu'il a trop mal ou qu'il ne peut continuer à se regarder dans un miroir, ne laisser personne savoir et brûler qu'ils le sachent, attendre de l'aide et la rejeter, toujours, n'obéir qu'à soi-même mais se détester et se trahir, espérer faire ce qu'il faut et voir ses illusions balayées, s'enfuir, vers la facilité, vers ce qui apaise, puis revenir et faire face, nourrir sa rage, celle de vivre envers et contre tout, les absolus et les idéaux qu'ils défends et qui se retournent contre lui, s'abimer dans un combat trop long pour lequel il n'y aura pas de vainqueurs... Bêtises sentimentales qui n'avaient déjà plus vraiment de sens, existence éclectique qui n'avaient déjà plus vraiment d'intérêt, devoir sincère qui animait sa volonté, don de soi pour mieux se retrouver. Peut être... Liven détourna le regard, une seconde, fixant à la dérobé les pavés de la ruelle avant de revenir vers Loghan. Mieux valait le tenir aussi loin possible de lui. Il était aussi une menace, pour son équilibre, pour sa tranquillité si relative à laquelle il se raccrochait pour ne pas voir le chaos qui régnait en lui et qu'il dominait avec peine, ne trouvant le réconfort que dans ces précieux instants où seule la puissance ésotérique qu'il appelait à lui l'envahissait. Dire qu'il devrait s'en passer aussi longtemps qu'il l'aurait dans les pattes... ou trouver le moyen de le tenir à l'écart juste quelques instants.


      - L'ordre n'est effectif qu'à la fin de la journée. Je ne veux pas te voir d'ici là.


      Oui, il savait qu'il en avait besoin. Mais pas tant qu'il serait là, c'était trop dangereux, c'était un risque qu'il ne pouvait prendre même si subir ce manque était insupportablement douloureux et oppressant. Il n'avait qu'à attendre... Liven se remit en marche. Se trouver une activité quelconque, se réfugier aussi vite que possible dans la banalité quotidienne pour échapper à la spirale de l'envie. Son bouclier déployé à un haut niveau ne l'exposait que trop à la tentation qui le rongeait intérieurement. Combien de temps encore serait-il capable de tenir ainsi ? Un sortilège qui autrefois n'était qu'une formalité devenait un risque constant de se retrouver submerger. Et ça, Liven ne pouvait pas nier le vouloir. Il pouvait être hypocrite, mentir, trahir tout le monde mais pas lui-même. Il savait très bien à quoi s'en tenir, il savait très bien qu'il ne devait pas flancher. Lents sables mouvants qui se dérobaient sous ses pieds et retardaient son agonie, celle qu'il espérait peut être au fond de lui... Liven mit fin à son sortilège bien que pour l'heure il eut un peu oublier Loghan, ne prêtant d'ailleurs qu'une attention relative à ce qui l'entourait, trop accaparé par la migraine qui se déchainait dans son crâne et par les efforts qu'il déployait face à un désir toujours plus violent et omniprésent, devenu banal à force de lui résister. Non. Il allait rentrer chez lui, se calmer, s'occuper l'esprit avec des copies d'élèves et ne surtout pas s'autoriser ce qu'il appelait de tout son être. Le jeune homme dépassa une aire de déchargement juste au coin de la ruelle dont il venait, fatigué et tourmenté mais aussi maître de lui-même qu'il en avait l'habitude, épuisant simplement ses forces dans un combat inégal qu'il savait régulièrement remporter mais qui ne l'apaisait pas pour autant. Liven retrouva un instant une certaine sérénité, l'usure de l'exercice ayant forgé en lui la résistance toujours malmenée mais vaillamment entretenue. Utopie qui vacilla en même temps que son corps... Son épaule rencontra un mur alors qu'il s'était déporté sur la droite sans avoir eu le souvenir d'en intimer l'ordre à ses jambes. Il s'y appuya lourdement, faible soudain, prit d'un léger vertige qui passerait aussi vite que le premier qu'il avait eu alors qu'il se trouvait encore dans la rue principale un peu plus tôt. Ce n'était pas encore fréquent mais il savait que cela ne durait jamais bien longtemps. Par réflexe, il se passa la main sur les yeux, appuyant sur ses paupières pour que l'impression de tangage disparaisse. Erreur et inconscience, vulnérabilité et désaveu...


      Trop tard. La présence qu'il venait de sentir confectionnait déjà un sort quand d'instinct il le contra, opposant la détermination du créateur à sa résolution précipitée. En un instant, son arme se retrouva entre ses mains alors qu'il entreprenait toujours de désamorcer le sortilège, appuyant son dos contre le mur qui le soutenait, cherchant sa cible des yeux mais ayant encore la tête qui lui tournait. Il repéra une silhouette sur laquelle il tira mais qu'il dut rater vu la raillerie qui s'élevait. Il réajusta. Et merde, pourquoi voyait-il flou ? ! Pourquoi fallait-il qu'on l'attaque précisément à cet instant de faiblesse ? ! Liven en aurait hurlé de rage. Une rage qui ne fit qu'alimenter une autre passion alors qu'il commençait à se sentir mieux. Une rage qui précipitait sa déchéance. Oui, ce serait tellement plus facile... La situation le nécessitait qui plus est. S'il utilisait la magie noire pour légitime défense, qui trouverait à redire compte tenu des circonstances ? Et puis personne n'était censé savoir qu'il en aurait fait usage... Il avait simplement... Il plongea sur la gauche mais la balle pénétra tout de même son épaule. Il n'était plus temps de tergiverser. Allez Liven, juste un petit effort... oui... il le savait de toute façon qu'il se sentait infiniment mieux quand il l'utilisait. Il n'allait pas mourir à cause de son bête entêtement tout de même ! Juste un peu, juste... Un autre coup de feu retentit alors qu'il n'y voyait toujours rien...ou presque. Une longue silhouette teintée de bleue... un corps qui s'affaissait et un deuxième qui disparaissait en courant de là où il était venu, tenu en joue par Liven bien qu'il fut incapable de tenir son arme fermement. Son bras le lançait dans une explosion de douleur et il eut toutes les peines du monde à se concentrer pour lancer le sort de soin. Que c'était-il passé ? Il ne savait plus trop, noyé dans un océan de pensées contraires qu'il ne parvenait pas à filtrer. Et puis tout devint noir, un instant, durant lequel il se laissa glisser au sol. Moment d'absence qui annihilait sa réflexion et sa compréhension de ce qui l'entourait, avant de revenir à lui, de mettre en joue l'homme qui se tenait prêt de lui dans un réflexe de survie. Un homme dont il reconnut les yeux clairs entourés de ténèbres. Il en manquait plus que lui. Et que se passait-il ? Pouvait-on lui expliquer ? Liven Reaves n'avait pas le droit de faillir. Pas devant quelqu'un. Pas devant un inconnu. Pas deux fois d'affiler. Pas alors qu'il affirmait que tout allait bien. Haine, immédiatement reporté sur lui.


      - N'attends pas de remerciement. Après tout ce n'est que ton travail enfoiré.


      Ses paroles étaient empruntes de violence aussi bien dans leur propos que dans le ton qu'il avait utilisé pour les prononcer. Le regard qu'il lançait était assassin et l'arme qu'il abaissa lentement, pleine de menace. Ce type, il le tuerait de ses propres mains pour l'affront qu'il représentait et qui n'avait jamais été égalé jusqu'à présent.
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    Message  Loghan Rasal Sam 3 Avr 2010 - 19:10

      Le silence se fit, sans que, pour une fois, Loghan ne cherche à le rompre. Il observa Liven sans ouvrir la bouche, lorsque celui-ci réceptionna la feuille froissée pour la déplier dans ses mains, sans un mot. Il observa Liven sans ouvrir la bouche, lorsque celui-ci parcourut des yeux le décret, pour le lire et se rendre compte de l’authenticité des dires de l’excentrique peut-être pas si excentrique que çà. Il observa Liven sans ouvrir la bouche et d’un air peut-être légèrement intrigué, lorsqu’un très léger tressaillement agita sa mâchoire à la fin de sa lecture, et qu’il rejeta la tête en arrière, prenant une longue inspiration. Il observa Liven sans ouvrir la bouche, conservant une allure calquée sur la sienne, avançant à pas mesurés à côté de lui. Belle pose. C’était fou ce que le corps pouvait bien retranscrire les émotions de l’intérieur d’un être, non ? Loghan se fit la réflexion, en tous cas, divaguant encore un instant, comme il le faisait toujours. Inclinant la tête, et posant les yeux sur le visage de Liven qui faisait face au ciel, il eut la soudaine, fugace et stupide envie de jouer avec les mèches de cheveux trempés de ce dernier, celles qui se collaient dans la nuque. Pourquoi ? Parce que Loghan était d’un naturel assez tactile, et qu’il aimait souvent balader ses doigts maigres dans une chevelure ou une autre, l’air absent, rêveur, pensif ou complètement à l’ouest. Effleurer une tempe des doigts, jouer avec le lobe d’une oreille, chatouiller des côtes… tout un art de vivre. Seulement, là, il ne le fit pas, bien sûr. Il tenait à garder ses mains intactes, quand même. Garder ses mains tout court, même. Bref, passons.

      Lorsque Liven reporta son regard méprisant sur lui, Loghan esquissa un nouveau sourire, comme si tout cela ne faisait que l’enchanter. Ce qui n’était pas faux, bien qu’il puisse faire preuve d’ouverture d’esprit et comprendre que la nouvelle devait être très difficile à avaler pour quelqu’un comme l’ex chef des Chasseurs de Primes, héros lynché. Oh oui, il pouvait comprendre. Il pouvait comprendre nombre de choses, même s’il n’en donnait pas forcément l’impression, le bonhomme. Il pouvait comprendre que sa venue ne soit pas vue d’un bon œil, il pouvait comprendre que l’on ne puisse pas lui faire confiance de suite, surtout en se doutant qu’il avait été envoyé là pour être les yeux et les oreilles du Conseil, il pouvait comprendre qu’il dérangeait, là, il pouvait comprendre que l’on ne puisse pas prendre les choses comme lui les prenait, il pouvait comprendre qu’il puisse falloir du temps, toujours. Il ne s’offusqua nullement du regard de cet homme qu’il devait maintenant protéger, il ne trouva le silence nullement gênant, et se contenta d’attendre, sagement, le léger sourire flottant immuablement aux lèvres, attendant une prise de parole ou une quelconque réaction de la part de son interlocuteur, qui avait replié la feuille. Et la prise de parole fut, après un temps.

      - L'ordre n'est effectif qu'à la fin de la journée. Je ne veux pas te voir d'ici là.

      Oh, vraiment ? Les lèvres fines de l’anorexique s’étirèrent encore davantage, mais imperceptiblement. Il ne répondit pas, mais là encore, il comprenait. Aussi, alors que Liven se remettait en marche, Loghan s’arrêta. Il comprenait parfaitement que le blondinet éprouve le besoin d’être seul, mais… Maintenant, quoique l’on puisse dire, quoiqu’il puisse advenir, quoiqu’il puisse se passer, le jeune homme à l’allure si étrange était son garde du corps, et peu importe que l’ordre ne soit effectif qu’à la fin de la journée. Il était là, pas vrai ? Alors autant prendre ses fonctions de suite. Non ? Certes, se mettre déjà à dos Liven Reaves, ce ne serait pas une très bonne idée, alors Loghan ne se mit pas à marcher pour coller aux basques du jeune homme, non. Il resta là, dans la ruelle, un instant, sortant d’une poche de son jeans déchiré un paquet de clopes écrasé et aux trois quarts vide. Il tira une cigarette du paquet, le remit en place dans la poche trop étroite, glissa la clope dans son bec, fouilla dans une autre poche pour trouver un briquet. Mais il eu beau essayer d’allumer la sucette à cancer, il n’y arriva pas, parce que la pluie n’arrangeait évidemment pas les choses. Loghan s’acharna quelques secondes, se mit à sourire stupidement sans aucune raison, rangea le briquet et leva le nez en l’air, la clope éteinte entre les lèvres, plissant les yeux face à la pluie. Bon et maintenant ? Maintenant, suivre Liven. De loin, de préférence. Inutile de s’attirer ses foudres, ou d’attiser sa frustration et sa colère. Pas vrai ? Pour sûr.

      Ainsi, Loghan se remit en marche à son tour, plus ou moins en silence, en faisant attention à ce que ses bottes cloutées n’aillent pas émettre un clapotement trop reconnaissable en marchant dans une flaque d’eau. Il emprunta une ruelle, marcha un peu plus vite, plissa encore ses yeux clairs entourés d’une couche trop importance de maquillage waterproof, passa près d’une aire de déchargement. Oh, il finirait bien par le trouver, le Liven. Ce n’était qu’une question de…

      Un coup de feu.

      Et merde.

      Un froncement de sourcils, la main qui fuse s’emparer d’un colt, dans le dos, aussitôt. Et puis se remettre en marche, plus vite, beaucoup plus vite, dans la direction de la détonation, cette détonation que l’oreille habituée a su parfaitement identifier et reconnaître. Déjà une attaque ? Et bien. Il aurait du boulot, le Loghan. Ce dernier se mit à courir, et freinant dans une flaque, il les vit. Deux hommes, à l’autre bout, une grande asperge brune et un gros colosse aux épaules carrées, flingues en mains, et Liven, Liven affalé contre un mur, son propre colt en main mais l’air… l’air de s’être fait surprendre. Oui, visiblement, c’était le cas. Peu importe pourquoi, peu importe que la situation devait être probablement exceptionnelle, Loghan brandit automatiquement son flingue noir, et alors qu’une nouvelle détonation résonnait de l’autre côté de la ruelle, le jeune Chasseur de Primes tira. S’il était un excellent tireur ? Et comment. La silhouette du colosse tituba, Loghan tira une seconde fois, visant la tête, et quelques secondes après à peine, la silhouette s’effondrait sur les pavés trempés. Le gringalet aux cheveux bleus, clope mouillée toujours au bec, freinait devant Liven lorsque le deuxième type disparaissait déjà en courant. Loghan brandit encore un instant son arme à feu, le tenant en joue à travers la pluie drue, mais finalement, il abaissa le bras, réprimant un grognement. Il se tourna vers Liven, haussant un sourcil sous la pluie, indifférent au fait qu’il était lui-même mis en joue.

      - N'attends pas de remerciement. Après tout ce n'est que ton travail, enfoiré.

      Evidemment.

      Loghan ne cilla pas face à la violence des propos, du ton, et se contenta d’avoir un léger haussement d’épaules désinvolte, comme si on venait de lui énoncer une vérité des plus évidentes. Il enleva d’un geste fluide la cigarette qui servait de décoration de ses lèvres.

      - Nous sommes bien d’accord.

      Le ton toujours aussi tranquille, quoique dispensé de toute narquoiserie ou gentille moquerie, Loghan tourna ensuite les talons pour s’approcher à grands pas du corps effondré sur les pavés. Il plissa les yeux, au-dessus du corps, tendit le bras et appuya une troisième fois sur la détente, histoire de coller une dernière balle dans le cœur de l’homme, pour être sûr qu’il ne se relève pas. Une fois ceci fait, il revint sur ses pas, de son pas léger, et retourna auprès de Liven. Il fourra son colt dans sa ceinture, esquissa un léger sourire, tendit sa main maigre, comme pour aider le blondinet à se relever.

      - Et sinon, pas besoin de garde du corps, hein ?

      De nouveau, la frivolité du ton, la légère pointe de sarcasme et d’ironie, le sourire qui étire les lèvres en coin, les prunelles d’acier entourées de ténèbres qui se fixent sur le visage du vis-à-vis. Énervant ? Peut-être. Mais là tout de même.
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    Message  Liven Reaves Lun 12 Juil 2010 - 21:46

      [HS : mouhahaha je me suis lâchée. Forcément, puisqu'Edryn me lit, j'avais envie de lui faire plaisir. Je propose que Loghan réponde juste après et ensuite on suit l'ordre Liven-Loghan-Edryn okay ?]
      Edit Edryn : Ouai ouai ouai, tu vérifie si je lis vraiment, avoue! Je vois clair dans ton jeu Suspect





      Ce calme, cette indulgence, cette attitude résignée et détachée...
      Liven fut tenté de relever son arme et de laisser son doigt glisser sur la détente. La passivité de Loghan exacerbait sa colère qui, contenue, se transformait bien vite en frustration. Celle de constater le manque de réaction fasse à son agressivité et à son mépris, celle de ne pas comprendre un comportement aussi posé et flegmatique, celle de devoir admettre que son hostilité évidente était sans conséquence. Liven avait attendu une défense quelconque, une insulte, une remarque cinglante, ou plutôt, il l'avait espéré... Il s'était servi de Loghan comme un prétexte pour punir son insouciance irrationnelle et impardonnable, pour évacuer à la fois la tension angoissée teintée d'une impuissance insupportable qu'il avait ressenti, et à la fois la haine viscérale teintée de peur qu'il ressentait toujours. Que ce soit pour le tuer ou pour le protéger, pour le blesser ou pour l'aider, pour le haïr ou pour l'aimer, la raison avec laquelle les autres l'approchaient n'avait aucune importance à ses yeux. Ils constituaient tous une menace contre laquelle il devait se prémunir à coup de balles de 13mm ou d'insultes froides et violentes. Liven ne pouvait pas supporter que Loghan essuyât l'affront avec indifférence, qu'il choisisse d'ignorer la colère qu'il dirigeait contre lui bien inutilement il est vrai. Il aurait voulu donner matière à concrétiser sa haine, avoir la moindre prise sur cette situation qui lui avait totalement échappée et qui le plongeait dans un regret personnel et douloureux, trouver la moindre faille qui ferait naître l'aversion à son égard et qui lui garantirait toujours la même solitude rassurante. Pourquoi fallait-il que Loghan perturbe jusqu'à cette évidence ? Le contact du métal tiède dans sa paume restait une tentation séduisante. Il n'avait pas le droit de se plier aussi rapidement à ses caprices égoïstes et méprisants. Il n'avait pas le droit de lui accorder placidement toute autorité et tout irrespect sans protester. Liven voulait une opposition pour pouvoir le repousser aussi violemment qu'il l'aurait voulu. Devant la résignation, il n'était pas capable de justifier ou même de trouver prétexte à son hostilité. A croire que tout ce que faisait ce type ne parvenait qu'à l'horripiler. Enfin presque...


      Liven sursauta inconsciemment au bruit soudain de la détonation. Il n'accorda qu'un regard polaire et neutre au corps sans vie qui gisait non loin et dont l'asperge bleue revenait. L'habitude ternit la compassion et annihile la sensibilité... Liven désamorça le chien de l'arme qui reposait déjà sur son genoux. Il ne pouvait pas le haïr. Il n'en avait tout simplement pas le droit. Paradoxalement, sa frustration ne s'en trouvait que renforcée bien qu'il ait enfin la force de la dissimuler derrière l'impassibilité trompeuse dont il usait habituellement. Le petit toutou du conseil ne méritait pas qu'il s'emporte. Ou plutôt, il méritait justement qu'il ne s'emporte pas... Ce qui avait motivé ses paroles fielleuses, outre le contre coup de l'attaque, exception faite de son dégoût pour Loghan, c'était autre chose : un sentiment honteux et risible de reconnaissance. Vestige de ses principes oubliés, de ses idéaux déçus, de sa droiture passée. La conscience que les choses ne seraient pas tout à fait aussi simples qu'il l'aurait espéré, qu'il ne pourrait pas exactement feindre l'indifférence et s'en débarrasser en toute âme et conscience. Quoiqu'il pense de cet homme, quoiqu'il veuille en faire sur l'échiquier qui se dressait entre lui et les membres du conseil, il ne pourrait pas nier la dette qu'il avait envers lui. Une dette d'honneur, un mot qu'il avait oublié depuis bien longtemps et qu'il retrouvait avec une nostalgie empreinte du poids des responsabilités qui pour une fois ne lui était pas un fardeau. Qu'il le veuille ou non, Loghan lui avait sauvé la vie. Sa mauvaise foi légendaire ne pourrait pas diminuer cette vérité, à son grand regret. Comment pouvait-il accepter d'être redevable à celui qui ne manquerait pas de le trahir ? Comment pouvait-il être reconnaissant à un homme qui s'immisçait dans sa vie et ne manquerait pas de la compliquer comme jamais ? Il ne pouvait s'empêcher de le haïr tout comme il ne pouvait s'empêcher de lui être redevable. Liven... livré à ses contradictions, comme toujours, oscillant entre méfiance et sincérité. Le jeune homme raccrocha aux yeux du squelette vivant son regard au bleu électrique et électrisant, derrière ses mèches devenues châtain auxquelles gouttait la pluie fine qui avait recommencé à tomber, comme s'il le défiait de s'approcher davantage. S'il prenait ce risque, il le regretterait, indéfiniment. Liven s'emploierait à ce que sa présence à ses côtés soit une torture insupportable, à ce que Loghan ne puisse supporter plus longtemps d'être traité avec un tel dédain, une telle injustice, injure à la reconnaissance qu'il devrait lui témoigner..


      - Et sinon, pas besoin de garde du corps, hein ?


      Jamais il ne répéterait assez à quel point il le détestait. Pourquoi se sentait-il obligé de piétiner sa fierté ? Surtout, comment savait-il précisément le mettre en face de ses contradictions ? Non, il n'avait pas besoin de garde du corps. Il avait simplement besoin qu'on le laisse tranquille, qu'on l'ignore, qu'on l'oublie au fond de sa solitude et de ses regrets. Ce jeune homme n'avait pas la faiblesse de se reposer sur les autres, du moins le croyait-il. Ce qui venait de se passer n'était que la conséquence de son manque de prudence. Il était vulnérable sitôt qu'il était trop tenté de céder à la magie noire, il le savait, il n'aurait pas du sortir. Non, il n'avait pas besoin de garde du corps, pas question qu'il l'admette. D'autant plus que l'admettre serait compter sur lui. Il ne compterait pas sur quelqu'un qui le trahirait dès que possible. Liven plissa les yeux, exprimant une hostilité profonde qui n'aurait échappé à personne, même pas à cette imbécile heureux qui s'entêtait à le provoquer et à l'humilier. Toutefois, la réplique cinglante qu'il répondit succéda à un léger silence qui montrait qu'il avait laissé son impulsivité haineuse de côté pour savourer une colère froide et calculatrice. Sa voix s'éleva comme un murmure pourtant parfaitement audible. Il prenait soin de détacher chaque mot, d'articuler distinctement malgré un ou deux accrocs qui persistaient encore au fond de sa gorge.


      - Pour moi tu es le même genre de vermine que ces deux-là.


      Oui. Il devait maintenir cette distance, préserver cette impassibilité glacée garante de ses émotions, de ses véritables pensées. Liven était calculateur. Si au fond de lui son animosité était tempéré par sa reconnaissance, extérieurement il restait fidèle à lui-même. Avec un peu de chance, cela suffirait à l'éloigner. Vain espoir rapidement déçu par un geste du bleuet clouté. La neutralité même inscrite sur le visage, Liven vit l'anorexique tendre la main en un geste explicite et insultant. Il comptait l'aider à se relever ? Qu'il n'y compte même pas, qu'il n'imagine pas une seconde que Liven puisse être démuni au point de se montrer aussi niais et vaincu ! N'ayant toujours pas rangé son arme, Liven fut à nouveau tenter de mettre un peu de plomb dans la cervelle de cet imbécile, au sens le plus littéral du terme. S'imaginait-il avoir gagné sa sympathie en lui sauvant la vie ? S'imaginait-il que cela les avait rapproché d'une quelconque façon ? Durant une ou deux secondes, Liven fut totalement livré à cette indignation jalousement dissimulée, jusqu'à ce qu'il entrevoit le moyen d'utiliser cette méprise honteuse à son avantage. Liven était manipulateur. Il savait que le contrôle de ce pion pourrait renverser la suite de la partie. C'était un risque qu'il pouvait se permettre, il n'avait rien à perdre à se servir de lui et ce, que Loghan en soit conscient ou non. Il lui était reconnaissant et le lui dissimulait sous les dehors de la haine. Il le haïssait et lui dissimulerait sous la reconnaissance. Brouiller les pistes, perdre dans les paradoxes, se protéger tout en attaquant... simplement agir avec l'intelligence et la finesse qui le caractérisait. Après tout, c'était un défi comme un autre, il saurait parfaitement se débarrasser de lui en temps voulu, il n'avait qu'à voir jusqu'où la fidélité de l'espion à ses maîtres pouvait être éprouvée. Et avant ça, il avait besoin de voir jusqu'où allait son hostilité à son égard, quand bien même il n'en avait pas encore montré. Liven n'avait qu'à tester les défenses de l'ennemi s'il voulait remporté la victoire. Il n'allait pas hésité à tromper son excès de confiance ou sa bêtise, il le faisait généralement à longueur de temps. Les sourcils de Liven se rapprochèrent imperceptiblement, ses lèvres se détachèrent dans une fine ouverture, il feintait la surprise à la perfection. Rapidement, il détacha ses yeux de la main décharnée de Loghan. Un instant, il se demanda si l'anorexique serait capable de soutenir son poids. Puis toujours sans le regarder, feintant une gène mêlé d'un agacement réel, il leva sa propre main, ses doigts longs et noueux, sa paume tiède et ferme, le dos de sa main innervée jusqu'à un poignet fin où se balançait sa montre. Il saisit celle de Loghan d'un geste décidé, d'une poigne assurée sans être trop forte. La main anguleuse de bleuet le surprit mais il se reprit vite malgré le contact décharné et inhabituel qu'il ressentait. Poussant sur ses longues jambes maintenant qu'elles avaient reprit leur assurance, et s'aidant du mur par peur qu'il n'entraine l'anorexique de son poids, Liven se releva en silence. Il lâcha la main de Loghan qui l'avait aidé, et la tête baissée, le visage neutre, le jeune homme releva légèrement les yeux dans l'acier des iris de l'asperge.


      - Suis moi.


      Un impératif froid et désagréable auquel Loghan devrait rapidement s'habituer. Liven jonglait avec un talent rare entre le rôle dans lequel il faisait semblant de rentrer et sa véritable personnalité. Quand à la destination qu'il leur prévoyait, elle réunissait elle aussi ces deux attitudes qui coexistaient en lui. Il avait besoin de se défouler un peu, il avait aussi besoin de mesurer la soit disante fidélité de Loghan, son tempérament, ses réactions. C'était un test autant qu'une nécessité. Liven... ou l'art de réunir les contraires. Sans plus tarder, il se mit en route. Pour perdre le jeune chasseur de prime dans les méandres de la ville, Liven avait du s'éloigner du centre. Pourtant c'est bel et bien l'artère principale qu'il remontait. Le trajet c'était déroulé dans un silence religieux que Liven appréciait à sa juste mesure. Il lui laissait le temps de réfléchir et de se reposer vis à vis des récents évènements. Un bref moment, il se laissa aller à contacter Sabbat pour l'informer brièvement de ce qui c'était passé. Il lui servit une version édulcorée pour qu'elle ne rapplique pas dans la seconde afin dégorger Loghan avec sa minuscule dentition de carnassier. Toutefois, Liven ralentit devant un restaurant chic connu pour accueillir toute sorte de personnalités politiques ou appartenant à la scène publique. Un endroit que Liven avait eu coutume d'arpenter lorsque sortant tout juste de l'école, il s'était vu propulsé dans ce monde de luxe et d'hypocrisie. Feindre encore et toujours, mentir, s'assurer les soutients, repousser les attaques, nourrir les faux semblants... Liven s'était prêté au jeu politique durant des années. Rien ne le dégouttait davantage à présent, à part la magie noire... peut être. Il pénétra dans le vestibule, confiant son manteau à l'un des maîtres d'hôtel en parfait habitué. Liven avait dominé ce monde... En tant que chef des chasseurs de primes, il avait été l'une des personnes les plus influentes de la ville. Un temps révolu partagé entre regret et satisfaction. Comme toujours, une contradiction... Se tournant vers la salle, Liven repéra en marge de celle-ci, tout proche, un jean homme à la tenue décontractée et à l'allure un peu gavroche. Celui-ci quitta son poste tandis que Liven le rejoignait. Ils échangèrent une poignet de main et quelques paroles discrètes avant de se séparer. Bien que leur paroles n'aient pu être entendues par un tiers, ils semblaient soucieux, si ce n'était agacés.


      Cet homme, c'était un chasseur de prime, l'un de ceux avec qui Liven avait eu l'occasion de travailler, un subordonné à qui il accordait sa confiance dans une certaine mesure et qui partageait ses vues. En l'occurrence, ils partageaient aussi le même agacement qui était commun à nombre de leurs collègues. Les chasseurs de primes étaient indépendants, une guilde libre au fonctionnement complexe qui refusait parfois jusqu'à l'égide du conseil des guildes. Pourtant, la légalité de leur existence avait un prix : la loyauté au gouvernement. Tout comme les magassionnels, la guilde passait directement sous l'autorité du gouvernement pour toute mission d'ordre militaire ou diplomatique. S'il fallait remonter à la Grande Guerre pour rappeler un affrontement majeur, les missions diplomatiques étaient prioritaires sur toutes les autres et il fallait s'y plier de bon ou de mauvais grès. Le genre de contrainte que les chasseurs de prime ne pouvaient pas supporter. D'autant plus lorsque l'élite de la guilde était mobilisée et que l'activité ainsi que les bénéfices s'en voyaient compromis. Nonobstant, le plus insupportable demeurait la nature même de la mission. Les meilleurs éléments étaient réquisitionnés pour une simple mission de surveillance et de protection. Une aberration... comme si l'on pouvait leur demander de protéger leurs ennemis. A vrai dire, il était heureux que les magassionnels partagent le même sort. Si l'organisation du relais des équipes était compliquée, les mentalités étaient ménagées. La nouvelle avait fait grand bruit depuis une semaine : la venue d'un ambassadeur de Sombréa, un ambassadeur des vampires. Comme si ces créatures pouvaient entendre quoi que ce soit à la diplomatie, comme si les gamaëliens avaient oublié les horreurs qu'ils avaient commises, l'invasion... Liven n'avait pas oublié lui. Ces souvenirs, vifs rappels des souffrances qu'il avait du endurer, il les chérissait avec le plaisir qui précède la vengeance. Certes, il était pieds et poings liés. Compte tenu de sa situation actuelle, un meurtre sur la personne d'un politique sous couvert de l'immunité diplomatique n'était pas la meilleure solution. Bien que cet acte eut sans doute débarrassé la terre d'un être horrible qu'ils nourrissaient actuellement en leur sein... Voilà sans doute pourquoi Liven n'appartenait plus à ce monde. Il était incapable de pardonner aux traitres.


      En remontant les manches de sa chemise noire qui avaient glissées, Liven laissa ses yeux glacials parcourir la salle un bref instant avant de repérer la silhouette qu'il cherchait et de se diriger d'un air détaché dans sa direction. Tout en avançant, il regarda brièvement par dessus son épaule, enjoignant tacitement au punk parfaitement décalé dans cet univers de le suivre. A bien y réfléchir en fait, les six chasseurs de prime présents dans la pièce, dont tout de même cinq gardes du corps, semblaient tous en décalage par rapport à cet univers de luxe et d'hypocrisie. Leur apparence, leur attitude... Si tous ne semblaient pas aussi énigmatiques et ténébreux que Liven ou aussi marginal et flippant que Loghan, ils détonnaient chacun à leur façon, leur maintient traduisant leur savoir faire professionnel, celui de traqueur, celui de tueurs... qui se confrontaient à d'autres. La jeune femme lui faisait fasse, elle les regardait venir, et pas un instant Liven ne lâcha son regard. Il laissa ses yeux d'un bleu éthéré, plus scrutateurs que ceux d'un rapace, guetter la moindre de réaction de ce qu'il conviendrait d'appeler sa proie même si l'issue de cette bataille ne serait pas pour ce soir. Son visage était agréable tout en entretenant une certaine réserve, une certaine dureté qui étrangement lui conférait une certaine dignité. Surtout, ce qui frappait en la regardant c'était la pâleur de son teint. Loin du blanc laiteux et blême ou encore de cette pâleur translucide qui révélait les veines, sa peau arborait un joli teint velouté. Son maquillage et ses cheveux sombres renforçaient le contraste et le mettait en valeur. Sa longue chevelure brune cascadait sur ses épaules, entretenant un lissé parfait et élégant. Seuls tâches de lumière dans cette plastique manichéenne, ses yeux verts captent l'attention tandis que ses lèvres artistiquement maquillées soulignaient l'ovale d'un visage équilibré. De taille moyenne et d'une constitution fine, son corps demeure commun mais néanmoins harmonieux. En toute honnêteté, c'était une belle femme au charme simple mais efficace. Un magnétisme auquel nombre d'homme pouvait être sensible...sauf le jeune homme blond qui la rejoignait. Cette femme représentait tout ce qu'il haïssait. Il s'était juré de se venger d'elle d'une façon ou d'une autre et pour l'heure, c'est avec une mesquinerie avérée qu'il entendait gâcher son repas. Liven parvint à sa table et s'appuya d'une sur le dossier de la chaise qui faisait face à la traitresse avec un sourire en coin narquois.


      - Je suis certain que vous ne verrez pas d'objection à ce que je me joigne à vous, Mademoiselle Edge.


      De toute façon, qu'elle en voit ou non, cela n'avait pas d'importance. Ils étaient tout deux conscients que cette phrase n'était prononcée que pour la forme, pour provoquer l'ambassadrice et la contraindre à accepter sa présence quand bien même elle ne la désirerait pas. Liven terminait tout juste sa phrase qu'il s'installait déjà, tirant sa chaise pour s'y asseoir avec un mélange d'aisance, de décontraction et de classe. Sans la moindre gène, il saisit la bouteille de vin posée sur la table pour s'en servir.


      - J'ai été ravi d'apprendre votre retour. Honnêtement je ne pensais pas que j'aurais à nouveau l'occasion de vous humilier.


      Liven porta le vin à ses lèvres, il se régalait... Sa voix teintait d'une ironie criante malgré qu'il s'exprimât d'une façon doucereuse où s'entendait à peine l'éraillement léger de sa voix mais davantage le velours de sa tonalité basse et envoutante. Une voix dangereuse pour rappeler l'épisode cuisant où Liven l'avait utilisé pour qu'elle le mène à Alia, pour qu'il puisse assassiner le tyran qu'elle aimait tant. Il savait parfaitement ce qu'il faisait. Il voulait la blesser et savait pouvoir y parvenir. Il releva son verre en cristal et la salua avant d'esquisser un sourire insupportablement arrogant et supérieur.


      - Excellent vin. Vous n'avez pas toujours mauvais goût.


      Assener le plus simplement du monde les répliques cinglantes, enchainer les attaques sans lui laisser le loisir de les contrer, s'imposer avec une délicatesse hypocrite, lui rappeler qu'elle aurait toujours des opposants... et pas des moindres. Liven fit tournoyer son vin dans son verre, prêt à riposter au prochain mouvement, prêt à lui faire regretter à jamais d'être revenue, ou mieux, d'avoir fui. Edryn Edge... elle semblait inoffensive, elle semblait fragile... et pourtant elle n'avait pas hésité à trahir son peuple et son pays pour se rallier au pouvoir des vampires, pour les servir avec aveuglement et obséquiosité. Il ne pouvait comprendre sa motivation. Lui-même connaissait l'ambition, il savait ce qu'il était prêt à faire pour parvenir à ses fins et les récents événements en témoignaient. Toutefois il avait fait le bon choix. Malgré tout ce que l'on pouvait lui reprocher, malgré les responsabilités qu'il avait à assumer, malgré tout ce par quoi il a du passer, Liven avait toujours poursuivi un objectif noble et louable. Il n'avait jamais renoncé à défendre ce en quoi il croyait, il n'avait jamais cédé à la facilité... jamais ?... Au fond de son âme il sentit son cœur se serrer. Si, il avait cédé, il devait l'admettre. Les sacrifices, les souffrances, les peines et les remords faisaient partie de son quotidien mais il pouvait au moins se raccrocher à l'idée qu'il avait agi au mieux, pour le bien commun, pour une cause que l'on ne pouvait rabaisser à une ambition personnelle malgré tout ce dont on pouvait l'accuser. Comment pouvait-elle vivre avec tout ce qu'elle avait fait ? Comment pouvait-elle supporter sa culpabilité ? Comment pouvait-elle oser revenir après sa trahison ? Incompréhension que supplantaient le mépris et la haine. Rien ne l'excusait, rien ne justifiaient ses actes et ses choix, rien ne pouvait diminuer la gravité de ces-derniers... Les choses risquaient d'être intéressantes... Comment réagirait celui qui le suivait d'ores et déjà à la trace ? Le laisserait-il faire ? Et dans ce cas devrait-il dépasser les bornes ? Ou au contraire essaierait-il de le contraindre ? Devrait-il le pousser à bout ? Et s'il le soutenait ? C'était une occasion en or de savoir à quoi s'attendre et de juger à l'abri de sa position. Pour l'heure, n'était-il pas la pourriture revancharde qui s'attaquait impunément à une demoiselle ? Liven reposa son verre, son sourire évanoui avant de poser ses coudes sur sa table et de croiser ses mains à hauteur de son visage. Son séduisant visage empreint d'une sévérité froide et mesurée, un adversaire que le conseil et les vampires sous-estimaient à leurs dépends...
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    Déjeuner à haut risque [PV : Loghan] Empty Re: Déjeuner à haut risque [PV : Loghan]

    Message  Loghan Rasal Mar 13 Juil 2010 - 17:24

      Il gardait la main tendue, inlassablement, le sourire éternel au coin des lèvres. Il ne se laissa pas démonter par la vive hostilité qui transparaissait des yeux à l’azur si intense de son interlocuteur ; et lorsque Liven Reaves, d’un murmure qui martelait chaque syllabe, lui précisa que pour lui, il n’était qu’une vermine comme les deux qui venait de crever, Loghan ne releva même pas. Son léger sourire étira un peu plus ses lèvres, tout au plus, énigmatique et peut-être un peu triste, mais ce fut tout, il ne protesta pas, il ne se défendit pas, il ne rétorqua pas ; car après tout, ce que disait Liven ne lui paraissait pas faux, au contraire. Il conserva donc ce sourire, léger et silencieux, et s’entêta à garder cette main décharnée tendue, en attente d’un geste de la part de Liven. Allait-il refuser de se faire aider, et se relever tout seul, fièrement, dignement, stupidement ? Ou au contraire, allait-il saisir sa main pour se relever, à contrecœur et avec dégoût ? Loghan n’en savait strictement rien, et à dire vrai, il attendait de le savoir avec l’intérêt poli que pouvait avoir quelqu’un devant les résultats du loto, sans plus. La décision de Liven n’était pas primordiale au point de décider de toute une vie, car quand bien même le blondinet refuserait de le toucher, de le regarder et de l’accepter, Loghan n’en aurait rien à faire : il resterait. Oui, quoi que cet imbécile qui paraissait décidément si adorable puisse tenter pour le faire dégager, le jeune américain comptait bien lui apprendre ce que l’expression coller aux basques signifiait vraiment. Et pas seulement parce qu’il en avait reçu l’ordre de la part du Conseil, mais plus parce qu’il était garde du corps, dorénavant, et qu’il comptait bien faire honneur à son poste. Il était fainéant, il détestait la paperasse, il n’était pas très fiable compte tenu du fait qu’il avait sciemment décidé dès le départ de désobéir au Conseil en refusant d’espionner la Bête pour leur compte, mais il voulait au moins effectuer son boulot de garde-du corps correctement. Parce que cela, il pouvait le faire.

      Il fut tout de même relativement surpris de sentir la main tiède de Liven saisir la sienne ; parce que s’il aurait du parier sur les deux options, il aurait choisie celle où l’ex-chef des chasseurs de primes choisirait de se relever tout seul, en vérité. Surpris, oui, mais agréablement. Il ne savait pas ce qui traversait l’esprit de Liven, mais à vrai dire, il s’en moquait ; il se contenta de l’aider à se relever, jouant de la force de ses bras trop maigres, et son sourire narquois fit place à un sourire plus doux, alors que son vis-à-vis se relevait en silence. Loghan Akalenkov était peut-être très perspicace, mais il n’était pas devin, et il ne pouvait pas deviner que l’action, présentement, était calculée et non spontanée. Mais encore une fois, peu lui importait. Tout ce qui lui importait, c’était que Liven avait accepté cette main tendue, et bien qu’il sache pertinemment que cela était loin de signifier que le blond lui ouvrait grand les bras, cela lui convenait. La patience n’était pas une ennemie, pour lui. Il eut un nouveau sourire, léger et amusé, lorsque Liven lui ordonna, froidement, de le suivre. Ah, l’impératif, temps si doux, si charmant, si agréable… Une pure merveille, vraiment. Docile, le jeune homme aux cheveux bleus lui emboîta le pas sans hésiter, et saisit ses lunettes de soleil pour les remettre devant ses yeux bien trop maquillés, plus machinalement qu’autre chose. Il vérifia par réflexe que ses colts étaient bien calés dans sa ceinture, puis glissa les mains dans ses poches ; il conserva un silence quasi religieux et respectueux tout le long du trajet, la docilité incarnée, le clapotement que produisait ses bottes cloutées en marchant dans une flaque d’eau résonnant toujours aussi agréablement à ses oreilles. Il garda un long moment les yeux rivés sur la nuque de Liven, pensif, sans vraiment se soucier du chemin qu’ils empruntaient, et s’intéressa enfin à leur destination une fois seulement qu’ils eurent atteint l’artère principale.

      Loghan plissa les yeux en voyant que l’ex-chasseur de primes ralentissait le pas devant un restaurant incontestablement chic, à en croire la vitrine aux bords finement ouvragés, les colonnes devant l’entrée, les buissons de roses au pied des marches et les tenues qu’arboraient les individus qui entraient ou en sortaient, gracieusement. En clair, pas un restaurant où Loghan avait l’habitude de se rendre - s’il avait l’habitude de se rendre dans des restaurants, déjà, en tant qu’anorexique. Aussi, il eut une brève seconde d’hésitation, avant d’entrer, s’arrêtant aussi brièvement qu’un courant d’air sur le seuil de la porte ; mais il se reprit à une vitesse fulgurante, et indifférent aux regards stupéfaits et effarés qu’on pouvait lui adresser en voyant sa tenue, s’empressa de suivre Liven, à l’image d’un chien fidèle qui coure après son maître. Il n’arrivait pas à cerner où était le piège. Le blondinet comptait-il l’inviter à déjeuner, pour lui expliquer entre quatre yeux et le plus posément du monde que s’il ne lui lâchait pas illico presto les baskets, il allait lui faire comprendre ce qu’était la douleur ? Ou alors, allait-il rejoindre une bande de chasseurs de primes rodés pour leur demander de se débarrasser de lui, cloporte nuisible et gênant, de manière rapide et efficace ? Ou encore, allait-il l’attirer jusqu’en cuisine, pour s’emparer d’un énorme couteau de boucher, engager une bataille féroce à l’arme blanche contre lui, gagner, et ensuite le découper en petit morceaux jusqu’à ce que mort s’ensuive, fourrer ses restes dans des sacs et ranger le tout dans une chambre froide ? Que ce serait… trippant. Euh, ou pas. Non, il fallait vraiment qu’il se soigne ; les séries télés purement amerloques qu’il avait pu regarder étant gamin lui montaient décidément trop à la tête.

      Loghan retira sa capuche, ses lunettes de soleil, et glissa une nouvelle fois ces dernières au sommet de son crâne, dans sa crinière de cheveux artificiellement bleus. Il haussa légèrement un sourcil en voyant Liven se diriger vers un homme qu’il ne connaissait pas ; mais à en juger par la poignée de mains et les airs agacés qu’ils échangèrent, le jeune garde du corps en déduisit qu’il devait être certainement un autre chasseur de primes. Il y avait des signes qui ne trompaient pas, et cet air, ce léger froncement de sourcil, ce tic au coin des lèvres… Un agacement réel, une frustration, une liberté entravée. Un ordre de mission qui ne plaisait pas ? A tous les coups. Les chasseurs de primes étaient indépendants, ils respiraient la liberté et l’autonomie, mais il y avait cette allégeance au gouvernement qu’il fallait payer pour obtenir la légalité. Et Loghan savait ô combien cela déplaisait à bon nombre de membres de la guilde, à bon nombre. Le jeune homme attendit tranquillement, en retrait, pensif et toujours aussi tranquille, puis lorsque Liven, d’un regard jeté par-dessus l’épaule, lui somma l’ordre silencieux de le suivre, le punk lui emboîta une nouvelle fois le pas sans protester. Ils se dirigèrent vers une table, une table où se trouvait en vérité déjà quelqu’un - et non des moindres. Elle était belle, il n’y avait aucun doute possible. Elle n’était pas d’une beauté spectaculaire et tape-à-l’œil, mais elle inhalait le charme de la simplicité ; visiblement pas très grande, élancée, la peau de neige, elle avait un visage fin, bien dessiné, un port de tête altier, une longue chevelure d’ébène qui contrastait merveilleusement avec la couleur de sa peau, et deux perles d’émeraude à la place des yeux. Ravissante de simplicité, charmante de beauté délicate. Loghan ne la connaissait pas, non, mais visiblement, ce n’était pas le cas de Liven, car ce dernier se dirigea tout droit vers sa table.

      - Je suis certain que vous ne verrez pas d'objection à ce que je me joigne à vous, Mademoiselle Edge.

      Loghan haussa un sourcil.
      Edge ? Edryn Edge ?

      Toute nouvelle ambassadrice de Sombréa, celle dont beaucoup avait entendu parler suite au bordel monstre qu‘avait été l‘invasion vampirique ? Cela ne faisait certainement aucun doute. Loghan resta debout quelques secondes, à observer la jeune femme en plissant légèrement les yeux, se demandant ce que tramait le blond, au juste, là, en s’invitant à la table d’une ennemie jurée. Le punk n’était pas présent à Sannom lors de l’invasion, il n’avait eu vent de l’affaire que de très loin ; néanmoins, il savait ce qu’il y avait à savoir. Et là, il ne comprenait pas trop. A quoi çà rimait, au juste ? La Bête comptait attaquer sa proie ? En plein lieu public ? Mince alors. Et lui, qu’était-il censé faire ? L’arrêter ou le laisser faire ? Bah… Il verrait bien. Pour le moment, tout ce qu’il fit, ce fut hausser furtivement les épaules et tirer une chaise à son tour, pour s’assoir à côté de Liven. Là, affalé contre le dossier de sa chaise, il leva une de ses longues jambes pour la croiser au-dessus de l’autre, nonchalamment ; il se mit à agiter légèrement son pied et se mit à jouer avec les grosses bagues qui entouraient ses doigts trop fins, l’air complètement ailleurs. Comme s’il était là sans être là. Sauf qu’il écoutait, bien entendu, et avec attention.

      - J'ai été ravi d'apprendre votre retour. Honnêtement je ne pensais pas que j'aurais à nouveau l'occasion de vous humilier.

      Loghan plissa de nouveau un peu les yeux, et détacha ces derniers de ses bagues pour les poser sur Liven, perplexe. Le blond, élégant en diable, savourait un verre de vin ; sa voix suintait d’une ironie criarde, et un sourire, proprement insupportable d’arrogance, s’empara de ses lèvres. Non… Il ne rêvait pas. La Bête était en pleine phase d’attaque, là, pas vrai ?

      - Excellent vin. Vous n'avez pas toujours mauvais goût.

      Il ne pu s’en empêcher plus longtemps.
      Là, c’était trop… juste trop.

      - Hmphrr.

      Le son fusa, léger mais audible, étouffé par des lèvres pincées ; l’espèce de gloussement précurseur d’un éclat de rire fut avorté, étouffé, contenu, et il s’estompa aussi vite qu’il était venu, furtif et décalé. Les joues gonflées et les lèvres pincées, pour s’empêcher de rire véritablement, Loghan arbora alors l’expression caricaturale mais pourtant réaliste d’un enfant qui se retenait à grand peine d’éclater de rire en pleine réception mondaine, devant des invités qui pouvaient facilement être offensés, par exemple. Il ne bougea pas d’un pouce, et il conserva sa moue quelques secondes, ainsi que ses lèvres pincées pour empêcher tout autre son grotesque de franchir leur barrière. Et s’il tentait de garder tant bien que mal un semblant d’air sérieux, s’il essayait de ne surtout pas sourire, l’éclat de ses yeux d’acier ne trompait pas. Ils pétillaient, comme ceux d’un enfant hilare ; et incontestablement, invariablement, indéniablement, c’était là un acte complètement décalé en pareille circonstance.

      Non, vraiment, ce n’était pas drôle.

      Le visage se décomposa immédiatement, soudainement, sans prévenir ; et un masque d’un sérieux insondable remplaça l’hilarité légère et passagère, tellement vite que çà en était absolument grotesque. Illustration parfaite d’un caractère lunatique insaisissable, Loghan changea d’expression à une vitesse proprement fulgurante, puis leva le poing pour le positionner devant sa bouche, et toussota furtivement, avec une réserve pudique et purement polie, à la manière de n’importe quelle personne ayant un minimum de savoir-vivre. Sauf que dans le cas de Loghan, la gène et la honte étaient totalement absents du toussotement de convenance ; il n’y avait que cet intérêt poli, vide de sens mais pourtant certainement indispensable.

      - Désolé.

      Un mot, un seul. Prononcé le plus tranquillement du monde, de sa voix posée et aérienne, décalée et rêveuse, mais ici en l’occurrence plutôt blasée, comme s’il était las de son propre comportement. Il se pencha en avant pour décoller son dos du dossier de sa chaise, et pour s’assoir de manière un peu plus droite, plus polie, plus digne. Au passage, il leva le bras pour foutre une taloche soudaine et nullement agressive à l’arrière du crâne de Liven, sans même le regarder, impassible, presque affectueux, sans raison apparente ; puis croisa les bras sur le bord de la table que le blondinet et lui venaient de prendre en otage. Il fixa ses prunelles d’acier sur la jolie jeune femme brune, pencha légèrement la tête du côté, nonchalamment, et un sourire s’épanouit alors sur ses lèvres, franc et léger, avec une certaine réserve peut-être - mais alors si peu importante qu’elle en était imperceptible, ou presque. Il prit alors de nouveau la parole, pour prononcer de nouveau un seul mot, laconiquement, d’une voix devenue ridiculement plus suave, passant du rôle de l’enfant à celui de l’adulte sérieux, très rapidement, puis enchaînant sur celui du charmeur invétéré ; tout un art.

      - Bonjour.

      Edryn Edge, hein ?
      Pensif, Loghan se demanda alors s’il ne valait mieux pas confisquer tout de suite le flingue de Liven.
      Histoire d’éviter un esclandre.
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    Message  Edryn Hayes Mer 21 Juil 2010 - 19:37

      *Ne dit pas ça, je veux encore croire en notre bonne étoile!*
      *A quoi bon se voiler la face? Nous ne serons jamais ensemble… nous sommes trop différents.*
      *Je… je… mais je t'aime John!*
      *Non Jenny, nous sommes trop différents, comment ai-je pu croire en cet amour? Après tout je suis une fourchette et toi un haricot…*


      Coup de fourchette

      *Et puis tu n'es qu'un être faible…*

      Coup de fourchette

      *… tellement fragile…*

      Coup de fourchette

      *… inutile…*

      Coup de fourchette

      *…incapable de protéger qui que ce soit…*

      Coup de fourchette

      *… naïve! pathétique! Abjecte! répugnante! méprisable! ignoble!*

      Coup de fourchette! Coup de fourchette! Coup de fourchette! Coup de fourchette!!!!
      L'attention portée sur le massacre du haricot, Edryn ne remarquait même pas que le maga le plus près d'elle la dévisageait comme si elle était folle, quand bien même? cela ne regardait qu'elle et puis si elle avait envie de massacrer le pauvre haricot qui n'avait rien demander de plus que d'être manger, cela ne le regardait absolument pas. Pourtant lorsque le haricot n'eu plus aucune similitude avec son apparence d'avant, elle décida d'arrêter de lui asséner des coups de fourchette. En quelques minutes à peine, la colère qu'elle tentait tant bien que mal de dissimuler habituellement, avait ressurgit et sa nourriture en avait fait les frais à défaut de pouvoir se défouler sur autre chose. Elle en avait marre, elle était fatigué des réunions qui se passaient tard dans la nuit, de tout ces gens qui semblaient la juger, de ces personnes qui vivaient bien tranquillement leur vie comme si rien ne s'était passé, de ce repas plus ennuyeux que jamais, de ce haricot qui ressemblait à de la bouillie… Non vraiment ce n'était pas une bonne journée. Elle laissa échapper un long soupir en lâchant sa fourchette, puis ferma les yeux pour se calmer. Pendant un instant ses yeux ne semblèrent pas plonger dans le noir, non, l'image d'un grand parc apparut, elle se souvenait parfaitement de cet endroit où elle avait passé des heures étant jeune et elle pouvait presque sentir l'odeur de l'herbe après un jour de pluie, tellement le souvenir était vivant. Si seulement elle avait pu être vraiment là bas à cet instant, seule ou plutôt avec les gens qu'elle aimait, en parlant de ça elle vit une forme s'avancer mais elle était tellement loin qu'elle n'arrivait pas à bien voir ce que c'était. La forme s'avançait et elle était à présent sûr que c'était une personne. Qui était-ce? Elle avait beau chercher dans ses souvenirs elle ne se rappelait pas de cette personne. Bien qu'elle n'en avait pas tout à fait conscience ce n'était pas un souvenir, non ce n'était pas ça, c'était ce qu'elle voulait au plus profond d'elle. La personne continua de s'avancer, ses contours dévirent plus nets, c'était… Ses yeux se rouvrirent plus vite que jamais, la personne disparut et l'intérieur de restaurant réapparut. Qu'avait elle? Pourquoi pensait elle à cette personne? Elle avait vraiment besoin de repos, ça n'allait vraiment pas, il fallait absolument qu'elle pense à se reposer. Le coeur d'Edryn c'était emballé, elle était quelque peu paniqué, et son visage le laissait bien transparaitre, elle le couvra alors de ses mains puis secoua la tête pour effacer cette image de son esprit. Malheureusement l'image persista… en tout cas jusqu'à ce qu'un élément perturbateur et son collet fassent leur entrée dans le restaurant.

      Edryn soupira de nouveau et passa la salle en revue d'un coup d'oeil sans se rendre vraiment compte que La Bête venait d'entrer et encore moins son garde du corps. D'ailleurs elle ne l'aperçut pas tout de suite, ce n'est que lorsque son regard balaya à nouveau la salle qu'elle le vit. Il était là à quelques mètres, il n'avait pas tellement changé depuis la dernière fois où elle l'avait vu, toujours cette même allure, ces même cheveux blonds, ce même regard... quoi qu'un détail semblait avoir légèrement changé, mais elle n'aurait pas su dire ce que c'était. Elle l'observait de loin, plus rien ne semblait la préoccuper désormais si ce n'est cet homme qui s'avançait. Non! Il n'allait pas oser? Il s'approchait d'elle inexorablement, la démarche assurée, le regard fixe. Il ne faisait aucun doute que la totalité de la salle avait remarqué le chasseur de primes entrer, tant il n'avait rien à voir avec les clients, tout comme les autres membres de la guilde d'ailleurs. Il continuait d'avancer, cette fois-ci elle en était sûr il allait oser! Le visage d'Edryn se durcit, la bouche légèrement pincé, les sourcils froncés et le regard noir qui soutenait tant bien que mal celui du traitre, elle le regardait avancer sans pouvoir rien faire. Elle aurait pu se lever et partir, mais son corps ne semblait plus vouloir lui obéir, elle voulait plus que tout détourner le regard mais elle se l'interdisait, elle était bloquée et voilà déjà qu'il tirait la chaise pour s'assoir. Tellement méprisable.

      - Je suis certain que vous ne verrez pas d'objection à ce que je me joigne à vous, Mademoiselle Edge.

      A quoi jouait il?
      Avant même qu'elle n'eue le temps de dire quoi que ce soit, il se retrouva assis à la même table qu'elle. Elle le regarda sans rien dire, néanmoins elle lui lança un sourire sarcastique et un petit "hmmm" pour bien lui faire comprendre que, oui elle voyait des tas d'objections à l'intrusion de son espace vital par un maga pourri jusqu'à la moelle. Malgré tout elle ne bougeait pas, pourquoi? Elle même n'en était pas sûr, peut être parce qu'elle savait que quoi qu'elle fasses elle serait bien forcée de lui faire face un jour ou l'autre. Quoi qu'il en soit, et bien que La Présence Démoniaque ne lui fasses pas le moins du monde plaisir, elle continua de le fixer sans rien dire, elle attendait jusqu'à ce que…

      - J'ai été ravi d'apprendre votre retour. Honnêtement je ne pensais pas que j'aurais à nouveau l'occasion de vous humilier.

      Pfffouuu
      La première phrase, bien que outrageusement ironique, passa plutôt bien en fait, mais pour la deuxième ce ne fut pas la même chose. Les commissures des lèvres de la jeune femme tombèrent encore plus bas qu'elles ne l'étaient déjà et son regard devint encore plus noir, si cela était possible. Elle était blessé bien qu'elle n'ait jamais considéré la personne qui lui faisait face comme quelqu'un d'estimable, bien au contraire, mais surtout elle était furieuse. A présent elle ne voulait faire qu'une seule et unique chose, faire subir à La Bête ce qu'avait subit sa nourriture un peu plus tôt. Elle rêvait d'attraper sa fourchette et de lui planter dans l'oeil ou dans le cou ou peu importe où du moment qu'il souffrait, elle voulait que ce petit sourire révoltant disparaisse de son visage, qu'il se torde de douleur encore et encore et qu'enfin sa délivrance funeste ne viennes qu'après avoir souffert le martyre pendant des heures. Jamais elle n'avait ressentis une telle colère envers quelqu'un, jamais elle n'avait méprisé une personne si fort et jamais elle n'avait souhaité la mort d'une personne avant ce qu'il avait fait. Pourquoi venait il la narguer et l'embêter maintenant? Pourquoi fallait il qu'il y ait autant de personne dans cette salle? Elle lui aurait bien lancer quelque chose à la figure, elle lui aurait bien planter sa fourchette ou son couteau, elle lui aurait bien arracher les yeux sans aucun ménagement, mais elle ne pouvait pas. En tant qu'ambassadrice elle ne pouvait pas faire n'importe quoi, même avec l'immunité diplomatique, elle représentait des personnes, elle avait une mission et malheureusement le meurtre de l'ex chef des chasseurs de primes en plein milieu d'un restaurant ne faisait pas partis de la mission, du moins pas encore. Elle aurait pu anticiper… non, non il fallait qu'elle se calme, il ne fallait pas qu'il se rende compte qu'il la mettait hors d'elle, même si c'était forcément trop tard. Ses yeux passèrent du verre qu'il tenait à son visage, elle n'écoutait même plus ce qu'il disait, voilà qu'il se mettait à boire une nouvelle fois de son vin. Il n'avait vraiment aucune gêne. Le vin? ça n'avait jamais été son "truc" mais quelques personnes lui avaient fortement conseillé de goûter celui-ci, ce qu'elle avait fini par faire. La bouteille était jolie, selon elle, et elle le pouvait vu son prix. Si elle avait su que quelques gorgés du liquide auraient fini dans l'estomac de La Bête, elle n'aurait sûrement pas demandé la bouteille. En tout cas une chose était sûr, elle s'arrangerait pour ne pas la payer.

      Elle posa les paumes de ses mains sur la table pour s'appuyer dessus et se lever lorsqu'elle entendit un homme pouffer. Sa tête tourna lentement en direction de l'intrus numéro deux, puis elle le regarda sans rien dire, les sourcils levés comme si elle se demandait de quel asile psychiatrique il venait de s'échapper. C'était un homme sans aucun doute mais tout les bibelots qu'il portait n'avaient rien de très masculin, à vu de nez il était même plus mince qu'elle. Il était vraiment bizarre, ses cheveux étaient bizarre, ses vêtements étaient bizarre, sa façon de se tenir était bizarre… Bref, la première impression qu'il lui donnait n'était pas franchement positive, surtout qu'il semblait carrément se moquer et que son compagnon de route était numéro deux dans le top trois des gens qu'elle détestait le plus. À le voir là, pouffant de rire pour un rien, il était clair que l'aliénation mental n'était pas uniquement le propre de son voisin de table… Un petit sourire se dessina sur le visage d'Edryn à cette pensée. Malgré tout, ça ne lui disait pas qui il était ni ce qu'il venait faire ici, d'ailleurs quand avait il débarqué? Encore un "ami" de l'assassin à tout les coups. Non mais pourquoi ils venaient l'embêter maintenant, alors qu'elle n'avait rien fait, elle mangeait tranquillement rien de plus.

      - Désolé.

      Ouah il était vraiment bizarre lui, mais au moins il s'excusait ce qui n'était déjà pas si mal. Alors qu'Edryn pensait qu'il ne pouvait rien n'y avoir de plus bizarre "l'autre" frappa gentiment le professeur comme si tout était normal, puant de naturel. Bien sûr la seule réaction qu'elle eue fut la surprise et cela se lisait bien sur son visage. C'était quoi ce type? C'était vraiment un ami de l'intrus numéro un? Ils travaillaient ensemble? Son chef? Son nouveau petit ami?

      - Bonjour.

      FUIR!!! Il fallait qu'elle fuit vite, très vite et très loin de ces énergumènes qui venaient envahir son espace personnel et l'agresser sans ménagement. Elle détestait qu'on la fixe et surtout qu'on se permette de lui envoyer des piques sans aucune raison. Sans plus attendre et après s'être remise de sa surprise, elle s'appuya sur la table où était posé ses deux mains et se leva. Elle irait payer l'addition au comptoir un peu plus loin, mais elle ne resterait sûrement pas plus d'une minute en compagnie d'une des personnes qu'elle détestait le plus et de son acolyte fraichement échappé de Sainte Agathe, l'hôpital psychiatrique. Elle se mit derrière sa chaise pour la remettre en place, puis lança un regard furtif au deux hommes et enfin elle commença à partir en leur adressant, d'un ton froid :

      "Au revoir!"

      *Bande de tarés!*
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    Message  Liven Reaves Jeu 29 Juil 2010 - 21:35

      Sous-entendre, penser, ou seulement supposer que Liven Reaves n'avait pas l'aplomb nécessaire pour agresser verbalement quelqu'un qu'il ne portait pas dans son coeur en plein lieu public c'était mal le connaître. En vérité, c'est justement parce que sa conduite était inacceptable qu'il prenait autant de plaisir à l'exercice. Et puis soyons honnêtes, à quoi servirait l'humiliation s'il n'y avait personne alentours pour porter un regard moqueur sur la victime ? Or, une des qualités dont Liven n'était pas dépourvu, c'était le pragmatisme. Présentement, il était d'ailleurs ravi. Toute la salle les avait remarqués et au moins la moitié les observait avec une attention contenue car polie, mais néamoins évidente. D'une façon générale, Liven n'aimait pas ces victoires faciles. Se réfugier dans la foule pour attaquer, se sachant parfaitement à l'abri et absolument pas menacé, s'acharner sans états d'âme sur sa victime, ne lui ressemblait pas. Dans un premier temps parce qu'il demeurait un homme qui obéissait à certaines valeurs et que la lâcheté ou la violence gratuite n'en faisaient pas partie, mais aussi parce qu'il se savait parfaitement capable de parvenir au même résultat seul, en acceptant de prendre des risques, et en justifiant son acharnement par une impérieuse nécessité morale. Il devait toutefois reconnaître que la présence de témoins rendrait toute accusation falacieuse de la part de la pseudo-ambassadrice parfaitement impossible. C'était un avantage non-négligeable compte-tenu de sa position d'équilibriste avec le conseil. Un scandale ne servirait pas particulièrement ses intérêts. Liven devait prendre garde à ne pas se laisser aller à un comportement qui le mettrait en danger. Un autre avantage d'une attaque en plein lieu public, c'était l'inanité de la défense. Comment la traitresse aurait-elle pu songer à répliquer alors que l'on pouvait parier qu'une grande partie, si ce n'était la totalité de la salle, lui était hostile ? Seule, contrainte de lui faire face, elle était pour ainsi dire démunie. Pour cette fois-ci donc, et dans une mansuétude extrême, il avait le coeur à faire une exception sur ses principes. Et bien qu'il se refuse de l'avouer tout à fait, cette stuation était loin de déplaire au jeune homme. Elle faisait brillamment écho à ce qu'il avait pu ressentir pendant près d'une année passée à se terrer dans l'ombre et à détaler comme un lapin devant ses ennemis, parfaitement impuissant, rageur mais incapable de répliquer. Aujourd'hui, Liven savourait pleinement sa revanche. Elle était mesquine, il est vrai. Elle était vaine, tout aussi véridique. Elle était méprisable, sans aucun doute. Mais ce qu'elle pouvait être jouisive !


      Sous l'acuité de son regard à l'intensité si destabilisatrice et dérangeante, la jeune femme ne put dissimuler la raideur qui s'empara de ses traits, la colère brillant au fond de ses prunelles, l'impatience qui s'exprimait dans le battement de ses paupières. Autant de signes infimes et pourtant si révélateurs, autant d'indices exacerbant la satisfaction que Liven en retirait, autant de preuves qu'il avait touché juste. Ses piques s'étaient enfoncées profondément, c'était une évidence. Une constatation malsaine qui le remplissait de joie. Liven s'estimait satisfait à partir du moment où une pourriture de son acabit souffrait grâce à lui, ne serait-ce qu'un peu. Ses yeux avidement rivés sur le visage de son vis à vis, il vit son trouble et le moment où elle allait lui sauter à la gorge avant qu'elle ne reprenne le contrôle d'elle-même. Ainsi donc il ne l'avait pas tout à fait poussé à bout ? A sa guise, il était d'une patience hors du commun dès qu'il s'agissait d'obtenir ce qu'il voulait. Un fin sourire satisfait s'empara de son visage, dénué de toute ironie. Il n'avait plus envie de jouer les faux-semblant. Liven lui fit l'honneur de lui offrir un visage honnête, dénué de la neutralité qu'il conservait habituellement. Il choisit délibérément et avec une pointe d'insolence de lui dévoiler à quel point il appréciait à leur juste mesure cette haine et cette impuissance qui étaient les siennes. Implacable ? N'en doutez jamais. La rancune chez Liven n'avait aucun équivalent. Elle ne s'estompait sous aucun prétexte et le jeune homme mettait un point d'honneur à la respecter. Un gloussement étouffé attira son attention à ses côtés mais le machin bleu vautré sur sa chaise n'eut droit qu'à un regard effroyable de mépris. Sans même prendre le soin de quitter un temps soit peu sa position confortable et stratégique devant la vermine qu'il comptait bien écrasé, dut-il attendre qu'elle cède à l'usure, ses yeux vifs glissèrent sur sa gauche pour un regard en coin infiniment supérieur et hautain. De quoi se mêlait-il celui là ? Pour un peu, Liven en aurait oublié sa présence mais de toute évidence la discrétion n'était pas du nombre des qualités du clebs qui lui collait aux basques. La métaphore l'aurait presque faite sourire lorsque se la représentant, il la trouva parfaitement appropriée. Un clebs, rien de plus. Un animal stupide et obstiné qui ne méritait aux yeux de Liven pas plus de considération que la jeune femme qui se trouvait devant lui et faisait les frais de sa mauvaise humeur. Une contrainte dont il devait malheureusement s'accomoder mais qu'il pouvait heureusement traiter comme bon lui semblait. Pour l'heure, le jeune homme se contenta donc de l'ignorer, agissant comme s'il n'était jamais intervenu. A ses risques et périls, il s'avéra que Loghan en avait décidé autrement...


      N'importe quelle personne normalement consituée eut été étonnée. N'importe quelle personne normalement constituée et un peu orgueuilleuse se serait vexée. N'importe quelle personne normalement constituée, un peu orgueilleuse et un poil rancunière se serait promie de le lui faire payer. Seule l'imagination la plus débordante saurait alors nous renseigner sur ce que Liven a pu ressentir lorsque l'abruti psychédélique de service lui asséna une amicale, mais non moins insultante tape à l'arrière du crâne. Outre que les restes de sa migraine tempétèrent à grand renfort d'une douleur lancinante, quoique diffuse, leur mécontentement, c'est son être tout entier qui s'insurgea contre cette familiarité. Le jeune homme se redressa juste suffisament pour que sa stupéfaction et son indignation se devinent simplement à son attitude, car bien sûr il était inutile de chercher ces émotions sur son visage. Légèrement, il se tourna vers Loghan, un coude encore fermement appuyé sur la table, l'autre main posée sur cette dernière presque comme s'il se retenait de l'envoyer s'écraser sur la figure du punk. Sauf qu'en fait Liven se retenait réellement de l'envoyer s'écraser en bonne et due forme sur le nez du suicidaire qui venait d'oser le toucher, ne serait-ce que pour plaisanter ! De toute façon ce n'était pas comme si la raison lui importait, il s'en foutait carrément de savoir pourquoi Loghan s'était comporté ainsi. La seule chose qui lui apparaissait évidente c'est que ce dingue avait décidé d'écourter sa vie. Honnêtement, ça vous traverserait l'esprit à vous de foutre une taloche à Liven Reaves ? L'instant de surprise passé et le réflexe de répliquer violemment maîtrisé, le jeune homme put laisser toute son exaspération teintée d'une colère froide et contenue s'exprimait dans son regard. Dans le même mouvement où il s'était tourné vers Loghan, il avait tourné lentement la tête dans sa direction. Ses yeux plissés dans une menace explicite et d'une dureté redoutable, tombèrent sur la vision d'un inconscient tout à fait insouciant qui redonna à Liven l'envie irrésistible de le baffer. Polaire et silencieux, il ne le quitta toutefois pas du regard, conscient que l'abruti le verrait dans son champs de vision quand bien même s'obstinait-il à garder les yeux rivés sur la demoiselle qui n'avait toujours étrangement rien répliqué. Plus que n'importe quelle invective, ce silence menaçant exprimé par un calme tendu et calculé, proprement fascinant, aurait douché n'importe quel simple d'esprit de faire une nouvelle tentative. Au delà du fait qu'il lui semblait évident que personne n'avait le droit de le traiter de la sorte, sa fierté s'en trouvait d'autant plus heurtée que nombre des personnes présentes dans cette pièce connaissaient sa réputation et qu'il n'était pas prêt à la mettre en péril, serait-ce pour mieux manipuler un vulgaire pantin dans un jeu de pouvoir qui le dépassait. Mais il fallait croire que non, il n'y avait pas de limites à la connerie du garde du corps...


      Voici que le clebs s'essayait aux mondanités. Autant dire que l'incongruité de la scène tenait plus de l'insolence caractérisée que de la maladresse innocente, même si Liven doutait sérieusement que son voisin de table ait pu faire preuve d'une telle intelligence. Levant les yeux au ciel dans une attitude explicite quand à ce qu'il pensait de celle du marginal qui ne faisait définitivement rien comme tout le monde, sans toutefois exagérer le geste, ce qui eut été ridicule et aurait laissé entendre une complicité inexistante, le chasseur de prime reporta son attention vers la jeune femme en se retournant dans sa direction. Toutefois, il ne manqua pas de saisir l'occasion en or qui lui était offerte d'intimer discrétement l'ordre à Loghan de la fermer et d'arrêter de dire ou de faire des conneries en toute impunité. En toute discrétion mais non moins violemment, le talon de Liven vint faire la causette aux orteils de l'anorexique. Histoire de s'assurer que le message était bel et bien passé, le jeune homme appuya encore une seconde après que le coup eut été porté avant de relever son pied et de le ramener devant lui. De toute façon, c'est à ce moment précis qu'il se désintéressa de Loghan pour repasser à l'attaque. Elle comptait lui échapper ? Il faudrait penser à faire vérifier la qualité de la nourriture de cet établissement car assurément elle délirait. Nonobstant cette lamentable et lâche attitude, il fallait reconnaître à cette femme une certaine classe et une certaine dignité. S'il s'était retrouvé dans cette situation, Liven n'était pas sûr qu'il serait parvenu à garder son sang-froid. Toutefois, gardez-vous bien de soutendre l'estime dans cette remarque purement informative qu'il s'adressait à lui-même. Si la beauté de la rose faisait oublier les épines, nombre d'épris sacrifierait leur sang... Liven avait suffisament de maturité et d'intelligence pour ne pas se laisser distraire par cette maigre défense, pas plus qu'il était dénué de vivacité et de finesse d'esprit pour la laisser s'en tirer à si bon compte. Qui croyait-elle leurrer avec ses simagrés d'ambassadrice ? Qui croyait-elle duper en se contentant d'un « au revoir » un peu froid ? Qui croyait-elle pouvoir ainsi ignorer ? Liven voulait qu'elle reparte avec la certitude qu'il ne la lâcherait pas d'une semelle, qu'il sauterait sur la moindre occasion de lui faire payer le tribut qu'elle devait à la société, à cette société, celle qu'elle avait trahi et qu'elle méprisait après l'avoir reniée aujourd'hui. Il voulait qu'elle prenne conscience non seulement de son acharnement indéfectible de sa loyauté envers Gamaëlia, mais aussi de sa capacité à faire de son existence un véritable enfer. Pour l'heure il ne s'agissait que de menaces et d'un harcèlement moral tout à fait tolérable, d'autant plus qu'il était occasionnel. Il voulait qu'elle sache quel enfoiré il pouvait être lorsque l'envie lui prenait de rendre justice lui-même. D'ailleurs, ne le savait-elle pas déjà ? Ou avait-elle oublié jusqu'où il avait été prêt à aller par le passé ? Alors qu'elle entamait un mouvement pour les contourner, Liven se coula juste derrière elle lorsqu'elle s'appréta à le dépasser. A la fois trop proche pour ne pas susciter l'inquiétude et suffisament distant pour ne pas concrétiser la menace dont on pouvait le croire capable, tout en la suivant, il se pencha légèrement vers son oreille du fait de sa grande taille. Juste assez pour lui susurrer sur un mumure surprenant de profondeur et de haine, une nouvelle réplique dont il avait le secret. Sa voix s'effaça dans un souffle, seul le début de sa phrase ayant accroché légèrement son éraillement coutumier.


      - La fuite... quelle attitude à votre mesure.


      Il se redressa sans cesser de la suivre, un pas en retrait, mais la dominant allégrement de sa taille et de sa constitution qui restait tout de même celle d'un adulte dans la pleine force de l'âge. Son visage s'était durci d'une impassibilité glaciale. Inlassablement, il la harcèlerait jusqu'à la pousser à bout, jusqu'à la pousser à une réacttion qu'il pourrait utiliser contre elle. Les chasseurs de prime chargés de la protéger la rejoignirent alors qu'elle parvenait pratiquement au comptoir, demeurant en retrait tout en faisant clairement valoir leur présence, habitué à l'escorter de la sorte. L'un d'entre eux avait disparu, certainement pour vérifier que la sortie se déroulerait sans complication. De ceux qui étaient présents en revanche, aucun désaprouvait l'attitude de leur ancien chef, qui, les mains dans les poches du manteau qu'il venait de récupérer, attendait dans une posture désabusé mais affichant un visage effrayant de neutralité et de sévérité mêlées. Exaspérant d'assurance, il s'exprima à nouveau sur le ton de l'ironie, mettant son cynisme habituel au service de sa mesquinerie présente.


      - Je vais me joindre à votre escorte. Il m'apparaît qu'une « protection » supplémentaire ne serait pas de trop. Pour votre bien évidemment.


      Assurément, Liven avait été un politicien. Il savait comment s'exprimer et tourner les choses à son avantage. D'une il ne demandait clairement pas la permission, il affirmait. Jamais il ne lui laisserait l'occasion de rejeter sa présence sous le moindre prétexte que ce fut. Certes, il n'était redevenu qu'un simple chasseur de prime mais jusqu'à preuve du contraire, et comme il l'avait si bien dit, aucun diplomate ne se serait permi d'envoyer balader l'ancien chef de la guilde et encore moins si celui-ci s'imposait comme un garde du corps supplémentaire. Evidemment, c'est ne pas prendre en compte les merveilles du langage et le ton dont il avait fait usage. La façon dont il avait prononcé le mot « protection » laissait tout entendre quand à la relativité de celle qu'il comptait lui apporter. Et quand à sa dernière phrase, elle n'était que la quintessence de la provocation sous couvert de l'ironie et trempé dans l'acide de l'insolence. Les mèches qui retombaient en partie sur ses yeux et couvraient sa nuque avait séchées, rendant à ses cheveux leur blond terne qu'avait remplacé un châtain tout aussi terne. Devant la fraicheur de ce début d'après midi, il avait renoncé à remonter les manches de sa chemise qui retombaient par conséquent juste en dessous de son poignet, recouvrant à peine le haut de ses mains bien que celles-ci demeuraient invisibles, fourrées dans les poches de son manteau. Face à la demoiselle, il lui offrait le même sourire hypocrite que ses collègues, l'un d'entre eux préférant l'impassibilité par indifférence ou par pure lacheté. Devant le temps de réaction et le silence de la jeune femme, il se permit de faire un pas vers elle et de se pencher à nouveau dans une solicitude écoeurante tellement elle était puante d'hypocrisie.


      - Un problème mademoiselle Edge ?



      Le jeune homme si prévenant et ostensiblement insultant qu'il était se redressa de toute sa hauteur sans pour autant reculer, parfaitement maître de lui-même et de la situation, tout simplement menaçant. Sa voix tomba comme un couperet, aussi froide qu'elle était grave, aussi blessante qu'elle était plaisante.


      - Vous n'imagineriez pas ma joie si tel était le cas.


      Liven ou comment manipuler les autres à leur insu, comment calculer l'exact moment de s'en prendre à leurs faiblesses, comment les atteindre aussi perfidement qu'ils en étaient capable bien qu'il parvienne généralement à se protéger d'eux... Quelle insulte lui paraîtrait la plus inacceptable ? Celle ou elle avouait qu'il y avait bel et bien un problème, lui offrant par là même la félicité qu'il évoquait à l'instant ? Ou celle où préservant sa fierté ou le peu qu'il en restait, elle choisissait dans un élan d'inconscience de le défier ? Quelque fut son choix, aucun d'entre eux ne pouvait la satisfaire. Elle était piégée, et le savoir galavanisait Liven au point qu'il envisageât de commettre quelque imprudence. Le plus tranquillement du monde, il leva la main dans le but évident de saisir le bras de sa proie désormais aculée. Sans la lâcher des yeux, il s'exprimât encore d'un ton polaire et implacable, d'une voix grave et légèrement cassée.


      - Sois certaine qu'un jour je me ferais un plaisir sans nom de te ramener au seul rang que tu mérites, celui d'insecte ou de cadavre.



      Menace... brûlante d'intensité. Promesse indubitable d'une volonté inflexible, d'un être sans doute plus dangereux encore que ses petites piques pouvaient le laisser penser. Ce qu'il venait de dire était d'un autre niveau qu'une simple provocation. Liven avait menacé un grand nombre de fois, il avait su se montrer intimidant, agressif ou simplement effrayant. Toutefois, j'amais il n'avait mis autant de conviction dans l'une d'elle. Ses yeux aux iris si bleues et si claires qu'elles en devenaient dérangeantes ne lâchèrent pas un instant ceux de la jeune femme, comme si l'intensité de son regard était jumelée à celle de sa voix. Si la jeune femme avait encore le moindre doute, il s'était assurément envolé. Le contraire eut été pure inconscience...ou un appel au suicide, au choix.


      D'ailleurs, en parlant de suicidaire...
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    Message  Loghan Rasal Sam 7 Aoû 2010 - 15:53

      Loghan sentait bien évidemment le regard de Liven Reaves braqué sur lui, quand bien même s’efforçait-il de ne rien laisser paraître et de garder les yeux rivés sur l’ambassadrice. D’une froideur incandescente, d’une incroyable intensité polaire et d’une fureur terriblement aiguisée, ce regard donnait l’impression d’avoir le canon glacial d’un revolver braqué tout droit sur la tempe ; et il était inutile de voir le dit regard pour s’en rendre compte, parce qu’on le sentait implacablement. Incroyablement menaçant, il allait de pair avec le silence tendu et pesant qui s’était installé dans la zone livenienne, et Loghan, qui sentait tout cela avec la force d’un ouragan parfaitement silencieux, fronça doucement les sourcils, sans pour autant se résoudre à tourner la tête. Non, il avait l’impression que tourner la tête vers Liven, à cet instant, relèverait du suicide ; les gens avaient beau dire, mais il était persuadé qu’un regard comme celui-là pouvait tuer, lui. Bref, il refusait donc de tourner la tête et préférait fixer la jolie brunette, mais en même temps, songeur, il s’interrogeait, les sourcils toujours un peu froncés. Qu’avait-il dit ou fait qui puisse mériter une telle réaction de la part du blondinet, aussi fascinante qu’elle était terriblement menaçante ? Qu’avait-il bien pu faire pour… Ah. Bien sûr, la taloche. A moins que ce ne soit l’espèce de rire étouffé, ou encore les quelques mots... Non, la taloche. C’était trop familier, bien sûr. Inconvenant, même, en vue de la situation et de leurs affinités inexistantes. Mais ce n’était pas de sa faute, tout de même, s’il avait des actions spontanées de la sorte ? Bon, peut-être que si, effectivement, mais bon. Mieux valait faire comme si de rien n’était, oui ; avec beaucoup de chance, peut-être que l’orage passerait sans provoquer trop de dégâts sur son passage. L’espoir fait vivre après, tout, comme on dit.

      La demoiselle n’ouvrit pas la bouche, mais son regard restait noir et explicite. Elle eut tôt fait de se relever, doucement mais fermement, pour visiblement mettre un terme à cet entretien pour le moins incongru. Loghan ne pouvait décemment pas lui en vouloir ou trouver cette réaction lâche ; elle n’était que légitime, à son compte. Comment réagir autrement en sachant que deux énergumènes, dont l’un était une personne haïe et l’autre un total inconnu, venaient s’incruster promptement à son déjeuner pour l’attaquer verbalement ? C’était forcément dérangeant et agaçant. Elle les salua d’une voix mélodieuse mais terriblement froide, et Loghan se contenta de la suivre des yeux avec un petit sourire contrit, alors qu’il gardait les bras toujours croisés sur le bord de la table et qu’il se demandait comment la Bête allait réagir, maintenant. Il l’imaginait très mal laisser sa proie fuir de la sorte, du peu qu’il en connaissait, mais… Avec un peu de chance, cela s’arrêterait là. Ce serait mieux, non ? Un instant pensif, le jeune garde du corps leva le nez vers le plafond, mais ses pensées furent brutalement interrompues par une douleur vive et cuisante, qui explosa au niveau de son pied. Les traits du visage trop fin de l’anorexique se crispèrent dans une grimace de douleur, et il ne lui fallut pas plus de quelques secondes pour comprendre que Liven venait de lui écraser proprement le pied. Le talon appuyé de la sorte sur les orteils faisait terriblement mal, d’ailleurs, et Loghan se mordit la lèvre inférieure en fronçant les sourcils. Qu’il avait été ridiculement naïf de croire qu’il pourrait se contenter d’un regard polaire en guise de rappel à l’ordre… Cette pensée le fit soupirer très légèrement, entre ses lèvres serrées, mais elle l’amusa aussi, paradoxalement. Oh, il n’y avait absolument rien d’affectueux dans ce geste et la douleur pulsait encore désagréablement dans ses orteils, mais le jeune homme sentait un certain amusement se mêler à la protestation silencieuse de son être, sans qu’il sache vraiment pourquoi. Il se recula quelque peu sur sa chaise et releva la jambe, pour pouvoir poser par réflexe ses mains sur la botte d’un noir d’encre, comme si cela pouvait lui permettre de contenir la douleur. En même temps, il daigna enfin tourner la tête vers Liven, pour lui décrocher un regard à la fois interrogatif, révolté et désolé, mais le blond avait déjà les yeux d’un bleu incroyable rivés sur sa proie, soit l’ambassadrice de Sombréa.

      Loghan retint un soupir en voyant Liven se lever lestement de sa chaise pour se couler derrière la jeune femme. Il aurait du le parier, que celui qu’il devait désormais officiellement protéger ne lâcherait pas l’affaire si facilement. Que comptait-il faire ? La harceler moralement de façon aussi dérangeante, encore et encore, jusqu’à ce que ses défenses cèdent ? Lui cracher le venin de sa haine à la figure, inlassablement, pour lui rappeler qu’il n’avait pas oublié sa trahison ? L’attaquer jusqu’à l’acculer, pour rendre justice lui-même et se venger ? Loghan n’arrivait pas très bien à cerner quel sort comptait réserver Liven à l’ambassadrice, au juste, mais il n’empêche qu’il plaignait fortement la jeune femme ; car nul doute que la haine dévastatrice de Liven Reaves ne semblait pas facile à supporter, loin de là. L’anorexique attendit quelques secondes avant de se lever à son tour de sa chaise, avec un temps de retard, pour ensuite clopiner jusqu’aux deux autres. La douleur pulsait encore sourdement dans son pied, mais il n’y prit pas garde ; la faim était après tout incommensurablement plus dure à supporter que cette douleur infime, il était donc habitué. Il se contenta de suivre Liven, préférant rester en retrait. Il n’avait pas son mot à dire. Il n’avait pas à intervenir. Cela ne l’empêcherait cependant pas de rester attentif, de suivre l’étrange conversation qui n’en était même pas vraiment une ; tout garde du corps se devait de se tenir constamment aux aguets. Et puis, sincèrement, cette situation ne lui disait absolument rien qui vaille. Il n’aimait pas çà, il restait perplexe. Il n’avait plus aucune envie de rire, maintenant ; l’ironie qui découlait des paroles de Liven n’était plus que cruelle hypocrisie, et le dangereux magnétisme des prédateurs implacables était présent dans toute son allure, toute son attitude. Rire de la situation n’aurait été que sottise. Parce qu’il n’y avait absolument rien de drôle quand le démon de la menace étouffait l’atmosphère et s’insinuait dans tous les corps, aussi subtilement, sournoisement et implacablement qu’il était en train de faire, présentement, alors que Liven Reaves suivait Edryn Edge.

      Loghan écoutait les invectives dissimulées sous une hypocrisie criante d’une oreille attentive, mais il avait à nouveau arboré un air distant et absent qui donnait l’impression que le garde du corps était à mille lieux de là, qu’il était plongé dans ses pensées ou qu’il ne faisait attention à rien. Ce qui était faux, en vérité, mais on pouvait parfaitement avoir cette impression. Il baladait son regard sur la salle, posa les yeux sur les membres de la guilde qui se mettaient subtilement en mouvement, en même temps que l’ambassadrice dont ils assuraient certainement l’escorte et la garde. Aucun n’avait l’air de désapprouver le comportement de celui qui était leur ancien chef. Nul doute qu’ils ne portaient en aucune façon l’ambassadrice de Sombréa dans leur cœur. La trahison, la haine. C’était fou de constater à quel point l’esprit humain n’arrivait pas accepter la trahison, de manière générale. Oh, il y avait des personnes qui l’acceptaient beaucoup plus facilement que d’autres. Et il y avait des personnes qui ne pouvaient tout simplement pas supporter la trahison en elle-même. Bizarrement, Liven ne lui sembla pas entrer dans la première catégorie. Songeur, Loghan leva un court instant les yeux au plafond, comme s’il y voyait quelque chose, puis les baissa sur Liven et Edryn, alors arrêtés tout près du comptoir. Ses sourcils se froncèrent alors qu’il voyait la main du jeune homme blond se mettre furtivement en mouvement, comme un signal d’alarme.

      - Sois certaine qu'un jour je me ferais un plaisir sans nom de te ramener au seul rang que tu mérites, celui d'insecte ou de cadavre.

      Loghan tressaillit, mais de façon si légère que c’en fut probablement imperceptible.

      Cette fois, c’était différent. La menace brûlante explosait dans chaque mot, elle hurlait dans chaque syllabe, elle devenait réalité dans chaque lettre. Le souffle n’était plus que haine pure, et la voix, un froid mortel. L’incandescent se mêlait au glacial, le froid était ardent, la glace était de feu. Les mots n’étaient pas que des mots, ils étaient une promesse implacable et tangible, une réalité qui s’engouffrait dans l’âme. L’intensité de la menace immobilisa Loghan quelques secondes, quand bien même il n’en était pas la cible. Frappé par une telle ardeur, il resta un court instant à fixer Liven comme s’il se rendait soudainement compte à qui il avait à faire, puis, tout aussi rapidement, il se reprit. Il fit un pas en avant, et les doigts de sa main décharnée fusèrent pour s’enrouler comme un étau autour du poignet de la main tendue du blond, celle qui s’était avancée vers le bras de la demoiselle. Il serra assez fermement pour interrompre le geste, et sa voix s’éleva alors avec douceur et sècheresse à la fois, basse mais audible, pour prononcer deux mots, simplement deux mots.

      - Cà suffit.

      Il aurait pu dire « Arrête », mais Loghan n’ordonnait présentement pas à Liven d’arrêter en un mot, il disait juste que çà suffisait. Parce que oui, justement, cela suffisait. Cà suffisait, Edryn Edge avait parfaitement du comprendre qu’elle était haïe. Cà suffisait, ils avaient parfaitement pris cette menace au sérieux. Cà suffisait, il ne fallait pas aller plus loin. Surtout pas. Elle avait l’immunité diplomatique, bon sang ! Certes, le fait qu’elle ne puisse pas être soumise à des poursuites judiciaires devait être terriblement frustrant pour des personnes comme Liven, qui avait été personnellement impliqué dans l’histoire de l’invasion vampirique. Mais si ce dernier levait la main sur elle en plein lieu public, s’il se laissait aller à la haine pulsionnelle et qu’il la tuait, ce serait un pur chaos politique. Le jeune garde du corps n’était pas axé sur la politique, pas du tout, mais il était suffisamment réaliste pour imaginer le bordel que çà serait ; le chaos ébranlerait leur continent, mais également celui de Sombréa, et inexorablement, tout s’effondrerait dans un désordre monstre. Sans parler du lynchage pur et dur qui tomberait sur la tête blonde de celui qui était déjà surveillé du coin de l’œil par un gouvernement suspicieux. Alors non, vraiment, ce n’était pas une bonne idée. C’était une imprudence. Et si Loghan était resté en retrait, là, il ne pouvait pas rester sans réagir. Il était garde du corps, oui ou non, après tout ?

      Il vrilla ses yeux d’acier, à l’éclat si pâle en comparaison de l’abysse qui tournoyait dans l’océan bleu électrique du regard de son interlocuteur, dans ceux de Liven, un court instant. Le temps, peut-être, de lui faire comprendre qu’il avait dépassé la frontière des limites d’un pas. Un comportement imprudent, ici, en plein lieu public, n’était certainement pas le meilleur à adopter. Ou tout du moins, Loghan voyait les choses ainsi. Peu importait s’il allait se faire détester, peu importait s’il froissait quelque peu la fascinante fierté de monsieur, peu importait si on le prenait pour un échappé de l’asile, peu importait s’il commettait ici une erreur. Certes, il ne connaissait ni Liven Reaves ni Edryn Edge, certes, il venait de débarquer, certes, il était jeune et il n’était qu’un espion, certes, il n’avait pas son mot à dire, théoriquement. Mais il ne pouvait décemment pas rester là sans intervenir, pas alors que la menace se faisait si brûlante qu’il aurait été insultant et purement inconscient de l’ignorer. Loghan défit l’étau de ses doigts, libéra le poignet de Liven et leva la main pour la ramener le long de son corps maigre. Il tourna la tête vers l’ambassadrice, réussit à lui décrocher un sourire désarmant de naturel mais cependant assez léger, puis leva fugacement la main pour lui faire signe, le plus naturellement du monde, qu’elle pouvait aller payer l’addition, au comptoir derrière elle. Comme si tout était normal, comme si absolument rien de notable ne venait de se passer. Comme si aucune menace brûlante d’intensité n’était venue se frayer un chemin dans les esprits. Comme si le danger ne flottait pas encore dans l’air. Alors qu’il n’en était rien.
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    Message  Edryn Hayes Mer 27 Oct 2010 - 0:02

      [HJ : Un peu beaucoup naze, que dire de plus? rien je crois...]

      Elle en avait clairement marre de tout ça, ce qu'elle voulait c'était être tranquille, mais cela ne semblait pas vraiment être possible, c'était de sa faute après tout, pensait elle. Oh non, détrompez-vous elle ne pensait pas à toute cette histoire avec Alia et les vampires mais elle pensait au fait qu'elle était revenus à Sannom, si elle avait su elle serait resté à Sandorte. Malgré tout, elle avait beau maudire le jour où elle avait décidé de revenir, une partie d'elle était bien contente d'être rentrée, parce qu'après tout cette ville c'était chez elle, elle n'était peut être plus la même, elle avait peut être changer mais au fond elle l'aimait quand même.

      - La fuite… quelle attitude à votre mesure.

      En ce moment les sorties avaient vraiment l'air d'être très éloignés des tables où elle s'asseyait. Elle se fichait royalement de ce qu'il avait dit, ou elle n'écoutait pas vraiment, elle préférait se concentrer sur autre chose, d'ailleurs elle se souvint qu'elle n'avait pas encore payé la note et tourna donc légèrement vers le comptoir. Bien que ce qu'il venait de lui dire ne l'avait pas plus gêné que ça, le fait qu'il la suives la gênait déjà beaucoup plus, elle avait bien compris qu'il n'allait pas la laisser tranquille et cette idée ne la réjouissait pas le moins du monde, elle pensa même un instant à se téléporter au fin fond des plateaux neigeux, d'ailleurs à bien y repenser elle ne savait pas pourquoi elle ne l'avait pas fait. Elle était presque arrivé au comptoir et déjà son "escorte", dont elle se serait très bien passé, s'était regroupé presque à leur niveau. Ah si elle avait pu se passer d'eux, quelle joie cela aurait été, surtout des chasseurs de primes! elle avait bien insister sur le fait qu'elle ne voulait pas de chasseurs de primes comme escorte, mais bizarrement on ne l'avait pas écouté… était-ce pour l'embêter ou seulement parce qu'il n'y avait personne d'autre? elle ne le savait pas et en réalité elle préférait l'ignorer, elle préférait largement croire ce qui lui plaisait.

      - Je vais me joindre à votre escorte. Il m'apparaît qu'une « protection » supplémentaire ne serait pas de trop. Pour votre bien évidemment.

      Bien évidemment… Quoi de plus merveilleux que de se faire escorter par l'homme que l'on déteste le plus dans toute la ville?
      Edryn s'arrêta net et regarda le charmant homme qui s'incrustait de plus en plus. Oh si elle avait pu elle l'aurait frapper, mais non ce n'était pas bien de frapper les gens quand on était ambassadrice, en même temps ce n'était pas bien tout court... pourtant ne le faisions nous pas? Juste une petit coup… si seulement, mais elle ne le fit pas, il y avait bien trop de monde et puis franchement Edryn n'était pas trop du genre à frapper les gens, quoi qu'on en pense? Elle le regardait sans rien dire.

      - Un problème mademoiselle Edge ?

      Mais pas du tout, tout allait merveilleusement bien, pff que dire de plus honnêtement?

      - Vous n'imagineriez pas ma joie si tel était le cas.

      Oh mais de mieux en mieux dites donc, n'avions nous pas atteint un pas de plus dans le méprisable? telle était la question. Il espérait vraiment qu'elle répondrait à ça? Surtout avec son attitude de plus en plus menaçante, elle n'aimait franchement pas ça, elle ne voulait pas en supporter plus, mais avait elle vraiment le choix? Soudain elle vit quelque chose bouger, elle baissa légèrement la tête et vit que le jeune homme commençait à lever son bras. Qu'allait il faire? Oserait il vraiment lui attraper le bras et continuer ses menaces? En tout cas il était bien confiant, bien plus qu'elle à son grand malheur.

      - Sois certaine qu'un jour je me ferais un plaisir sans nom de te ramener au seul rang que tu mérites, celui d'insecte ou de cadavre.

      Elle le regarda à nouveau dans les yeux, fronça les sourcils, puis détourna son regard sur le bras qui s'était levé et qui bizarrement ne l'avait pas encore attrapé brutalement comme elle ce l'était imaginé. Si elle avait détourner le regard, c'était pour qu'il ne se rendes pas compte, qu'il ne saches pas qu'il l'avait blesser comme personne ne l'avait fait avant. S'il était partis maintenant elle se serait mise à pleurer sans aucun doute, mais il n'allait pas partir alors il ne fallait pas pleurer. Pas pleurer, plus facile à penser qu'à faire, les larmes commencèrent à monter et ses yeux brillaient de plus en plus, mais elle tenait bon, elle vivante il ne la verrait jamais pleurer! Elle avait beau avoir fait n'importe quoi il y avait quelque temps, avoir travailler pour Alia, être ambassadrice de Sombréa… ça ne changeait rien, elle n'avait pas été habitué à faire face à de telles situations et préférait largement fuir que d'y faire face. D'habitude personne ne lui disait en face ce qu'il pensait d'elle ou de ce qu'elle avait fait et cela lui allait très bien, mais là c'était différent, elle avait donc beaucoup de mal à le supporter. La vérité c'est qu'elle n'était pas aussi forte qu'elle tentait de le faire croire et elle détestait ça.

      Son regard était à présent fixé sur le joli sol du restaurant. Elle ne sentait pas la main du chasseur de prime sur son bras, pourtant à cet instant elle aurait déjà du se resserrer autour de ce dernier, mais peut être cela avait un rapport avec ce que… l'autre venait de dire? elle leva donc la tête légèrement et aperçut la main du deuxième chasseur de primes autour du premier. C'était vraiment bizarre, pourquoi avait il fait ça? Pourquoi ne l'avait il pas laisser lui broyer le bras et sûrement continuer ses menaces? Edryn se surprit un instant en ayant une pointe de reconnaissance pour "chasseur de primes n°2", mais elle n'était pas bête et se doutait bien qu'il ne l'avait pas fait pour elle, mais bien pour l'ex chef de guilde. Et maintenant qu'allait il se passer? Avait elle rêvé ou il lui avait vraiment adressé un petit sourire, en lui faisant signe qu'elle pouvait aller payer? Il était vraiment pas net, n'empêche que cela lui permettait de s'échapper momentanément des griffes acérées de La Bête et de se reprendre.

      Elle fit à peine quelque pas et se retrouva devant le comptoir. Elle commença à poser son sac dessus et sortir son argent pour payer, mais elle repensa à la bouteille et n'eu pas la moindre envie de la paye, encore plus maintenant. Elle réfléchit un instant en se souvenant des dernières fois où elle était venue, rangea son argent et regarda l'homme qui lui faisait face en lui adressant un petit sourire.

      "Faites comme la dernière fois, Il paiera."

      Ce n'était pas la première fois qu'Edryn venait dans ce restaurant, elle était venue plusieurs fois déjà et deux ou trois avec une autre personne, ce qui lui permettait d'ailleurs de demander à ce que le repas soit mit sur la note de cette autre personne. Elle n'avait jamais fait ça avant, puisque pour les fois dernières c'était l'autre personne, apparemment habitué, qui avait demandé à ce que l'on mettes leurs additions sur sa note, elle ne savait donc pas si ça allait marcher vu qu'elle était seule aujourd'hui. De toutes façons elle n'avait pas l'intention de payer une bouteille avec laquelle le Détestable s'était servit. Le problème ne se posa pas et elle en fut même étonnée, puisque l'homme derrière le comptoir écrivit sur un papier et lui souhaita une bonne fin d'après-midi. Au moins quelque chose qui n'allait pas de travers aujourd'hui. Elle se demanda un instant si elle devait dire à celui qui avait décider de la harceler qui allait payer le repas, ça aurait pu être intéressant mais elle n'en fut rien, trop contente de savoir une chose à laquelle il était loin de penser.

      Elle reprit son sac et s'adressa à celui dont les yeux étaient bien trop bleus pour ne pas cacher quelque chose, avant de se dépêcher de sortir du restaurant.

      "Dépêche toi alors."

      S'il voulait la suivre, s'il voulait l'espionner, s'il voulait la blesser, s'il voulait la tuer, alors qu'il se dépêche parce qu'elle ne resterait pas longtemps dans cette situation, d'une manière ou d'une autre, en tout cas elle ne s'en sentait pas la force dans l'état actuel des choses. Avait elle abandonné? A moitié, parce qu'elle était pratiquement sûr de ne pas gagner et à quoi bon se battre si on est pas sûr de gagner?
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    Message  Liven Reaves Mar 2 Nov 2010 - 23:13

      La raison cédait à l'euphorisante sensation de la savoir à sa merci. Liven la dominait sur tous les plans, rien n'aurait été plus simple. Le moindre prétexte aurait pu le pousser plus loin, beaucoup plus loin dans le projet qu'il venait tout juste d'avouer. Il n'y avait qu'un pas à franchir, une limite infime à dépasser, pour goûter à nouveau à cette sensation de pouvoir et d'impunité qui s'emparaient chaque jour davantage de ses moindres aspirations. Non... la vérité c'est qu'il la savourait déjà. Instant suspendu d'une tension palpable où le mépris le plus haineux se disputait à la rage la plus inassouvie. Encore un peu, juste un peu... Il la sentait sur le point s'effondrer. Il voulait voir ses larmes, il voulait entendre ses injures faibles et inconséquentes, il voulait lire la terreur et la résignation s'inscrire sur ses traits. Encore un peu, juste un peu... Son regard détourné était la preuve de sa faiblesse, l'aveu de la blessure qu'il lui avait infligée, la reconnaissance de sa légitimité. Encore un peu, juste un peu... Aller toujours plus loin, mépriser les règles, s'élever au-dessus des lois et n'obéir qu'à ses propres caprices. N'était-ce pas ce qu'il avait toujours fait ? En dépit de toutes les excuses qu'il avait pu se trouver, des écrans de fumé qu'il avait su dresser, des prétextes moraux qu'il avait inventés, ses actes et ses choix avaient-ils seulement été guidés par autre chose qu'un égoïsme froid et cruel ? Personne d'autre que lui-même n'était en mesure de faire obstacle à cette volonté obsessionnelle et aliénante qui était la sienne. Il était son seul juge, sa propre balance... et l'empire qu'il avait sur lui-même s'effritait à mesure que sa raison basculait lentement vers la folie, à mesure que la magie noire nourrissait ses désirs les plus sombres, protégeait ses instincts les plus vils, dictait sa conduite la plus méprisable. La morale n'avait plus sa place dans un cœur corrompu qui cédait volontiers à la facilité, et rechignait à affronter ses propres inclinaisons. Liven sentait une douce sensation de supériorité incontestable l'envahir. Son arrogance se prélassait dans la luxure de l'inexcusable, savourant la volupté de l'interdit méprisé. Son assurance croissait paresseusement à l'ombre de sa colère, enracinant un orgueil malsain. Son impudence cédait à l'envie, se rassasiant gloutonnement de l'incapacité de sa proie à se défendre. Son plaisir secret n'était plus qu'une délectable attente de la reddition enfin totale de la jeune femme impuissante qu'il tenait entre ses griffes...


      - Ca suffit.


      ...qu'il aurait du tenir entre ses griffes. Le jeune homme opposa une résistance légère à l'obstacle inattendu qu'il rencontrait soudain, plus par réflexe indéterminé que par réelle volonté d'achever un geste qui avait dépassé ses propres pensées. Inconscience... celle du punk dégingandé qui s'était interposé entre le chasseur qu'il était et sa cible, mais aussi la sienne, celle qui aurait pu lui coûter très cher si ce contact ne l'avait pas brutalement ramené à la réalité. Dans son esprit, les mots de son garde du corps résonnèrent sous la forme d'une question. Écho bruyant à la réalité présente que son enthousiasme fielleux avait jusqu'ici ignoré. Liven laissa ses yeux vifs glisser furtivement sur les doigts maigres enserrés autour de son poignet avant de les relever aussitôt vers l'argent prisonnier des abysses obsidiennes, vers ceux de Loghan. Il n'aurait su dire si ses lèvres entrouvertes trahissaient la vindicte qu'il hésitait à prononcer, ou si la surprise seule était responsable de ce petit écart dans son masque de neutralité. Cette insulte-ci était peut être celle de trop. Un frisson de colère mal contenue le parcourut soudain, tandis que le jeune homme fronçait les sourcils pour couver son vis à vis d'un regard noir. Qui pouvait prétendre lui imposer des limites ? Qui était-il pour s'octroyer un droit qu'il ne concédait à personne ? Son orgueil exacerbé sous la pulsion haineuse qui l'avait saisi s'en trouvait blessé, son arrogance exigeait la réparation de cet affront, sa rage n'attendait plus rien pour exploser. Et il eut le plus grand mal à la contenir... Que lui arrivait-il ? Depuis quand n'était-il plus capable de se contrôler et de réfréner ce genre de dérapage maladroit et risible ? Encore un peu, juste un peu... et il aurait commis une erreur colossale aussi bien sur un plan stratégique que personnel. Et cet emportement inconsidéré et brutal envers l'avorton squelettique ? N'avait-il pas dépassé depuis longtemps son impulsivité adolescente et sa fierté maladive ? Il venait de se comporter comme un jeune arriviste encore tout excité à d'avoir reniflé de la chair fraîche, comme un imbécile impatient de se faire les crocs sur la proie dénichée, comme un jeune loup inexpérimenté entièrement dominé par ses instincts et sa faim dévorante. Liven ne se reconnaissait pas dans ce tableau. Les années lui avaient enseigné la prudence, la patience et la persévérance. Pourquoi s'était-il précipité ? Il n'eut guère besoin de creuser la question pour trouver la réponse. S'il avait perdu le contrôle, ce ne pouvait être que pour une seule raison. Une raison qu'il nourrissait en son sein et qui petit à petit empoisonnait sa vie. Une raison qu'il ne pouvait se résoudre à abandonner totalement et qui le dévorait de l'intérieur.


      La tension de ses épaules se relâcha. Sa poitrine s'affaissa lentement dans l'expiration de sa respiration retenue l'espace d'un instant. Ses paupières s'abaissèrent pour recouvrir l'iris polaire qui avait perdu de son ardeur. Sa mâchoire se détendit pour réunir ses lèvres en un rictus amer. Ça suffisait... Liven n'irait pas plus loin. L'étau étonnamment ferme des doigts de Loghan se desserra, libérant un bras devenu docilement immobile et relâché. Accord tacite, échange à demi-mot, réserve mutuelle... Les mains du jeune homme se réfugièrent placidement dans les poches de son manteau tandis que, inclinant légèrement la tête en avant tout en maintenant ses épaules en arrière, soutenue par un dos droit, il adoptait une attitude à la fois résignée et insolente. Un observateur hâtif en conclusion aurait pu croire à un adolescent réprimandé avec raison qui cherche encore à défier l'autorité qu'il a pourtant accepter. Un observateur attentif aurait discerné au contraire l'échange subtil qui s'était opéré entre les deux chasseurs de prime et qui avait modifié l'attitude de Liven. Loghan ne lui avait nullement imposé un ordre auquel il se serait exécuté, pas plus qu'il ne lui avait opposé une volonté plus farouche ou plus légitime devant laquelle il aurait cédé. Il avait agi comme un ami l'aurait fait, comme l'on prévient d'un danger au mépris des conséquences mais sans motivations traitresses. Il s'était tout simplement opposé à sa place à la folie que la magie noire distillait patiemment en lui lorsqu'il se laisser aller à des émotions trop violentes. Car c'est ce qu'il venait de faire n'est ce pas ? Bien qu'il ne focalisât pas son attention sur elle, Liven vit sa victime épargnée quitter son champ de vision. Il fut rassuré de ne ressentir aucune insatisfaction de ce fait. Elle pouvait bien courir, il la rattraperait toujours. Ce flegme calculateur lui ressemblait déjà bien davantage que ce déferlement chaotique d'émotions devant lequel il s'était effacé au profit d'un autre que lui-même, cet autre vers lequel il glissait à chaque fois un peu plus. L'heure cependant n'était pas aux considérations métaphysiques, il devait déjà faire face à la réplique de l'être méprisable qu'il entendait bien détruire tôt ou tard.


      - Dépêche toi alors.


      Avait-elle retrouvé suffisamment d'aplomb pour verser dans la provocation ? Car si telle était la réponse à sa menace presque concrétisée, la tentation était grande de lui obéir instamment. Liven dut avouer qu'encore une fois elle parvenait à le déstabiliser quelque peu. Tout comme la dignité de son attitude, cette prière insolente rompait radicalement avec sa fragilité ou sa perversité dissimulée. Au fond d'elle-même, sa conscience la torturait-elle ? Appelait-elle de ses vœux cette mort qu'il lui promettait ? Abandonnait-elle sitôt la partie qu'il venait d'engager ? Malgré lui, Liven ne put s'empêcher de se reconnaître dans ce qu'il croyait discerner de son état d'esprit. Peut être que finalement c'était lui-même qu'il pensait voir en elle. Peut être que s'ils s'étaient battus pour des causes différentes, ils n'étaient pas si radicalement différents. Le regard qu'il lui portait évolua insensiblement. L'ennemie cruelle et méprisable qu'il avait vu en elle se teintait d'une humanité pitoyable. Il n'était plus très loin de penser que lui accorder cette ultime châtiment lui rendrait service, telle l'expiation désirée de ses pêchés. Enfin, c'eût été prendre ses désirs pour des réalités... Edryn Edge voulait plus certainement lui ordonner de la suivre, établissant ainsi un rapport de domination dans l'alternative qu'il lui avait proposée, ou plutôt imposée, un peu plus tôt. Il était plus probable qu'une adversaire de sa trempe ne se laisse pas abattre aussi facilement maintenant que le danger le plus imminent avait été écarté. De l'humanité ? Il fallait croire que la fatigue l'emplissait subitement de penchants romantiques et philanthropes. Que pouvait-il bien avoir de commun avec cette femme ? Il fallait se reprendre en main, et au plus vite. Liven lui décocha un sourire en coin proprement insupportable en réponse à ce tutoiement inapproprié et à cette attitude impérieuse parfaitement risible. Qu'il la suive ? Si elle donnait le bâton pour se faire battre il n'allait pas cracher dessus... Liven choisissait de se voiler la face plutôt que d'admettre que l'intervention de Loghan lui avait dévoilé la faille qui subsistait toujours dans son âme, l'hésitation constante qui le tiraillait. Un serveur vint à sa rencontre alors qu'il se dirigait à la suite des autres chasseurs de prime sur les traces de la traitresse. Intrigué, le jeune homme plissa les yeux avant de s'immobiliser dans une attitude peu avenante qui ne découragea pas l'employé.


      - Je m'excuse monsieur mais mademoiselle Edge nous a assuré que vous couvririez ses frais de table.


      ...assurément, elle avait du culot. Suffisamment pour qu'il se jure de lui faire payer au centuple. La ruse était fine, l'esquive difficile... elle avait mené ce coup à la perfection. Alors qu'on lui ouvrait la porte, il chercha son regard qu'il finit par croiser. Un sourire forcé et un regard assassin s'incrirent sur son visage. Elle se débarrassait de lui avec brio, il aurait pu la tuer sur l'instant. A défaut de pouvoir briser son joli cou, Liven sortit un carnet de chèque avec l'élégance d'un gentleman. La demoiselle voulait jouer encore un peu à ces hypocrytes simagrées ? Il jouerait lui aussi. Et puis, que pourrait-on reprocher à celui qui aurait eu le bon goût et la modeste disctinction de payer le repas partagé avec une femme bénéficiant de son statut ? Son écriture en italique, harmonieuse quoique relativement vive et brutale se coucha sur le morceau de papier avant que celui-ci n'attérisse dans les mains du serveur. Elle s'était offert son ticket de sortie. Ne désirant plus s'attarder en ces lieux, Liven claqua des doigts à l'intention de Loghan avant de rejoindre la rue à son tour, sans intention aucune de se lancer à la poursuite de la pseudo-ambassadrice. L'épreuve l'avait lui-même éprouvé, la fatigue le dominait sans répit.


      - Tu as échoué à ce test.


      De toute façon, Loghan aurait pu faire tout ce qu'il voulait qu'il aurait quand même échoué. C'était le genre de jugement fatidique que Liven prenait avant même que le fameux test ne commence. Tout ceci n'était après tout qu'un prétexte pour se débarrasser de lui n'est ce pas ? Ne manquait plus qu'à espérer qu'il tomberait dans le panneau. Cela lui simplifierait la tâche.
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    Déjeuner à haut risque [PV : Loghan] Empty Re: Déjeuner à haut risque [PV : Loghan]

    Message  Loghan Rasal Dim 13 Mar 2011 - 19:15

      Loghan desserra ses doigts pour libérer le bras de Liven. Oh, nul doute que si ce dernier avait voulu se libérer tout seul, il y serait arrivé sans difficulté : l'anorexique n'avait pas la présomption stupide de se croire fort au point de pouvoir retenir la Bête, hein. Mais il avait une poigne étonnamment ferme malgré tout, et toujours est-il que le message passa quand même. Il avait soutenu le regard noir de son vis-à-vis sans broncher, ignorant délibérément l'injonction facilement saisissable dissimulée derrière, puis avait saisi les détails qui lui faisaient comprendre que le message était passé : les yeux de Liven se fermèrent légèrement, ses épaules s'affaissèrent imperceptiblement et un rictus flotta sur ses lèvres. C'était un signal on ne peut plus explicite. Loghan avait donc naturellement desserré ses doigts, et il fixait maintenant le blond de son regard étrange, à la fois ailleurs et bien présent. Il laissa sa main retomber doucement sur son flanc et un masque inexpressif, un rien rêveur, reprit possession des traits creusés de son visage. Il n'avait plus à intervenir ; il replongeait dans la passivité, la douce et merveilleuse passivité. Il laissa ses prunelles d'acier vagabonder sur les cheveux de Liven, ces mèches sèches d'un blond terne qui le fascinait quelque part dans son esprit psychédélique, puis tourna machinalement et vaguement la tête lorsque la voix de la jeune femme brune s'éleva. Il nota le tutoiement mais ne s'attarda pas plus sur ce qu'elle disait ; ces paroles ne lui étaient pas destinées. Lorsque Liven se mit en mouvement pour emboîter le pas d'Edryn Edge qui sortait du restaurant, Loghan le suivit tout naturellement. Puis quand un serveur vint à sa rencontre pour l'interrompre, Loghan s'arrêta également. Sans un mot, sans brusquerie, sans un geste. Juste avec le naturel de ces gens qui sont toujours là mais que l'on ne remarque jamais. Il était le chien qui suivait son maître, tout simplement.

      Le jeune serveur informa le chasseur de primes que l'ambassadrice de Sombréa avait assuré qu'il assurerait ses frais de table. Un pas derrière le jeune homme blond, Loghan baissa légèrement la tête pour se passer une main dans les cheveux et ne camoufler qu'à demi un sourire fugace et amusé qui apparut au coin de ses lèvres. Et bien. C'était bien joué. Il ne pouvait pas voir le visage de Liven, mais il aurait pu mettre sa main à couper que son regard bien trop bleu s'était fait assassin. Non, vraiment, c'était bien joué. Loghan observa pensivement son compagnon sortir son carnet de chèques avec une classe indéniable, puis son regard dévia avec langueur sur le restaurant pendant que l'autre signait. Il n'accorda aucun intérêt aux convives attablés aux tables et préféra observer les rainures du plafond immaculé, puis l'architecture délicate et raffinée d'un lustre. Il n'avait jamais eu l'occasion de fréquenter beaucoup de restaurant de ce style, que ce soit lorsqu'il était encore aux States ou depuis qu'il s'était installé à Gamaëlia, alors ça l'intriguait. Un claquement de doigt autoritaire de la part de Liven le fit sortir de ses rêveries contemplatives, et Loghan tourna de nouveau la tête dans sa direction avant de lui emboîter docilement le pas, sans s'offusquer ni chercher plus loin.

      - Tu as échoué à ce test.

      Une fois qu'ils eurent franchi la porte du restaurant pour arriver dans la rue, Loghan leva la main pour attraper la paire de lunettes de soleil qui trônait toujours sur son crâne. Ce fut avec une nonchalance passive qu'il les enfila, faisant disparaître ses yeux pâles cerclés de ténèbres derrière les écrans noirs.

      - Ah bon.

      Même sa voix donnait l'impression qu'il était ailleurs ; c'était un ton plat, léger, tranquille, désintéressé. Il avait échoué à ce test, hein ? Évidemment. Liven avait du partir de l'idée qu'il perdrait de toutes façons, alors à quoi bon le contredire ? Loghan ne comptait pas non plus confirmer les dires de son compagnon : non, il s'en fichait tout simplement parce que cela ne changerait rien. Qu'il ait échoué ou non à un test obscur et mystérieux, cela ne l'empêcherait pas de coller aux basques de l'Insupportable en bon garde du corps qu'il était désormais. En clair, il se foutait royalement d'avoir échoué au test. L'anorexique pencha légèrement la tête en arrière et leva les yeux en l'air pour observer le ciel sombre, nuageux et oppressant qui s'étendait au-dessus de leur tête, et une goutte d'eau vint s'écraser avec légèreté sur sa pommette droite, suivie d'une autre sur son arcade gauche. Le coin de ses lèvres s'étira fugacement dans une esquisse de demi-sourire qui disparut bien vite, puis il baissa la tête. Il aimait bien la pluie. Les orages le fascinaient. Il leva de nouveau la main pour rabattre la capuche de son gilet noir sur ses cheveux bleus en bataille, rajusta ses lunettes de soleil du bout de l'index puis fourra les mains dans les poches étroites de son jeans. Alors qu'il sentait les gouttes de pluie tomber dans un rythme crescendo sur sa capuche et sur ses épaules, il tourna la tête vers Liven pour l'observer pensivement.

      - Il se remet à pleuvoir. Tes cheveux vont être trempés.

      Ce qui était dommage, vu que leur couleur terne et fascinante allait être foncée par la pluie. Et ce qui n'avait absolument aucune importance, en effet, ni aucun rapport avec ce qui avait été dit plus tôt, mais peu importe : Loghan n'était pas normal, de toutes façons. Il adressa un sourire à Liven, un sourire léger et avenant, un sourire amusé et cordial, un sourire songeur et poli, un sourire qui était tout ça à la fois et qui était l'image de la polyvalence de son esprit étrange, puis tourna la tête. Et mains dans les poches, lunettes de soleil sur le nez, capuche difforme rabattue sur ses cheveux teints, filiforme et étrange, il continua de marcher à côté de Liven Reaves.


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